PALM BEACH - Sept ans après avoir fait l’acquisition du Canadien de Montréal, Geoff Molson est toujours le plus jeune des 31 gouverneurs qui entoureront Gary Bettman aujourd’hui et demain à la table regroupant les dirigeants de la LNH.

Il y a un an lorsque j’ai croisé Geoff Molson dans l’avion qui effectuait l’envolée vers Pebble Beach – la LNH alterne ses réunions de décembre entre le sud de la Floride et le nord de la Californie – le propriétaire du Tricolore affirmait se considérer comme un observateur lors de ces rencontres au sommet. Un an plus tard, Molson assure avoir pris de l’expérience. Il assure vouloir prendre de plus en plus de responsabilités. Il admet même qu’il serait intéressé par une des dix places au sein du comité exécutif.

« Ça fait sept ans que je suis là, j’ai bâti de bonnes relations et c’est certain que c’est quelque chose que j’envisage. Ça fait longtemps qu’on n’a pas modifié le comité et on n’en a jamais vraiment parlé, mais mon tour va venir», a convenu Geoff Molson lors d’un entretien accordé à RDS.ca dans son bureau du Centre Bell lundi.

Postes à combler

Le tour de Geoff Molson pourrait venir plus vite qu’on le croit. Le propriétaire du Canadien et ses homologues discuteront d’un tas de choses aujourd’hui et demain à l’hôtel Breakers de Palm Beach. La présence des joueurs de la LNH au prochain Jeux olympiques d’hiver en Corée et les derniers détails entourant l’entrée en scène des Golden Knights de Las Vegas seront les principaux points à l’ordre du jeu. Gary Bettman présentera sa nouvelle vice-présidente marketing Heidi Browning et les stratégies qu’elle entend développer pour améliorer la place occupée par la LNH dans le marché mondial du sport professionnel.

Parallèlement aux affaires courantes, il faudra aussi songer à remplacer le regretté propriétaire des Flyers de Philadelphie Ed Snyder au sein du comité exécutif. Le départ annoncé de Peter Karmanos qui devrait quitter le comité exécutif dès qu’il aura vendu ses Hurricanes pourra ouvrir la voie à un remaniement de ce comité restreint sur qui travaille étroitement avec le commissaire. Présidé par Jeremy Jacobs des Bruins de Boston, le comité exécutif est actuellement complété par la gouverneurs des Ducks dAnaheim, des Flames de Calgary, des Hurricanes de Caroline et Blackhawks de Chicago, du Wild du Minnesota, du Lightning de Tampa Bay, des Maple Leafs de Toronto et des Capitals de Washington alors que le siège occupé par les Flyers est vacant.

L’élection des membres du comité se fait par le biais de trois votes successifs tenus par les gouverneurs. Les dix membres qui reçoivent le plus de votes au terme de ces trois tours accèdent au dit comité.

Plus que le hockey

Le fait que le Canadien soit le club le plus décoré de la LNH milite un brin en faveur de Geoff Molson qui a fait ses classes au fil des sept dernières années.

La deuxième place du Canadien au classement établi par Forbes des équipes les plus riches de la LNH avec une valeur estimée de 1,12 milliard – derrière les Rangers de New York (1,25 milliard) et devant les Maple Leafs de Toronto (1,1 milliard) – milite également en faveur du propriétaire du Canadien. Surtout que le Tricolore trône au sommet de la LNH – toujours selon les évaluations de Forbes – avec des revenus annuels d’opérations de 76,9 millions $.

Ce qui aide davantage encore Geoff Molson à solidifier sa place autour de la table des gouverneurs et qu’il a su, une fois propriétaire du Canadien, étendre les ramifications de sa compagnie. Car s’il est vrai que le logo du Canadien occupe 99,9 de la valeur marketing de l’entreprise, le club de hockey a beaucoup de compétition à l’interne sur le plan des profits générés pour l’ensemble de la compagnie acquise par Geoff Molson à fort prix – on parle d’un prix d’achat dépassant les 600 millions $ – en 2009.

« Le défi que j’ai donné à l’équipe quand on a acheté le Canadien était de croître à l’extérieur des murs du Centre Bell. Les prix des billets pour les matchs du Canadien sont les plus élevés autour de la LNH. Je n’ai pas l’intention de les augmenter plus que le taux d’inflation. Tout va bien entre les quatre murs avec le Canadien. Quoi faire alors? Evenko a grandi. On a mis beaucoup d’efforts pour développer le projet de la Place Bell à Laval. On a associé le nom de l’équipe aux tours à condos et on s’est associé au propriétaire – Cadillac Fairview – parce qu’on ouvrira un restaurant-bar sportif à l’automne dans la tour déjà construite. Il y en aura un autre à Laval. On a acquis la gestion du Corona, du groupe Spectra et du Metropolis également. On devient non seulement un club de hockey, mais une compagnie événementielle qui touche des millions de personnes dans l’ensemble de nos salles qui accueillent de 1000 personnes au Corona à 21 000 personnes au Centre plus, en plus de tous nos festivals estivaux de musique. En 2009 on a acheté une équipe de hockey. Mais le Canadien est devenu bien plus gros que ça au fil des années », défilait fièrement Geoff Molson.

À ce titre, Jacques Aubé, qui est pour le volet spectacle ce que Marc Bergevin est pour le volet hockey au sein de la grande entreprise que représente le Canadien de Montréal, a été décoré de nombreux prix aux cours des dernières années à titre de meilleur producteur de spectacle en Amérique du Nord.

Tisser des liens avec ses clients

Même si la compagnie dont il est le propriétaire est bien plus qu’une équipe de hockey, Geoff Molson consacre actuellement plus de 85 % de son temps au club. Le fait qu’il ait hérité des tâches de son ancien bras droit et chef des opérations Kevin Gilmore qui a quitté l’organisation l’an dernier explique ce pourcentage élevé. Mais même lorsqu’il aura trouvé un remplaçant à son ancien COO – le candidat ou la candidate semble avoir été choisi et une annonce devrait être faite prochainement – le hockey occupera une grande place dans l’horaire de Geoff Molson.

« Mes premières pensées quand je me lève le matin sont dirigées vers le Canadien. C’est comme ça. C’est dans les gênes de la famille. Je parle avec Marc (Bergevin) au moins une fois tous les jours. On discute de l’équipe, des choses qui s’en viennent. Je parle aussi avec d’autres membres de l’organisation pour être bien au fait des stratégies et de les comprendre. Tu ne peux pas être propriétaire d’une équipe de sport professionnel si tu n’es pas d’abord passionné par l’équipe et le sport », assure Geoff Molson.

C’est d’ailleurs cette passion qui permettra peut-être un jour de faire renaître les Expos à Montréal. S’il n’est pas impliqué directement dans la croisade visant à ramener le base-ball à Montréal, Geoff Molson connaît très bien les acteurs principaux. Il n’hésitera d’ailleurs pas à s’associer avec eux dans l’éventualité d’un retour de l’équipe.

« Ç’aurait été beau un stade de base-ball là-bas derrière le Centre Bell, mais ce ne serait plus faisable aujourd’hui. Il n’y a plus assez d’espace et le stade surplomberait l’autoroute Ville-Marie ce qui n’est pas possible. Je ne sais pas où est rendu le dossier, mais ce serait vraiment bon pour la ville de ravoir du baseball », convient Geoff Molson dont la brasserie pourrait grandement tirer profit d’un nouveau marché.

Quand il aura nommé un nouveau bras droit pour l’aider dans les opérations du Canadien, le propriétaire du Canadien s’attaquera à un projet qui lui est cher : établir des liens plus directs avec ses clients.

« On a fait des pas de géant dans le domaine de l’informatique au cours des dernières années. Je veux utiliser le digital pour mieux comprendre les besoins de nos partisans. Je suis agacé par le fait qu’il y ait beaucoup de sièges vides lors des débuts de rencontre et par le fait que nos partisans quittent nombreux le Centre Bell avant la fin de matchs. Je crois que la circulation difficile autour d’ici est la cause principale, mais je veux en avoir le cœur net. Je veux comprendre. Je vais m’impliquer personnellement dans ce projet qui dépasse les cadres de la circulation. Je veux que nous répondions aux attentes de nos partisans le mieux possible. On en pourra jamais promettre des victoires sur la patinoire. Mais on peut promettre de prendre les moyens pour mettre la meilleure équipe possible sur la patinoire. Et on doit promettre de prendre les moyens pour rendre les visites de nos partisans au Centre Bell, autant pour le hockey que pour les spectacles, les plus agréables possible. »

Ne soyez donc pas surprise si, au fil des prochains mois, vous recevez un appel ou un courriel du propriétaire du Canadien qui vous demande de l’aider à améliorer les services qui vont sont offerts entre le moment que vous achetez votre billet pour l’un des évènements orchestrés par le Canadien et celui où vous rentrez à la maison après un match ou un spectacle.

Le retour des Nordiques

Est-ce qu’une présence éventuelle de Geoff Molson au sein du Comité exécutif de la LNH aiderait la cause de Québec dans sa quête de revoir patiner les Nordiques dans le Centre Vidéotron?

« Au début du processus d’expansion, je croyais que ce serait deux clubs ne serait-ce qu’en raison de l’équilibre entre les deux associations. La Ligue a décidé autrement. Je crois vraiment qu’un jour il y aura une 32e équipe. Pour Québec, le timing n’était pas idéal lors du dernier processus d’expansion. Ce n’est pas pour des mauvaises raisons qu’ils n’ont pas eu le club. D’ailleurs, je n’ai aucun doute qu’on remplirait les gradins à Québec. Que les partisans seraient parmi les meilleurs comme le sont les nôtres, mais il y a beaucoup plus de facteurs que les foules qui entrent en ligne de compte. Comme je l’ai toujours dit, j’espère revoir une équipe de la LNH à Québec un jour. L’amphithéâtre est prêt. Les fans le sont aussi. Il reste à attendre le meilleur moment », a conclu Geoff Molson.

On verra ce que l’avenir réserve. Mais la décision de faire renaître les Nordiques à Québec ne revient pas au Canadien ou à Geoff Molson. Elle revient à l’ensemble de la Ligue nationale de hockey par le biais de ses 31 gouverneurs et de son propriétaire Gary Bettman.