Il est facile de se réjouir du succès du négligé et de s’y identifier, car il est à notre image : il est normal. Il n’est pas un surdoué, ni une montagne de muscles, même qu’à l’inverse, il semble plutôt banal, ne sortant pas réellement du lot. Quand ce sous-estimé finit par percer, cela nous transporte, comme il s’agit de l’un des nôtres qui s’affranchit. Si cette personne dite « ordinaire » parvient à s’imposer, qu’est-ce qui m’empêche de faire de même? Quelles sont mes excuses? Quand le négligé triomphe, c’est inspirant, motivant et cela nous pousse à nous surpasser pour réaliser l’impossible. C’est d’ailleurs la raison voulant que ce soit l’épilogue à bien des contes ayant bercé notre enfance : Le Vilain Petit Canard ou David contre Goliath ne sont que des exemples parmi d’autres. Rien ne s’avère plus jouissif que déjouer les pronostics, que s’émanciper dans l’adversité.

Depuis son arrivée à Montréal, c’est exactement ce que fait Paul Byron : il fait mentir tous ses dénigreurs. Même qu’il a déjà 12 buts au compteur cette année, ce qui est un sommet en carrière, alors que nous n’avons pas encore franchi la mi-saison. Par son travail acharné et sa rapidité, Paul Byron s’est véritablement trouvé une niche avec le Canadien.

Il ne faut toutefois pas oublier qu’il n’y a pas si longtemps, les Flames de Calgary soumettaient son nom au ballottage et que l’avenir ne paraissait guère prometteur pour ce joueur de petite stature évoluant dans un circuit de colosses. Pour cette même raison, Byron n’a été réclamé qu’en sixième ronde, après avoir connu une brillante carrière au niveau junior. La réalité est qu’un joueur mesurant à peine 5 pieds et 9 pouces, pesant 160 livres, ne devrait pas percer dans la LNH, à moins d’être un surdoué du calibre de Patrick Kane.

Au début du calendrier, il était dit que les succès de Byron n’étaient pas pour durer. Aujourd’hui, il faut admettre que cette tendance n’a rien d’éphémère. Alors, comment Paul Byron est-il parvenu à faire mentir tous les experts? La réponse est l’alliance de sa rapidité et de son intelligence.

La provenance des buts inscrits par Paul Byron cette saison

=La provenance des buts inscrits par Paul Byron cette saison

Ce qui est particulier dans le cas de Byron, c’est que ses douze buts inscrits cette saison le furent depuis le bas de l’enclave, soit la zone la plus payante dans la LNH, comme 47,2% des filets ont cet emplacement pour origine. L’enclave semble être véritablement devenue le nouveau bureau de Paul Byron, ce qui est la clé de ses plus récents succès. Paul Byron tire à profusion depuis l’enclave et avec une précision chirurgicale.

La provenance des tirs décochés par Paul Byron cette saison

La provenance des tirs décochés par Paul Byron cette saison

Paul Byron affectionne tellement la zone qu’est l’enclave, que 72,2 % de ses tentatives de tir proviennent de cet endroit, ce qui est bon pour le quatrième rang de la LNH. De même, 73,1 % de ses tentatives de tir ayant pour origine l’enclave touchent la cible, Paul Byron se classant premier chez les avants du Tricolore à ce chapitre.

Comme vous pouvez le constater, Byron tire surtout depuis le bas de l’enclave, soit à 1.1 reprise pour chaque tranche de 20 minutes jouées à forces égales, seul Andrew Shaw exécute cette action plus souvent chez le CH. Les joueurs veulent décocher leurs tirs depuis cette zone payante et le succès de Byron réside justement dans le fait qu’il parvienne à tirer aussi fréquemment depuis le bas de l’enclave, comme la provenance de ses buts peut en témoigner. C’est d’ailleurs la raison expliquant que le petit ailier gauche marque sur 18,3 % de ses tentatives de tir, se classant premier chez la Sainte-Flanelle à ce chapitre, Torrey Mitchell venant au deuxième rang avec un taux de conversion de 9,9 %.

Comment Byron réussit-il à tirer si régulièrement depuis le bas de l’enclave? Après tout, si c’était chose simple, tous les joueurs de la LNH feraient de même.

Paul Byron ne reçoit pas plus de passes dans l’enclave et ne récupère pas plus de rondelles en zone offensive que la moyenne. Les séquences de jeu révèlent plutôt que ces tirs provenant du bâton de Byron surviennent à la suite d’un retour de lancer ou d’un surnombre.

Byron parvient à récupérer ces retours, comme il est bien positionné devant le filet, étant prêt à payer le prix pour occuper cet espace, et qu’il est suffisamment rapide pour battre le défenseur au moment de saisir le disque. De même, il semble anticiper la direction prochaine du retour, ce qui lui donne une longueur d’avance sur son couvreur. L’amalgame de sa rapidité et de son sens du hockey se veut l’explication dans ce cas.

En ce qui concerne les surnombres, Paul Byron est le joueur du Canadien réalisant le plus de jeux défensifs (passes bloquées, harponnages ou mises en échec) en zone offensive et neutre proportionnellement à son temps d’utilisation. Il anticipe le jeu et il met énormément de pression sur ses adversaires en raison de sa vitesse, les forçant alors à commettre des erreurs. Par la suite, il parvient à récupérer la rondelle et à foncer vers le filet, ce qui se conclut souvent par une chance de marquer. Encore une fois, c’est la synergie de sa vitesse et de son intelligence qui est la clé.

Dans la LNH actuelle, les joueurs plus petits et moins talentueux doivent trouver un moyen palliatif pour faire leur place. Pour Paul Byron, c’est en combinant anticipation et rapidité qu’il se démarque, ce qui lui permet de générer grand nombre de chances de marquer, chances qu’il parvient maintes fois à concrétiser.

Aujourd’hui, Marc Bergevin passe pour un génie pour avoir réclamé Byron au ballottage, alors que le principal intéressé, celui envers qui les préjugés étaient défavorables, nous électrise cette saison. La beauté du sport, c’est qu’il nous permet de rêver. Le temps d’une partie de hockey, on laisse de côté tous nos soucis, avant que le quotidien ne nous rattrape. Souhaitons que l’histoire de Byron lui permette de devenir une inspiration pour quelques jeunes hockeyeurs jugés trop frêles et les poussera à redoubler d’ardeur, un peu comme le fut Martin St-Louis par le passé. Paul Byron démontre présentement que même si tout joue en notre défaveur, ce n’est pas un empêchement en soi à ce que le vilain petit canard devienne à son tour un cygne majestueux.