Marc Bergevin, qui a porté huit chandails différents dans la Ligue nationale, était un défenseur marginal, mais on était loin de se douter qu'il était un patineur aussi fluide que P.K. Subban. Est-ce qu'il en a patiné un coup durant son bilan de la saison? Mises à part les belles phrases toutes préparées d'avance, les médias sont sortis de là avec très peu d'information à se mettre sous la dent. Pour de la vraie nouvelle, il faudra patienter.

Il me semble que le Canadien aurait pu profiter de ce moment pour confirmer la prolongation de contrat de Michel Therrien qui devrait couvrir deux années additionnelles. Si c'est le cas, cette entente portera à cinq ans son association avec le Canadien. Or, les entraîneurs survivent rarement plus de quatre ans à Montréal. Le dernier à l'avoir fait a été Pat Burns qui était heureux de partir après sa quatrième année. Il faut remonter à 34 ans pour relever une association plus longue. Scotty Bowman a résisté durant huit saisons au cours desquelles il a gagné cinq coupes Stanley durant les années 70. Avant lui, Toe Blake avait mérité huit coupes en 13 ans. Si Therrien se rendait au bout de son mandat, cela le placerait dans un club très sélect.

Pour revenir à ce point de presse annuel, on a déjà vécu des bilans au cours desquels les prédécesseurs de Bergevin ont été vertement critiqués. Pas cette fois, cependant. Il était évident que Bergevin n'avait rien à craindre. Son équipe a connu une saison dans le genre de celle qu'on n'ose pas anticiper au début d'une saison. Elle a amassé 100 points, certes, mais plus important encore, on est parvenu à créer une ambiance propice au succès. On a bâti un esprit de corps si solide qui a peut-être contribué à rapporter une victoire ou deux de plus en séries.

Bref, ce n'est pas uniquement une bonne équipe. C'est une belle formation, un groupe homogène qui ne s'est pas fait remarquer pour les mauvaises raisons à l'extérieur de la patinoire, comme ça s'est vu si souvent.

Ce qui ne veut pas dire que Bergevin va s'endormir dans son bureau cet été. Des décisions majeures devront être prises. Des brèches importantes devront être colmatées. Des jeunes devront faire leur place dans la formation au plus tôt et on devra analyser l'apport de quelques vétérans dont l'avenir est quasi derrière eux.

On flatte dans le sens du poil

La rencontre de Bergevin avec les médias a été un brin futile parce qu'on n'a rien su de concret. On aurait aimé en apprendre davantage sur ce qui attend l'équipe. Il a répondu gentiment à toutes les questions, mais n'a rien dit. La flagornerie était à l'ordre du jour. Il a flatté les médias dans le sens du poil en répétant que les questions de la salle étaient souvent « d'excellentes questions ». Ce sont les réponses qui n'étaient pas à la hauteur.

C'était assez évident qu'il ne nous dirait pas où il en est dans sa négociation avec Subban, qu'il ne nous confierait pas comment il répondra aux exigences d'Andreï Markov, si Thomas Vanek sera au camp en septembre ou ce qu'il a l'intention de faire de Brian Gionta et de Peter Budaj, notamment. Il s'est bien sûr retranché derrière le fait que l'équipe n'ayant été éliminée que jeudi dernier, il n'a pas eu le temps de consulter tout son monde. En somme, depuis trois jours, il s'est surtout concentré à passer en revue les questions qu'il allait recevoir. C'est un art que le secteur des relations publiques maîtrise fort bien. À défaut d'offrir des réponses plus explicites, il lui a fallu trouver la formule habile pour faire mieux passer ses pieux mensonges. Bergevin ne serait pas un bon directeur général s'il ne savait pas mentir.

Il a du pain sur la planche. Il a en tête un exemple relativement récent que le succès d'une saison n'offre aucune garantie pour l'avenir. Il y a deux ans, les Devils du New Jersey ont participé à la finale de la coupe Stanley. La saison suivante, ils n'ont même pas participé aux séries et ce, malgré la présence d'une légende dans les buts, Martin Brodeur.

Le Canadien a fait vivre aux Québécois un printemps excitant, mais la parité est si forte et la marge de manoeuvre de Bergevin est si mince, que ça pourrait se produire également chez nous l'an prochain si les changements qui seront apportés ne produisent pas les effets attendus.

Bergevin va protéger ses acquis d'abord. La place de Subban sera sécurisée à Montréal pour longtemps. On l'a compris durant les séries, et surtout durant celle contre Boston, que sans lui, il faudrait oublier la coupe Stanley. On ne peut jamais allé à la guerre sans un général d'une telle prestance.

La présence de Markov sera très utile durant au moins deux saisons encore. S'il partait, on le remplacerait par qui, dites-moi? Les trois jeunes qu'on voit poindre à l'horizon, Tinordi, Beaulieu et Pateryn, ne sont pas dignes de chausser ses patins en ce moment. Murray est parti, peut-être même Bouillon. Weaver arrive au bout de la route, lui aussi. Reste Emelin.

Bergevin se battra pour limiter l'entente de Markov à deux ans. Son défenseur insistera pour obtenir une entente de quatre ans. Le meilleur pouvoir de négociations de Markov réside dans le fait qu'il occupe un poste-clé qui le rend encore indispensable à 35 ans.

Vanek a bousillé sa crédibilité

Durant les séries éliminatoires, des joueurs peuvent augmenter leur valeur aux yeux de la direction. Ce fut le cas de Subban. D'autres peuvent diminuer la leur, comme on l'a vu dans le cas de Vanek. Si tous les directeurs généraux de la ligue ont observé Vanek en séries, rares sont ceux qui vont lui donner un coup de fil dans le but bien arrêté de lui accorder ce qu'il désire. Ce qui ne veut pas dire que l'un d'eux ne flanchera pas sous la pression.

Si Vanek avait patiné à fond de train en séries et s'il avait produit de façon à protéger sa réputation de marqueur et d'habile fabricant de jeux, le téléphone sonnerait déjà discrètement dans le bureau de son agent. Phénomène curieux, en privant l'équipe de sa précieuse contribution dans les séries, il a probablement rendu un fier service à Bergevin. Il lui a évité de commettre une erreur majeure dans son cas. S'il fallait que le Canadien lui accorde une cinquantaine de millions et que Vanek devienne le sosie de Rene Bourque pendant toutes ces années, Geoff Molson serait en droit de faire de gros yeux à son directeur général.

Bergevin s'est avancé sur la pointe des pieds quand on s'est informé sur le statut de son gros ailier droit. « J'ai mon opinion à ce sujet. On va discuter de cela à l'interne », a-t-il dit simplement.

La responsabilité première du directeur général ne sera pas de négocier un contrat avec Vanek. Ce sera plutôt de trouver un remplaçant de sa carrure sur le flanc droit qui est déjà vieillissant avec Brian Gionta.

Et parlant de joueurs qui disparaissent au rythme de leurs humeurs, Bourque a probablement sauvé son job à Montréal dans un effort de dernière minute. Après avoir traversé trois longues périodes léthargiques cette saison, après avoir traîné son portefeuille de 4 millions $ sur les galeries de presse durant neuf matchs et avoir terminé le calendrier avec un seul but en 19 parties, il a frappé fort quand ça comptait. De quoi Bergevin aurait-il l'air maintenant s'il échangeait son meilleur franc-tireur des séries? Ce sera donc la responsabilité de Therrien de voir à ce que l'effet positif des séries ne s'éteigne pas trop rapidement chez lui à l'automne.

Budaj? Tokarski?

Tout est souvent à recommencer pour un DG. Bergevin a ajouté sept nouveaux joueurs depuis l'été dernier en tenant compte de l'entrée récente du jeune Dustin Tokarski. De ce nombre, trois devront être remplacés : Murray, Parrros et Vanek. Compte tenu de ce qu'on a vu, il devra grossir son équipe et lui donner encore plus de rapidité. Contre Boston, le Canadien a gagné parce qu'il représentait la formation la plus rapide. On disait même qu'il formait l'une des équipes les plus rapides de la ligue. Pourtant, durant la série suivante, il a été étourdi par les Rangers.

On observera aussi avec beaucoup d'attention ce qui se passera dans la situation des gardiens Peter Budaj et Dustin Tokarski. Bergevin a dit de Budaj qu'il est l'un des meilleurs gardiens réservistes de la ligue. Pourrait-il poursuivre la route avec lui? L'été, et peut-être aussi Stéphane Waite, lui seront de précieux conseils. Chose certaine, le Canadien est bien nanti dans les buts. On l'a compris durant la série contre les Rangers. Fallait qu'il arrive un malheur à Carey Price pour qu'on en ait l'assurance.