Pendant 50 minutes, la situation ressemblait tellement à ce que nous avions vu dans le premier match de la série. Carey Price jouait de façon à démoraliser les Bruins, l'attaque massive avait produit deux autres buts et les Bruins avaient vu deux de leurs tirs s'arrêter sur le poteau. Le Canadien s'était même permis de résister à un long désavantage numérique de deux hommes. C'est vous dire à quel point les choses se passaient bien. Plus que 10 minutes à jouer et le Canadien allait se donner une étonnante priorité de deux parties dans la série, ce qui allait s'avérer un choc pour beaucoup d'observateurs.

Puis, les Bruins, qui doivent leur première place au classement général au fait qu'ils ont très souvent assommé leurs rivaux en troisième période, ont inscrit quatre buts sans riposte dans les 10 dernières minutes, dont le dernier dans une cage déserte. Ils ont marqué pas moins de 124 buts, séries éliminatoires incluses, jusqu'ici. L'état-major du Canadien a pris bonne note qu'en l'espace de deux parties, ils ont obtenu sept de leurs huit buts au dernier engagement.

C'était si inattendu comme verdict final, compte tenu aussi que le Canadien n'avait pas perdu à la régulière en 39 matchs après avoir conservé les devants après 40 minutes de jeu cette saison.

Les membres du Canadien, joueurs et dirigeants, vont nous rappeler toutes sortes d'éléments positifs concernant la suite des événements. Ils ont bien joué durant 50 minutes, ils sont passés très près de voler deux victoires à Boston, leur gardien a clairement démontré qu'il est en plein contrôle de son jeu et de ses émotions, etc. Toutefois, on ne peut pas totalement ignorer les dommages psychologiques qui sont rattachés à un match des séries éliminatoires qui était dans la poche, mais qu'on a laissé filer. Ça fait très mal un revirement comme celui-là parce que l'effet est double. Les Bruins ont peut-être perdu l'avantage de la patinoire au cours des trois derniers jours, mais le momentum est maintenant dans leur camp. Cette victoire leur a fait réaliser que Price, qui a très peu de choses à se reprocher, est humain après tout.

Par ailleurs, la série est égale sans que leur gardien, candidat au trophée Vézina, n'ait eu à s'illustrer. Tuukka Rask n'a impressionné personne dans le premier match et il a fait juste ce qu'il fallait pour gagner le second. En fait, il a contribué relativement peu à cette victoire puisque la majorité des attaques dangereuses se sont déroulées à l'autre extrémité de la patinoire. Sa consolation a été de vaincre le Canadien pour la première fois de sa carrière à domicile. Avant d'entrer dans ce match, sa fiche globale à Boston contre le Canadien était de 0-6-3 avec une ronflante moyenne de 3.28.

C'est peut-être là-dessus que les joueurs du Canadien peuvent bâtir pour la suite des choses. Rask a été supérieur à Price cette saison, mais dans un long et épuisant affrontement entre ces deux grands rivaux, c'est le contraire qui se produit. Price, dont c'était le premier revers en six matchs dans les séries, ne peut pas rester marqué par cette tornade qui lui est tombée dessus en troisième période. Il en a vu d'autres cette saison. Et veut veut pas, il s'est bâti toute une confiance durant les cinq premières périodes au TD Garden.

N'allons pas croire que joueurs des Bruins vont se présenter à Montréal en se disant qu'ils ont solutionné l'énigme Carey Price. Même s'ils ont assez bien joué pour gagner les deux premiers matchs, ils sont quand même venus à 10 minutes près de se retrouver en profonde difficulté. Un seul joueur les a empêchés de projeter des allures d'équipe championne et c'est Price. Il serait étonnant qu'ils s'attendent à ce que le gardien du Canadien soit moins efficace sur sa glace.

Price a joué dans la tête de ses rivaux par son style athlétique et par ses arrêts spectaculaires. Notre collègue à RDS, P.J. Stock, rappelle avoir vécu le même genre d'expérience durant la série Bruins-Canadiens en 2002. Comme ils l'ont fait cette saison, les Bruins avaient bouclé le calendrier au premier rang, 14 points devant le Canadien, bon huitième au classement. Ils considéraient alors qu'ils avaient un adversaire relativement facile devant eux.

Les Bruins y ont mis toute la gomme pour remporter cette série d'apparences inégale. Ils ont frappé constamment à la porte sans parvenir à se débarrasser du Canadien comme ils l'avaient souhaité. «Nous étions sur le banc en se disant qu'on ne battrait jamais leur gardien. Cette année-là, c'était José Théodore», raconte-t-il.

Le Canadien a finalement remporté la série en six matchs, en gagnant notamment les deux dernières parties par un score identique de 2-1. Les joueurs des Bruins, qui parlent constamment des fantômes et de la malchance dans leurs affrontements en séries contre Montréal, sont encore très méfiants. Price qui a joué dans leur tête durant 110 minutes sur 120, est évidemment leur plus grande source d'inquiétude, pour ne pas dire la seule.

Y aura-t-il changements?

Dans le camp du Canadien, il y a toujours beaucoup d'espoir parce qu'on est convaincu de posséder le meilleur gardien. Or, c'est bien connu que dans les séries, ce sont presque toujours les gardiens qui font la différence. De toute façon, personne n'a jamais cru que le Canadien reviendrait de Boston avec deux victoires. Dans la tête des joueurs, Price leur a fait gagner un match et demi, ce qui est au-delà de toute espérance.

Autre facteur positif, l'attaque à cinq du Canadien, qui était devenu une attaque passive durant les dernières semaines de la saison, s'est remise en marche au bon moment. Cette saison, le Canadien a été limité à deux buts en 17 supériorités numériques contre Boston. Or, on vient d'en marquer quatre en neuf tentatives. Ce succès inattendu sera peut-être de nature à calmer les ardeurs des Bruins. Le simple fait de savoir qu'ils doivent faire l'impossible pour éviter les pénalités est en quelque sorte une très bonne nouvelle pour les petits attaquants qui ont goûté à leur médecine dans cet édifice intimidant.

Il est possible que Michel Therrien apporte un changement ou deux mardis. Il pourrait être tenté d'ajouter de la robustesse en insérant Douglas Murray et Ryan White (en remplacement de Brandon Prust qu'on ne voit plus), même si aucun défenseur n'a paru intimidé par les tactiques physiques des Bruins. Néanmoins, à la lumière de ce qu'on a vu jusqu'ici, on ne serait pas très inquiet s'il revenait avec la même formation.

On repart en neuf dans cette série. Pour conserver l'avantage de la glace chèrement acquis à Boston, le Canadien doit remporter les deux prochains matchs. Rien que ça.