MONTRÉAL - Malgré la débandade de la saison dernière, Marc Bergevin peut se permettre d’entrevoir la campagne 2016-17 avec optimisme. Le directeur général n’a pas hésité à modifier le visage de son club tout en sachant que ça pourrait lui coûter les services de Mike Condon qui a été réclamé par les Penguins de Pittsburgh.

Réglons d’abord un dossier, celui de P.K. Subban et sa déclaration selon laquelle le Canadien a effectué une transaction de personnalité en l’expédiant aux Predators de Nashville.

« On tourne la page sur la transaction qui remonte au mois de juin. On en a discuté par la suite, lors de ma conférence de presse. Depuis cette journée, on a tourné la page. Alors, pour nous, P.K. appartient aux Predators et on lui souhaite la meilleure des chances. Je l’ai remercié pour ses services, mais on passe à une autre étape », a répondu Bergevin qui ne voulait pas s’étendre sur la question.

Le DG du Tricolore a donc eu l’audace de procéder à quelques changements significatifs avec la venue de Shea Weber, Andrew Shaw, Alexander Radulov et Al Montoya. Bergevin savait bien que cette dernière acquisition pouvait rimer avec le départ de Condon.

« Quand on a mis Montoya sous contrat, on était conscient qu'une décision allait devoir être prise. Dans un monde idéal, Mike n’aurait pas été choisi et il se serait retrouvé à St. John's, mais on n'a pas ce luxe-là en ce moment. On verra s'il y a des choses qui vont se produire à l'avenir pour améliorer cette position », a exposé Bergevin en citant Charlie Lindgren et Zachary Fucale qui défendront le filet des IceCaps.

Bergevin a insisté pour être très honnête avec Condon quand il a pu s’entretenir avec lui.

« Quand je lui ai annoncé que je le plaçais au ballottage, je lui ai dit deux choses : "Comme organisation, j’aimerais ça qu’on puisse te garder. Mais comme ancien joueur, comme personne, je te souhaite d’avoir une chance ailleurs". Je me situais entre les deux et je n’avais plus de contrôle sur la suite. […] Je lui souhaite la meilleure des chances, mais c’est difficile de perdre de la profondeur à cette position », a confié Bergevin en racontant que Condon s’est dit reconnaissant de cette première chance déterminante qui lui a été accordée par le CH.

En plus de ses tractations à travers la LNH, Bergevin et son entraîneur Michel Therrien ont déterminé qu’Artturi Lehkonen en avait fait assez pour rester à Montréal alors que Mikhail Sergachev méritait une audition minimale de neuf matchs.

Bref, la composition de l’équipe ressemble, de plus en plus, à la vision de Bergevin.

« Ça commence, oui, on peut dire ça », a reconnu l’ancien joueur.

Évidemment, l’état-major du Canadien ne pourrait pas se permettre une déconfiture pour une deuxième année consécutive.

« La saison dernière, on s’est carrément affaissé sans pouvoir se relever. Mais j’espère et je considère qu’on serait mieux outillé en raison de cette expérience. Je pense que ça fera une différence de miser sur Shea, Shawzy (Shaw) en complément avec Carey qui est en santé et Max (Pacioretty) qui a plus d’expérience comme capitaine », a décrit le grand patron.

Bergevin le répète souvent, il a basé ses décisions sur le leadership et la vitesse. Pour lui, il ne fait aucun doute que ces deux qualités produisent les équipes de premier plan. Sans s’aventurer dans le vestiaire des joueurs, il a obtenu la confirmation que ses gestes rapportent des dividendes.

« La chambre des joueurs, ça ne m’appartient pas. Mais, en discutant avec des personnes proches, tu vois que l’atmosphère est différente », a-t-il souligné.

Weber, qui a organisé un repas de l’Action de grâce avec ses coéquipiers, se situe au cœur de cette refonte.

« L’intimidation n’est plus ce qu’elle était dans les années 1980. C’est différent maintenant. C’est un gars qui va vous faire payer le prix si vous vous dirigez vers le filet. Il possède plusieurs autres qualités, je ne peux pas en nommer seulement une », a visé Bergevin qui a été heureux de constater que les entraîneurs reconnus d’Équipe Canada ont choisi Weber pour contrer les plus grandes menaces adverses.

Un arsenal plus menaçant pour Therrien

Ce travail de « rénovation » permet à l’entraîneur de compter sur un éventail plus intéressant de ressources.

« J’aime beaucoup la façon avec laquelle Michel a établi ses trios. Bien sûr, dans une saison de 82 matchs, il va y avoir des changements, des blessures, des ajustements et des matchs dans lesquels ça fonctionnera moins bien, mais j’apprécie notre rapidité et l’équilibre qu’on présente », a argué Bergevin.

Parmi ses nouvelles munitions, Therrien pourra se fier à Radulov, une arme russe qui peut causer des dommages de multiples manières. Aux yeux de Bergevin, le pari de ramener Radulov dans la LNH s’annonce déjà plus prometteur que la signature d’Alexander Semin il y a un an.

« (Je suis) Pas mal plus confiant. Le risque est un peu différent dans le sens que le montant d’argent n’est pas le même. Sans envoyer Semin en dessous du bus, tu vois déjà (que c’est différent) dans l’éthique de travail », a exprimé Bergevin en utilisant une expression anglophone.

« Ici, les joueurs ont deux équipements, un pour pratiquer et un pour les matchs. Quand on annoncé ça à Radulov, il a dit : "Non, non, ça me prend mon stock de game". On l’a convaincu, mais il disait qu’il pratique comme il joue. Lui, dans sa tête, il faut qu’il soit top dans les pratiques pour mieux réussir. C’est ça son attitude. Déjà là, tu vois que le gars a le couteau entre les dents », a-t-il poursuivi avec un exemple.

Mais le facteur le plus significatif s’appelle Carey Price. Lors de son expérience en tant que l’un des décideurs d’Équipe Canada pour la Coupe du monde, Bergevin a rapidement été rassuré.

« Sa première partie était celle à Columbus et c’était une performance à son image. Ce qui m’a fait bien sentir, c’est ce qu’il a dit après la partie. De façon très détendue, il a dit que c’était une aventure. Il n’est pas inquiet alors pourquoi je le serais? C’était du vrai Carey Price après : bang, bang, bang », a cerné le directeur général.

Même avec une formation aussi puissante, Bergevin a encore une fois constaté la valeur de cet athlète.

« On misait sur les meilleurs attaquants et les meilleurs défenseurs du Canada, mais si on n’avait pas eu le meilleur gardien, il y aurait eu un match ultime. Mon point, c’est que peu importe les éléments de ton équipe, si tu n’as pas le gardien qui va faire l’arrêt, tu ne vas pas gagner », a-t-il soutenu.

« C’est la position la plus importante, c’est la fondation d’une équipe. Ce serait comme bâtir une maison sans fondation. Comme on l’a vu la saison passée - et ce n’est rien contre Mike Condon - mais cette fondation n’était pas très solide », a enchaîné l’ancien défenseur.

Bergevin se garde quand même une petite gêne, il ne veut pas aller jusqu’à dire que son club accédera aux séries en se classant parmi les trois meilleures équipes de sa division.

« C’est une prédiction que je ne peux pas faire. Il y a de bonnes équipes dans notre division. Tu penses à Tampa, la Floride qui s’en vient, Boston qui s’améliore. Quand tu arrives à la dernière journée du calendrier et que tu espères qu’une équipe perde pour accéder aux séries, ce n’est pas l’idéal. On veut arriver en séries en santé et avec du momentum, c’est ça qui est important », a conclu Bergevin.