L'énigmatique Nathan Beaulieu
Canadiens jeudi, 30 mars 2017. 13:34 samedi, 14 déc. 2024. 22:55Lorsque Trevor Timmins a annoncé la sélection du défenseur Nathan Beaulieu à la séance de repêchage de 2011, le Canadien a alors vendu l’idée qu’il venait de réclamer un futur remplaçant à Andrei Markov sur le flanc gauche.
Beaulieu a été qualifié de défenseur à caractère offensif, possédant une excellente première passe et un bon coup de patin. Presque six ans plus tard, Markov patrouille toujours la ligne bleue du Tricolore sur la première paire défensive, pendant que Beaulieu fait la navette entre la troisième unité et la galerie de presse.
Pourtant, fort d’une récolte de 27 points en 69 parties, tout en affichant un différentiel de plus-10, Nathan Beaulieu connait sa meilleure saison dans le circuit Bettman sur le plan des statistiques individuelles. Malgré tout, l’entraîneur-chef du Canadien, Claude Julien, n’est visiblement pas satisfait de son rendement, autrement il ne ressentirait pas le besoin de le rayer de la formation.
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Il faut admettre que Beaulieu n’a tout simplement pas répondu aux attentes placées à son égard malgré ses belles statistiques, surtout qu’au début du camp d’entraînement, une bonne majorité d’experts prédisait que Beaulieu serait le partenaire défensif de Shea Weber. La réalité fut toute autre, comme nous sommes obligés de le constater aujourd’hui. La véritable éclosion de « Nate The Great » se fait toujours attendre.
Beaulieu a-t-il été surévalué au départ? A-t-il été mal développé par l’organisation? Son entraîneur est-il plutôt trop sévère à son égard? S’agit-il d’un problème d’attitude?
Le plus déconcertant est certes que Beaulieu semble capable du meilleur et du pire. Son coup de patin est excellent, il compte sur un bon lancer et ses passes sont précises. Par contre, son jeu défensif est plus que poreux, ses prises de décision sont douteuses et il place souvent son équipe dans l’eau chaude sans aucune raison apparente, de quoi rendre fous les amateurs de la Sainte-Flanelle.
Le portrait est assez simple : Beaulieu est bon, mais il est loin d’être fiable. Avec les séries qui approchent à grands pas, Claude Julien a toutes les raisons valables de douter de son jeune défenseur et de prendre le temps d’évaluer toutes les options se présentant à lui.
Le premier problème dans le cas de Beaulieu se veut qu’il ne soit pas en mesure de contrer avec efficacité ses opposants. Son positionnement en zone défensive est souvent douteux et il y fait parfois preuve de nonchalance. Il en résulte qu’il est l’un des défenseurs du Canadien réalisant le moins de jeux défensifs proportionnellement à son temps d’utilisation, car il anticipe mal les actions de ses adversaires. Comme il est en retard sur le jeu, il ne coupe pas bien les lignes de passe, il se trouve souvent trop à distance de ses adversaires pour les harponner ou il les plaque lorsque ceux-ci se sont déjà défaits du disque. Conséquemment, l’adversaire continue de bourdonner en zone du Tricolore.
Un autre indice allant en ce sens est que Beaulieu récupère moins de rondelles libres en zone défensive que l’arrière moyen du Canadien proportionnellement à son temps de glace à forces égales, et ce même s’il est le meilleur patineur du groupe avec Jeff Petry. Même qu’à l’inverse, en raison de sa rapidité, il devrait dominer cette catégorie, comme le fait justement Petry. Beaulieu y récupère moins souvent le disque, car il est fréquemment hors position et que son temps de réaction est extrêmement lent, ce qu’il n’est pas en mesure de compenser via son coup de patin.
Beaulieu connait également des ennuis au moment d’orchestrer une sortie de zone, malgré que la qualité de ses passes ne soit pas en cause. C’est plutôt sa prise de décision qui est discutable.
D’entrée de jeu, il faut reconnaître que les passes de Beaulieu sont rapides et précises, complétant d’ailleurs bon nombre de passes en zone neutre et offensive, sauf que les choses se corsent drôlement pour lui dans son territoire défensif. Sa vision du jeu y semble restreinte, se contentant souvent de diriger la rondelle vers son coéquipier le plus proche, sans prendre le temps d’évaluer toutes les avenues s’offrant à lui.
Il en résulte qu’il complète moins de passes que le défenseur moyen du Canadien en sortie de zone et que ses passes sont aussi plus régulièrement interceptées par l’adversaire. De même, Beaulieu se contente souvent de remettre le disque à son partenaire, alors qu’il devrait être celui en charge de mener les sorties de territoire, raison expliquant d’ailleurs que bon nombre d’experts le voyaient évoluer en compagnie de Shea Weber au moment d’entamer le calendrier.
Comme ses passes sont souvent télégraphiées, il commet des revirements à répétition en zone défensive, essentiellement lors desdites sorties de zone, ce qui place le Canadien dans l’embarras. Ces actions ratées permettent alors à l’adversaire de prendre possession du disque en zone du Tricolore et de s’y faire menaçant. Ultimement, cela occasionne des chances de marquer permettant de prendre la défensive à contre-pied et générant fréquemment à des surnombres, comme les revirements commis en ces séquences de transition sont les plus coûteux.
C’est justement parce que Beaulieu ne parvient pas à contrer ses adversaires et qu’il commet trop de revirements en zone défensive que Claude Julien n’a pas hésité à jongler avec ses effectifs. Il faut cependant rendre à César ce qui appartient à César, et avouer que Beaulieu excelle en zone offensive.
Au moment de sa sélection à l’encan de 2011, son instinct offensif a été vanté. À ce niveau, le Canadien ne s’est pas trompé, comme les statistiques individuelles de Beaulieu peuvent en témoigner.
Indéniablement, Nathan Beaulieu adore se trouver en possession du disque en zone adverse et organiser les attaques du Canadien. Cela est palpable dès les entrées de territoire, alors qu’il est le défenseur franchissant le plus fréquemment la ligne bleue en possession du disque pour chaque tranche de 20 minutes de jeu passé à égalité numérique. Il s’avère également être l’arrière chez le Tricolore complétant le plus de passes en zone offensive, excellant pour y repérer ses coéquipiers et usant à bon escient la qualité de ses passes, contrastant fortement avec son rendement en zone défensive.
Beaulieu fait également preuve d’une belle maturité au moment de décocher un tir, étant le défenseur du Canadien réussissant à frapper le plus souvent le filet adverse, soit 45,7 % du temps, ce qui est une avance énorme de six points de pourcentage sur son plus proche poursuivant. En atteignant la cible, cela force le gardien à faire l’arrêt et peut causer des retours de lancer pour ses coéquipiers, tout en évitant de commettre un revirement à sa ligne bleue en voyant son lancer bloqué par un joueur adverse.
C’est en cadrant ses frappes et en alimentant à merveille ses coéquipiers que Beaulieu se révèle être le deuxième défenseur du Canadien réalisant le plus de jeux générant des chances de marquer. Cela explique sa récolte offensive intéressante, surtout qu’il n’a évolué que sporadiquement sur la première vague de l’attaque à cinq.
Ce qui est frustrant dans le cas de Beaulieu, c’est qu’il est capable du meilleur et du pire. En zone défensive et offensive, c’est le jour et la nuit, Docteur Jekyll et Mr. Hyde. Beaulieu est une bombe à retardement pour laquelle il est impossible de prédire contre qui la détonation sévira : le Canadien ou ses opposants?