Nous étions en pause publicitaire et nous allions commencer la description du match dans environ une minute. J’ai donné un coup de coude à mon collègue Yvon Pedneault pour attirer son attention. « Regarde de l’autre côté, sur la galerie de presse, il n’y a personne. Je te parie qu’ils sont tous restés au salon de la presse pour entendre notre début. » C’était bien le cas, du reste.

Le 16 octobre 1989, au vieux Forum de Montréal, un tout jeune réseau de télévision passait le test le plus important de sa jeune histoire. Déjà, la naissance de RDS, le 1er septembre précédent, tenait pratiquement du miracle et faisait taire tous les sceptiques qui croyaient qu’il était impossible qu’un réseau spécialisé entièrement dédié au sport puisse survivre au Canada français. Pourtant, avec une poignée d’artisans, le Réseau des Sports avait pris son envol comme prévu et avait déjà acquis un certain momentum à la mi-octobre. Il y avait eu du baseball, du football, du sport automobile et de jeunes commentateurs avaient déjà commencé à faire connaître leur nom et leur talent sur cette nouvelle plate-forme. Mais comment RDS allait-il se comporter avec la diffusion du hockey de la LNH, une propriété alors exclusivement réservée aux grands réseaux conventionnels?

Il allait y avoir 40 matchs à l’horaire pour cette première année. Une douzaine du Canadien, une dizaine des Nordiques et le reste était comblé par des rencontres impliquant d’autres équipes de la LNH, avec l'accent sur les Penguins de Pittsburgh et son joueur étoile, Mario Lemieux. Le fait de commencer au Forum ajoutait à la pression déjà lourde sur nos épaules. On se retrouvait directement sous la loupe de nos collègues, dont plusieurs se demandaient comment RDS pouvait se mesurer à des institutions comme La Soirée du Hockey ou encore aux reportages des réseaux établis comme TVA et TQS.

Personnellement, sans pavoiser et en toute modestie, je savais que nous pouvions nous en tirer plutôt bien. Notre petite équipe permanente était quand même composée de gens d’expérience. À Yvon Pedneault s’ajoutaient l’animateur-hôte Denis Caron et le producteur France Corbeil, qui avaient tous les deux œuvré à la télédiffusion des matchs des Nordiques. Notre grand patron à la programmation, Guy Désormeaux, fut un pionnier de la retransmission des matchs du Canadien à La Soirée du Hockey de Radio-Canada. Et tout le personnel de production regroupé pour cette première avait aussi l’expérience nécessaire.

En fait, c’est surtout votre humble chroniqueur qui se retrouvait sur la sellette dans la mesure où je n’avais jamais décrit de matchs de la Ligue nationale de hockey auparavant. Mais au printemps précédent, étant alors au service des sports de Radio-Canada, j’avais eu le plaisir de décrire quelques matchs de l’excitante série finale de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, entre Laval et Victoriaville. J’y avais acquis beaucoup d’assurance quant à ma capacité de m’acquitter de ma nouvelle tâche à RDS et j’étais heureux de pouvoir goûter au même rôle qui fut celui de mes idoles René Lecavalier et Richard Garneau.

Honnêtement, notre premier reportage s’est déroulé finalement beaucoup mieux que prévu. Il n’y eut aucune anicroche significative et nous avons reçu d’excellentes réactions de la part de ceux qui nous avaient regardés ce soir-là. Le lendemain, dans La Presse, le chroniqueur André Turbide avait publié une critique extrêmement positive, du genre « mais d’où sortent-ils? ». Vraiment, on ne pouvait demander mieux pour un début aussi scruté à la loupe.

Quelques semaines plus tard, à mesure que nous raffinions notre produit et que la chimie s’installait davantage dans notre groupe, nous avons reçu un autre merveilleux cadeau. Le chroniqueur Mario Brisebois, du Journal de Montréal, avait publié les résultats d’un sondage où le hockey à RDS sortait grand gagnant dans l’opinion publique, par rapport aux autres réseaux. Vraiment, cela nous a donné des ailes.

Vers les séries et... l’exclusivité!

Les années qui suivirent auront permis non seulement d’innover à plusieurs points de vue, mais aussi d’affirmer davantage notre place en tant que diffuseur crédible. Nous avons ajouté plusieurs matchs en saison régulière et en 1993, nous avons couvert notre première série éliminatoire, un véritable film d’action impliquant deux grands rivaux, les Red Wings de Detroit et les Maple Leafs de Toronto. La série connut son dénouement au 7e match en prolongation et c’est Nikolaï Borschevsky des Leafs qui scella l’issue de cette palpitante série. Ce fut pour nous un autre pas majeur dans notre croissance.

Nous avons finalement atteint un stade où RDS était devenu diffuseur de tous les matchs en semaine en plus d’accroître notre offre en séries éliminatoires. Sans prétention, nous étions devenu bien plus qu’un acteur majeur : nous devenions progressivement la référence en matière de diffusion du hockey. Nous étions bien loin, cependant, de deviner ce qui nous attendait à l’été 2002!

L’annonce de l’acquisition exclusive des droits de la LNH eut l’effet d’une véritable bombe, non seulement dans le milieu du sport, mais dans le milieu de la télé en général. Notre président, Gerry Frappier, venait de frapper un très grand coup, un exploit que même nous à l’interne avions de la difficulté à saisir quand l’annonce est venue. Cette formidable épopée de 12 ans aura eu des répercussions positives immenses autant pour RDS que pour le Canadien de Montréal et la Ligue nationale de hockey dans son ensemble. La concentration des matchs du CH à une seule antenne a grandement contribué à la relance de l’équipe auprès d’un public plus jeune, plus dynamique. Bientôt, les sièges vides devenus courants au Centre Bell se remplirent et les cotes d’écoute des matchs ont grimpé en flèche. Pas étonnant, au fond, qu’un réseau de sports concurrent ait vu le jour, dans la foulée des succès immenses qui ont marqué les 25 ans de notre réseau.

La reconduction d’un partenariat de douze ans avec le Canadien, englobant la diffusion d’une soixantaine de matchs de l’équipe, et l’association nous permettant d’offrir plus de cinquante matchs des Sénateurs d’Ottawa sont des défis emballants que nous sommes heureux de relever à compter de maintenant et qui vont parfaitement de pair avec l’expérience acquise au cours du dernier quart de siècle.

Des souvenirs impérissables

On me demande souvent quels furent mes plus beaux souvenirs au cours de ces 25 années passées à la description des matchs du Canadien et de la LNH en général. Je réponds toujours un peu maladroitement qu’ils sont tout simplement trop nombreux pour les classer dans un ordre précis.

Mes premiers coups de cœur vont toujours aux collègues que j’ai côtoyés directement. Yvon Pedneault, Pierre Bouchard, Benoit Brunet et maintenant Marc Denis m’ont apporté beaucoup, autant sur le plan professionnel que personnel. Les réalisateurs, producteurs, statisticiens et techniciens sont aussi devenus des amis et rarement nous sautons une occasion de souper ensemble quand nous sommes « sur la route ». Tout le personnel de soutien dans les locaux de RDS a aussi joué un grand rôle au cours de ces 25 années.

Cela dit, il y eut des passages inoubliables à la description des quelque 2500 matchs auxquels je fus affecté depuis 1989. Le tout premier restera inoubliable, certes, mais il y en eut tellement d’autres. Les confrontations Canadiens-Bruins en séries, la remontée contre les Rangers, l’essor des Nordiques avant leur déménagement, les buts électrisants de Mario Lemieux, la fermeture du vieux Chicago Stadium, le match en plein air à Edmonton, la soirée du centenaire, bref, chaque saison m’a apporté son lot de grands moments d’émotions.

Ces 25 années à la description des matchs de la LNH m’ont aussi permis de renouveler mon émerveillement pour notre sport national. Les joueurs de la Ligue nationale sont des athlètes exceptionnels, qui possèdent tous un talent hors du commun. Ils sont aussi, pour la plupart, d’une grande gentillesse et d’une grande générosité envers nous et donc, par ricochet, envers vous les amateurs. On oublie cela trop souvent.

Je voudrais aussi souligner combien la confiance de la direction de RDS fut appréciée au plus haut point depuis 25 ans. Ce fut une relation aussi saine que riche. Il existe un esprit familial très fort au Réseau des Sports et bien honnêtement, je ne me suis jamais vu œuvrer ailleurs. Cette ambiance familiale ne diminue en rien, cependant, notre volonté de bien faire les choses, jour après jour.

Mais c’est surtout à vous, chers amis, que je garde le dernier segment de cette réflexion. Votre fidélité et votre support tout au long de ce parcours furent ma nourriture quotidienne, sur le plan professionnel. Vos commentaires positifs ont été un carburant extraordinaire; vos critiques ont été source de réflexion et d’humilité. Dans les deux cas, je me suis toujours imposé l’obligation d’être à la hauteur de vos attentes. Tenir l’antenne en votre compagnie n’est pas un droit acquis. C’est un privilège et de celui-ci découle une responsabilité très nette : celle de vous informer, de vous divertir et d’être le lien entre l’exploit sportif et vous. Si, au passage, je réussis à transmettre ma passion pour mon métier, et bien tant mieux.

Il ne me reste qu’à vous souhaiter affectueusement, au nom de toute notre équipe, la bienvenue dans notre deuxième quart de siècle!