À moins que Marc Bergevin réussisse une transaction majeure dans le but d'améliorer sa position au prochain repêchage, le prometteur Pierre-Luc Dubois, classé au quatrième rang par la centrale de la Ligue nationale, ne sera plus disponible quand viendra le moment pour le Canadien de réclamer son premier espoir.

Dubois est le type de joueur de centre dont le Canadien a un pressant besoin. Une belle stature de six pieds, trois pouces et de 205 livres qui a récolté 99 points, dont 42 buts, cette saison avec les Screaming Eagles du Cap-Breton.

Une autre option pourrait s'offrir à Bergevin. J'ignore si c'est encore vrai qu'à talent égal le Canadien réclamera un Québécois, mais Julien Gauthier, un ailier droit de six pieds, quatre pouces et de 225 livres sera probablement encore disponible au neuvième rang. Cet attaquant de puissance, qui peut marquer des buts, est bâti sur du solide.

C'est un jeune homme discipliné qui sait où il s'en va dans la vie. Si vous le cherchez quand il n'est pas sur la glace, il y a de bonnes chances que vous le trouviez dans un gymnase. Gauthier a de qui tenir, lui qui vient d'une famille d'hommes forts. Son grand-père est Denis Gauthier, ex-lutteur et ex-culturiste, et son oncle est l'autre Denis Gauthier, qui a connu une carrière de 10 ans comme défenseur dans la Ligue nationale et qui est aujourd'hui analyste à RDS.

En 1995, Denis n'avait aucune chance d'être repêché par le Canadien qui, pour une rare fois, avait le privilège de se prononcer aussi tôt qu'au huitième rang. Cependant, rarement l'organisation s'est-elle autant fourvoyée en réclamant Terry Ryan qui a joué un grand total de huit parties dans la ligue.

« J'admets y avoir pensé, dit-il. Tous les Québécois rêvent un jour de marquer le gros but avec le Canadien. Toutefois, être réclamé par le Canadien n'était pas un objectif absolu. J'ai quand même ressenti un petit pincement quand Ryan a été repêché, mais je me suis vite concentré sur les sélections suivantes. »

Gauthier a finalement été choisi au 20e rang par les Flames de Calgary, cinq rangs devant son collègue à RDS, Marc Denis. Il a plus tard distribué ses ruades spectaculaires et ses coups d'épaule percutants avec les Coyotes de Phoenix, les Flyers de Philadelphie et les Kings de Los Angeles.

Aujourd'hui, c'est son neveu Julien qui s'apprête à vivre ce repêchage. Il deviendra le deuxième membre de la famille à être choisi en première ronde. Qui sait, peut-être aura-t-il l'occasion de jouer dans sa propre cour, mais Denis Gauthier n'a pas l'intention de se transformer en cheerleader devant le Centre Bell afin d'inciter le Canadien à le réclamer.

« Ce que je souhaite pour lui, c'est qu'il se retrouve dans une organisation où il aura la chance de bien se développer, dit-il. Je souhaite un jour qu'il vive l'expérience du Canadien, une chance que je n'ai pas eue, mais rien ne presse pour ça. »

À en juger par la description qu'il fait de Julien, on n'a pas de mal à croire qu'il pourrait rencontrer les critères du Canadien. Il dit de lui qu'il possède beaucoup d'atouts physiques. Bon patineur, il est plus un marqueur qu'un fabricant de jeux. Il est un attaquant de puissance qui a l'instinct d'un marqueur naturel. Il protège bien la rondelle et il se plaît à patrouiller le devant le filet. Compte tenu de son gabarit, des recruteurs de la Ligue nationale ont déjà commencé à lui trouver des points de comparaison: Rick Nash, Jamie Benn et Max Pacioretty. Rien de moins.

Serait-il assez solide mentalement pour arriver à s'exprimer au début de la vingtaine dans la chaude marmite de Montréal?

« Comme avec la majorité des jeunes, c'est une chose dont on ne peut être certain tant qu'il ne s'est pas retrouvé dans cette situation, mentionne l'ancien défenseur. Au début, qu'il soit préparé ou non à vivre cette expérience, ce serait un choc, surtout pour un Québécois. Ce serait à lui de se frayer un chemin là-dedans en s'entourant des bonnes personnes et en portant une oreille attentive aux conseils qu'il recevrait. »

Deux attitudes pour lesquelles il est déjà reconnu.

Un rêve qui lui a échappé

Si Denis Gauthier n'a jamais porté le chandail tricolore, c'est uniquement parce que l'occasion ne s'est pas présentée. Il est passé de Calgary à Phoenix, à Philadelphie et à Los Angeles par voie de transactions. À 30 ans, à l'expiration d'un contrat de trois ans lui rapportant annuellement 2.2 millions $, il est devenu libre comme l'air. Le téléphone n'a jamais sonné.

La ligue avait changé. Son style particulier, qui consistait à incruster des rivaux dans la bande, était peut-être devenu moins important que lors des 10 ou 15 années précédentes. Il avait aussi écopé de deux suspensions à sa dernière année, ce qui a peut-être fait réfléchir certaines équipes.

Il était prêt à accepter moins d'argent, mais jamais personne ne s'est informé de ses intentions. Comme si on avait déduit qu'il exigerait davantage que les 2.2 millions $ de sa dernière année de contrat.

« J'avais juste 30 ans; j'avais encore de bonnes années à offrir. J'aurais tellement aimé recevoir l'appel du Canadien. J'étais prêt à jouer au salaire minimum pour porter ce chandail. Cette année-là, le Canadien avait embauché Hal Gill, Jaroslav Spacek et Paul Mara. Il y avait peut-être un besoin pour les deux premiers, mais je n'ai jamais compris l'offre faite à Mara. Même dans un rôle de sixième défenseur, je m'imaginais en train de manger les bandes pour le Canadien. J'ai toujours joué avec coeur. J'aurais tout fait pour cette organisation », explique-t-il.

Gauthier aurait pu être en quelque sorte le Alexei Emelin du Canadien deux ans avant l'arrivée du Russe.

« Je crois que mon désir d'aller frapper des adversaires était plus grand que celui d'Emelin, ajoute-t-il. Emelin a ralenti; il choisit ses moments. Personnellement, je sortais rarement d'un match sans avoir distribué trois ou quatre bonnes mises en échec. Il y avait des similitudes entre le style d'Emelin et le mien, mais j'avais le chien pour faire ce travail. »

Dans exactement 66 jours, à Buffalo, Denis Gauthier sera fixé sur l'avenir de son neveu. Qui sait, peut-être y aura-t-il un Gauthier avec le Canadien un jour. Chose certaine, s'il est disponible le moment venu et si jamais Trevor Timmins laisse filer un ailier droit format géant, solide franc-tireur et Québécois de souche, il faudra qu'il nous explique sérieusement celle-là.