Un plan quinquennal à l’eau
Canadiens lundi, 24 avr. 2017. 17:49 jeudi, 12 déc. 2024. 21:31Je sais que Geoff Molson a une profonde admiration pour Marc Bergevin qu’il considère comme l’un des meilleurs directeurs généraux de la Ligue nationale. Même si Bergevin consacre des heures, des jours, des semaines et des mois à la relance du Canadien, l’équipe donne l’impression de tourner en rond après avoir gagné une seule série au cours des trois derniers printemps. Elle ne progresse sûrement pas au rythme que la haute direction tente de nous le faire croire.
Le propriétaire de l’organisation n’est pas le premier à s’enticher d’un directeur général de cette façon. Inutile de regarder très loin derrière pour relever un autre exemple du même type. Son prédécesseur, George Gillett, n’a-t-il pas déjà dit de Bob Gainey qu’il était un génie? Gainey nous a été présenté comme un sauveur à son arrivée. Quand il est parti six ans plus tard, l’équipe n’était ni meilleure ni pire qu’à son premier jour en poste.
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Je n’essaie surtout pas de comparer la situation ou la façon de procéder de Bergevin à celle Gainey, mais après l’audition de quelques candidats à la succession de Pierre Gauthier, quand Molson et Serge Savard ont vu en lui le gars parfait pour relancer le Canadien, on s’attendait à beaucoup plus que ce qu’on a vu jusqu’ici.
Depuis le départ de Savard, tous les directeurs généraux qui ont suivi ont pris la commande de l’équipe avec un plan quinquennal qui promettait mer et monde. Bergevin, qui compte plus de conseillers à ses côtés que ses prédécesseurs n’en ont jamais eus, vient de terminer le sien sans panache. Solidement protégé par un contrat jusqu’en 2022, il n’est évidemment pas en danger, mais après cinq ans, le moment est certainement venu pour lui de répondre à des questions plus corsées de l’homme qui signe les chèques.
Depuis cinq ans, Bergevin a réussi pas moins de 70 transactions sous la forme d’échanges, d’embauche de joueurs autonomes et d’autres par le biais du ballottage. Il y a eu de belles prises, dont celles de Thomas Vanek, Jeff Petry, Alexander Radulov, Shea Weber et, à un moindre niveau, celles d’Andrew Shaw (qui coûte très cher pour ce qu’il rapporte), Jordie Benn, Paul Byron, Brandon Prust et Dale Weise.
Mais il y a eu aussi énormément de rapiéçage permettant d’acheter du temps. Vous voulez des noms? Je pourrais vous en énumérer quelques dizaines, mais je vais me limiter à George Parros, Douglas Murray, Pierre-Alexandre Parenteau, Daniel Brière, Mike Weaver, Sergei Gonchar, Alexander Semin, Manny Malhotra, Tomas Fleischmann, etc. Toutes des décisions acceptables au présent, mais qui ne règlent rien pour l’avenir. Une belle opération nids-de-poule.
Ces décisions, qui ne servent qu’à colmater des brèches, ont été répétées il y a quelques semaines quand on a ajouté beaucoup de poids dans une tentative pour combler une lacune qui a souvent fait défaut dans les séries. Sauf peut-être pour Jodie Benn, les Ott, King et Martinsen n’ont eu aucun impact contre les Rangers. Aucun de ces trois-là, qui avaient été acquis pour imposer le respect, n’a même écopé d’une pénalité mineure. C’était même gênant de voir King, soir après soir, traîner un piano sur le flanc gauche.
Les joueurs ont tous dit les bonnes choses avant de prendre congé des médias. Ils aiment leur équipe et croient en leurs chances de gagner la coupe Stanley. Peut-être le pensent-ils vraiment en discutant entre eux? Le fait qu’ils forment un groupe uni fausse peut-être leur évaluation personnelle de la situation. Dans le vestiaire, ils regardent autour d’eux en imaginant sans doute avoir suffisamment de talent pour y arriver, mais c’est loin d’être le cas. Contrairement à ce qu’a déclaré Bergevin, je ne me souviens pas d’avoir déjà vu un champion de la coupe Stanley sans un seul joueur de centre étoile dans ses rangs.
Malgré ce qu’on en dit, le Canadien ne s’approche pas de la coupe. Non seulement n’a-t-il pas en ce moment ce qu’il faut pour s’y rendre, mais voilà que de nouveaux adversaires se pointent dans le décor pour lui compliquer la vie encore un peu plus. Levez la main ceux qui voient les jeunes Oilers d’Edmonton et les jeunes Maple Leafs de Toronto devenir de sérieux aspirants à la coupe Stanley à moyen terme? Levez la main ceux qui croient le Canadien capable de la gagner avant eux.
Comment Bergevin pourra-t-il régler son problème majeur au centre dès l’an prochain? À moins qu’Alex Galchenyuk mette du sérieux dans sa vie personnelle en se présentant superbement entraîné et le couteau entre les dents en septembre (ce qui serait contraire à sa personnalité), le problème restera entier. Les centres vedettes sont des denrées précieuses et à moins que le patron de l’équipe soit prêt à se délester d’un ou deux joueurs talentueux, personne ne lui fera cadeau de l’élément-clé dont le Tricolore a besoin pour continuer sa progression. Depuis qu’il est en poste, Bergevin s’est souvent abstenu de compléter des transactions importantes en refusant de toucher à des jeunes en qui il croyait fermement. Ce genre de réaction l’a certes mis à l’abri des erreurs, mais elle l’a peut-être empêché par la même occasion de réaliser un coup d’éclat qui aurait pu faire une grande différence. Carey Price se retrouverait-il dans l’obligation de blanchir l’adversaire pour permettre à l’équipe de gagner si on avait acquis un joueur de centre productif? On connaît tous la réponse.
Pas facile pour Bergevin de construire l’équipe que tout le Québec espère. Les médias peuvent lui faire toutes les suggestions imaginables, mais il est le seul payé des millions de dollars annuellement pour trouver des solutions. Après cinq ans, il est temps que son boulot rapporte des fleurons.
Quand il a transigé pour obtenir Phillip Danault, il a cru mettre la main sur un solide joueur de troisième trio. Or, Danault est actuellement son centre numéro un. De quoi le Canadien aurait-il eu l’air si l’ancien des Blackhawks n’avait pas connu une saison aussi exceptionnelle? L’équipe aurait-elle résisté six matchs devant les Rangers si Tomas Plekanec et Andrew Shaw avaient été ses deux premiers centres? Aurait-elle coiffé la saison au premier rang dans sa division? Danault, qui est incidemment l’unique Québécois francophone de l’équipe, a empêché le Canadien de se retrouver dans une position fort gênante.
Ce n’est pas ce qu’on attendait de cet autre plan quinquennal.