Le Canadien aurait-il gagné plus de Coupe Stanley s'il avait compté sur les services de Denis Savard dans les années 80? L'expert au Réseau des Sports Jacques Demers croit que oui. C'est avec une grande fierté qu'il parle de Savard et de Mullen qui ont été intronisés au Temple de la Renommée du hockey lundi.

Je garde d'excellents souvenirs de Denis Savard. Il est un leader, un gars qui a accepté en 1993 de céder sa place lors de la finale de la Coupe Stanley contre les Kings même s'il avait peut-être été en mesure de jouer. On croyait à ce moment-là qu'il était important de miser sur un joueur en pleine santé. Denis a accepté de ne pas jouer. Il a démontré de grandes qualités comme athlète professionnel. Il faut se souvenir qu'il nous avait aidés derrière le banc lors de cette finale de 1993.
Denis était intense. Il encourageait les jeunes, motivait les vétérans.

Je retiens aussi de Denis Savard qu'il a fait mal à mes équipes quand je dirigeais dans la section Norris à l'époque. A ce moment, je me suis retrouvé à St-Louis et à Détroit et il fallait se doter d'un plan de match adapté pour contrer Denis sur la patinoire.

Denis Savard est un grand joueur d'équipe. Partout où il est passé, il a toujours placé son équipe au premier rang de ses priorités, bien avant ses statistiques personnelles. Il mérite pleinement sa place au Temple de la Renommée du hockey. J'ai toujours été impressionné par sa force de caractère qui lui permettait de jouer avec autant d'intensité à tous les matchs.

Je n'ai pas souvenir d'un match en particulier contre Denis Savard à l'époque de la section Norris, faut dire que cette époque remonte à plusieurs années. Il faut se rappeler de ses pirouettes, il pouvait tourner sur une pièce de dix cents. Denis n'était pas un gros joueur. Même quand il était bousculé, il revenait à la charge. Il n'a jamais été intimidé par les autres joueurs. Sur la patinoire il était intense.

Denis possédait des qualités que l'on retrouve chez les grands athlètes. Quand les matchs étaient serrés, Denis Savard marquait ou fabriquait les jeux importants pour donner la victoire à son équipe ou pour créer l'égalité. Il était rare de voir Denis marquer le dernier but quand son équipe était en avance 6-1 par exemple. Lui, il comptait les buts importants.

Le fameux repêchage

Le Canadien avait Denis Savard dans sa cour. Il a grandi à Verdun et joué son hockey junior au Forum de Montréal. Le Tricolore aurait dû savoir ce qu'il pouvait faire pour lui. Le Canadien a opté pour un gros joueur de centre. Moi dans ma carrière d'entraîneur, j'ai eu le plaisir de travailler avec des petits joueurs comme Joe Mullen, Steve Yzerman et Doug Gilmour. Ces joueurs de petites tailles, ce sont des joueurs de caractère qui persistaient. C'est sans doute la plus grande qualité qui revient à Denis Savard. Il y a beaucoup d'athlètes qui travaillent plus en fonction de leur fiche personnelle que pour leur équipe, ce n'était pas le cas de Savard.

A tous les matchs, il était là et on dirait qu'à chaque fois il était meilleur. Il a commencé et terminé sa carrière en force. Je pense que Denis a toujours été un Blackhawk avant tout, même s'il a joué pour le Canadien. Il a gagné ici une Coupe Stanley qu'il ne pourra jamais oublier, mais dans son coeur, il est avant tout un Blackhawk.

Le successeur de Guy Lafleur

Guy Lafleur a réalisé de très grandes choses. Denis aussi a réalisé de grands exploits mais loin de chez lui. Le Canadien aurait sans doute gagné quelques coupes Stanley de plus avec Savard dans ses rangs.

La victime dans cette histoire a été Doug Wickenheiser qui est décédé aujourd'hui. On lui a mis beaucoup de pression chez le Canadien. Il se devait de bien réussir pour obtenir un poste avec le Tricolore mais il devait aussi se battre pour faire oublier Denis Savard. Ce n'était pourtant pas de sa faute.

Réparer une erreur par une autre erreur?

Il est vrai que lorsque Denis Savars a été échangé au Canadien, ses meilleurs jours étaient derrière lui. Un joueur comme lui qui a autant donné et qui a été si peu souvent affecté par les blessures, n'était plus en pleine possession de tous ses moyens. Il était plus vieux, son corps était fatigué. Ce qui est triste pour les Montréalais, c'est de ne pas avoir pu apprécier Denis Savard à ses meilleurs jours.

Je ne crois pas que le Canadien a voulu se racheter en obtenant Savard pour Chris Chelios. Je crois qu'en Denis Savard, le Canadien a obtenu le francophone, le gars avec plein d'énergie. Posons-nous la question, le Canadien aurait-il gagné une Coupe Stanley avec Chris Chelios? Peut-être que oui. Il faut se rappeler que la Coupe a été gagnée avec Denis Savard. Il est vrai qu'il a raté quelques parties mais il a joué la plupart des parties.

Denis Savard est un grand joueur d'équipe et un homme qui a tout donné à son sport. Il a été loyal envers ses partisans et ses coéquipiers. Denis Savard n'était pas du type à se plaindre de ses entraîneurs. Je suis fier de l'avoir dirigé et d'avoir gagné une Coupe Stanley avec lui. Comme joueur, il ne m'a jamais laissé tomber.

Joe Mullen

Comme entraîneur, après ma carrière, je me souviens de ma Coupe Stanley mais on n'oublie pas nos joueurs. Quand on voit, un de nos anciens joueurs accepter la plaque lors de l'intronisation, leurs exploits nous viennent en tête. Joe Mullen a été échangé des Blues aux Flames de Calgary, une transaction que je ne comprends pas encore aujourd'hui. À l'époque, les gens accusaient Ronald Caron d'avoir échangé Mullen mais c'est le propriétaire de l'époque Harry Ornest qui ne voulait pas payer Mullen à sa juste valeur qui avait forcé le prof Caron à faire l'échange.

Il faut défendre Ronald Caron dans cette histoire. Caron était vraiment triste de procéder à cette transaction. L'année où les Blues ont atteint la finale de conférence, je crois que si nous avions pu compter sur Mullen dans notre équipe, nous aurions été en mesure d'atteindre la finale contre le Canadien en 1986.

Joe Mullen est d'une extrême gentillesse à l'extérieur de la patinoire. Quand on le croisse dans les couloirs, on croît qu'il est plutôt comptable ou avocat. Il respectait les gens pour lesquels il a travaillé. Je me souviens de lui sur la patinoire mais aussi à l'extérieur avec ses oeuvres de charité.

Joe Mullen et Denis Savard font parties des 25 joueurs desquels j'ai eu le plus de plaisir à diriger durant ma carrière. Les voir recevoir un tel honneur, je suis très fier pour eux et fier de les avoir dirigés.


Propos recueillis par Robert Latendresse