Je suis convaincu que la décision de Patrick Roy de se retirer n'a pas été prise sous le coup de l'émotion. Patrick est un homme qui prend toujours le temps de mûrir les décisions majeures qui influencent sa vie. Mercredi, le plus grand gardien de but de l'histoire annoncera sa retraite et la Ligue nationale perdra un autre de ses grands représentants.

Patrick est le type de gardien sur lequel un entraîneur peut se fier à tous les matchs. Cet homme a été un compétiteur hors pair en saison régulière comme en séries éliminatoires.

C'est vrai qu'il a été ennuyé par des douleurs arthritiques aux hanches au cours des dernières saisons mais je ne crois pas qu'il s'agisse de la raison principale qui l'incite à quitter son sport qui l'a rendu immensément populaire et riche. Après 18 saisons, il sait qu'il n'a plus rien à se prouver. Il va se retirer avec quatre conquêtes de la coupe Stanley et comme titulaire de nombreux de records qui seront difficiles à battre.

Roy été une inspiration pour plusieurs gardiens de la filière québécoise. Il suffit de penser à Jean-Sébastien Giguère à Anaheim, à Martin Brodeur au New Jersey, à José Théodore à Montréal et à Roberto Luongo en Floride qui utilisent tous le style papillon préconisé par le gardien de l'Avalanche. Les jeunes rêvaient de suivre ses traces. Au basketball, les jeunes joueurs voulaient imiter Michael Jordan et au hockey, les jeunes gardiens voulaient imiter Patrick.

Avec son style papillon, Roy défiait constamment les tirs et il était très agressif devant son filet. Même s'il n'était pas aussi bon que Brodeur autour de son but, il ne craignait jamais de quitter son filet pour aider son équipe.

Ses nombreux records le placent dans une classe à part et font de lui le plus grand gardien de l'histoire du hockey. J'ai gagné une coupe Stanley avec lui en 1993 et c'est mon coeur qui me dicte ma pensée.

Dans l'histoire, Terry Sawchuck est aussi parmi les grands mais il est d'une autre génération. En ce qui me concerne, Roy demeure le meilleur. Ses statistiques sont éloquentes: il suffit de penser à ses 551 victoires et à ses quatre coupes Stanley.

Ses deux coupes Stanley à Montréal représentent tout un exploit. N'oublions pas qu'il ne jouait pas nécessairement pour des équipes favorites à l'époque. En 1986, il a gagné avec une jeune équipe et, en 1993, l'équipe était certes talentueuse mais peu d'observateurs prévoyaient que le Canadien gagnerait la coupe.

C'est une grande perte pour la Ligue nationale. Son départ est l'équivalent des retraites de Wayne Grezkty et Raymond Bourque. Roy a droit au même respect que ces deux grands joueurs.

Grâce à lui, le rôle du gardien de but a été revalorisé et a pris une nouvelle dimension chez les équipes. Il a fait beaucoup pour le hockey. De nos jours, on parle souvent des joueurs égoïstes qui reçoivent des salaires énormes. Roy ne fait pas partie de cette catégorie d'athlètes.

Il y a eu des grands gardiens dans l'histoire comme Sawchuck, Jacques Plante, Billy Smith, Ken Dryden et Grant Fuhr mais Patrick a complètement redéfini le rôle du gardien. Il a su faire comprendre aux équipes qu'un excellent gardien était aussi important qu'un bon marqueur pour remporter la coupe Stanley.

Roy est un gardien sur lequel on pouvait se fier en tout temps pour gagner un match important. Si j'avais à choisir un gardien pour remporter le match de ma vie, il serait bien sûr mon choix. J'ai rarement vu un athlète aussi assoiffé de victoire que lui au cours de ma carrière. Même parfois ralenti par des blessures, il voulait toujours être à son poste pour arracher la victoire. Cet un homme qui a hautement respecté sa profession.

Roy était très exigeant envers lui-même. On pouvait compter sur lui pour garder les buts quatre fois en six soirs si nécessaire et il donnait toujours le même effort. Patrick n'a jamais triché ses partisans et il n'a jamais triché ses coéquipiers. C'est vrai qu'il avait un caractère bouillant mais j'ai rarement vu un gagnant qui n'avait pas de caractère.

Dans le vestiaire le jour d'un match, Patrick était très intense et il se préparait comme s'il s'agissait de sa dernière rencontre. Quand venait le temps de sauter sur la patinoire, il était prêt physiquement et mentalement.

Contrairement à d'autres entraîneurs qui ont eu maille à partir avec lui, moi, je n'ai jamais eu d'ennuis avec lui. Je reconnaissais ses qualités de gardien et je respectais beaucoup comme homme. À partir du moment où tu apprends à le connaître et à le respecter, l'athlète ne peut faire autrement que de te respecter à son tour.

J'ai eu le bonheur de remporter la coupe Stanley en 1993 avec le Canadien et je lui dois beaucoup. Il avait d'ailleurs gagné le Conn Smythe cette année-là. Je ne veux pas diminuer le travail des autres joueurs mais n'eut été du travail de Partick, je ne sais pas ce qui serait arrivé.

Je pense que Martin Brodeur est probablement le seul qui pourrait un jour prétendre battre les records de Patrick. Quoique la LNH regorge de jeunes loups. Ces derniers comme Giguère et Luongo font très bien, alors on ne peut pas dire que les records de Roy ne seront jamais fracassés.

Il est difficile de comparer les athlètes entre eux mais je pense qu'il est seul et unique dans sa classe. Patrick Roy s'en va directement au Temple de la renommée. Quand arrivera le jour du vote, il sera un choix unanime.

À la prochaine,

Jacques

*Propos recueillis par RDS.ca