Une hécatombe de blessures ont affligé le Canadien lors du camp d'entraînement. Plusieurs joueurs ont été blessés à l'aine... ou dans "la laine" comme aurait dit le "Boomer. Pourtant, le camp d'entraînement venait tout juste de débuter. Et voilà que Francis Bouillon se retrouve lui aussi parmi les éclopés, handicapé par un malaise à un genou. "Coudon". Les joueurs de hockey sont-ils devenus aussi feluettes que les joueurs de baseball?

Il y a belle lurette, du temps que j'étais attaché à la couverture des Expos, le regretté Yvon Bélanger m'avait longuement parlé du sujet --entre deux verres-- lors d'une vol Montréal-Los Angeles. Yvon était l'homme idéal pour discuter de la question. Il a été l'un des rares à occuper les fonctions de physiothérapeute d'un club de hockey Canadien et d'une équipe de baseball, les Expos. Il a travaillé 12 ans pour le Canadien, de 1959 à 1971, savourant cinq coupes Stanley sous le règne de Toe Blake. Le 26 novembre 1974, il devenait soigneur des Expos, poste qu'il a occupé jusqu'en 1979. Il est finalement retourné à ses anciennes amours, les Glorieux, et ce jusqu'en 1986. Il m'avait raconte qu'il avait vécu des expériences inoubliables dans les deux sports.

"Le baseball et le hockey étant deux sports bien différents, il est normal que les soins médicaux prodigués aux joueurs ne soient pas les mêmes. Au baseball, ce sont les lanceurs qui sont les plus vulnérables et qui se retrouvent le plus souvent, sur la liste des blessés. Au hockey, ce sont les blessures aux genoux qui sont chose courante. Je me souviendrai toujours de mes débuts avec le Canadien. J'avais été royalement échaudé. Jacques Laperrière, Jean-Guy Talbot et Henri Richard souffraient tous de blessures aux genoux, Laperrière devant même subir une opération. J'en ai travaillé un coup pour remettre tout ce beau monde sur pied.

La fesse à Ellis

"S'il y a un nom que je veux bien oublier, relativement aux joueurs qui se plaignaient pour un rien, c'est bien celui d'Ellis Valentine, voltigeur des Expos. Je n'ai jamais vu un joueur 'traîner' des blessures mineures aussi longtemps pour rester volontairement à l'écart du jeu. Qu'on se souvienne de l'histoire de la fesse à Ellis. Un mal imaginaire qui a duré des lunes. C'est dommage, car il avait un talent naturel et aurait pu devenir une grande vedette. Avec son attitude et son comportement, je suis surpris qu'il ait duré aussi longtemps dans le baseball, même si en réalité, sa carrière a été éphémère", racontait Yvon, un élève de Bill Head, le meilleur physiothérapeute de toute l'histoire des 100 ans du Canadien.

Je me souviens qu'après la pause du match des étoiles, une certaine année, Ellis Valentine s'était rapporté au stade des Dodgers, où les Expos reprenaient leurs activités, gelé comme une balle. Le gérant avait dû rayer son nom de l'alignement partant et expliquer aux journalistes que Ellis souffrait de troubles d'estomac (upset stomach). Comme les journalistes montréalais étaient grands chums avec Yvon Bélanger, ce dernier leur avait dit la vérité.
"Ellis est gelé comme une balle. Mais écoutez les boys, cela reste entre nous autres." Beau dommage.

Des exceptions: Parrish, Carter, Gainey et Henri

Si les joueurs de baseball sont généralement considérés comme des feluettes, Yvon a toujours soutenu qu'il y avait des exceptions.

"Larry Parrish était très dur avec son corps. Il insistait toujours pour jouer, même blessé. Même chose pour le receveur Gary Carter. Je me souviendrai toujours d'un match hors-concours disputé à l'entraînement à Winter Haven, en Floride, contre les Red Sox de Boston. Le 'Kid', qui jouait au champ extérieur cette journée-là, avait donné violemment contre la clôture, tête première, pour tenter d'attraper une balle. Il était semi-conscient, mais avait insisté pour rester au jeu. Une chance que Gary portait son casque protecteur, habitué à le porter comme receveur, car il aurait pu subir une commotion cérébrale."

"Au hockey, je dirais que Bob Gainey, Henri Richard, John Ferguson, Ted Harris et Terry Harper, pour ne nommer que ceux-là, étaient dans la classe de Larry Parrish et de Gary Carter, relativement aux blessures. Ils aimaient mieux endurer leur mal sur la patinoire qu'à l'infirmerie ou sur la passerelle avec les journalistes. Gainey a déjà joué en séries éliminatoires les deux épaules déboitées. Celui qui m'a donné la plus grande frousse est Lou Fontinato, en 1963 je crois. Mis en échec par son ancien coéquipier des Rangers, Vic Hadfield, en arrière des buts du Canadien, Lou s'est écrasé sur la patinoire, souffrant d'une fracture du cou. Je n'aurais jamais pensé qu'il se rendrait à l'hôpital vivant. Il a été chanceux dans sa malchance", de dire "Speedy".

Au fait, pourquoi "Speedy"? Ce sont les journalistes qui lui avaient donné ce sobriquet, car Yvon était toujours le dernier rendu sur le terrain ou la patinoire, quand il se portait au secours d'un joueur en détresse. Bélanger aimait son métier et était d'une haute compétence. Il commandait le respect.

"Au baseball, j'ai travaillé pour cinq gérants. Gene Mauch, Karl Kuehl, Charlie Fox, Jim Fanning et Dick Williams. Dick est celui qui avait le plus de respect pour les soigneurs. C'est celui que j'ai le plus apprécié. Au hockey, j'ai oeuvré pour Toe Blake, Claude Ruel, Al MacNeil, Bernard Geoffrion, Bob Berry, Jacques Lemaire et Jean Perron. Toe Blake n'avait pas son égal", avait-il dit.

Avant de mourir, "Speedy" avait relevé un nouveau défi, exploitant sa propre clinique à Westmount, afin, avait-il dit, "de faire bénéficier "Monsieur-Tout-le-Monde" des soins qu'il avait prodigué depuis si longtemps aux millionnaires du sport. Son rêve n'a pas duré longtemps.

Il n'a pas été assez vite.