À l'issue du match du 13 décembre 2005 disputé au Centre Bell et remporté au compte de 5-2 par le Canadien sur les Coyotes de Phoenix, le capitaine Shane Doan, son coéquipier Ladislav Nagy et l'entraïneur-adjoint Rick Tocchet, avaient proféré des injures et remarques désobligeantes aux arbitres Stéphane Auger et Francois St-Laurent, ainsi qu'aux juges de lignes Michel Cormier et Pierre Champoux.

Les visiteurs avaient alors traité les officiels francophones de "fucking frenchmen" (traduction libre). Cet incident avait eu des répercussions non seulement devant les tribunaux, mais jusqu'à la Chambre des Communes.

Trois ans plus tard, les Coyotes étaient de retour au Centre Bell et, cette fois, les officiels étaient tous des anglophones. Faudrait-il penser que lors du match de 2005, les officiels francophones avaient favorisé le Canadien dans leurs décisions? Si tel est le cas, ce n'est pas la première fois que certaines gens pensent de la sorte.

Quand Georges Gravel était le seul arbitre canadien-français dans la Ligue nationale, dans les années 40 et 50, on l'accusait fréquemment de partialité envers le Canadien. Même chose pour Ron Fournier, lors de sa carrière d'une douzaine d'années dans l'AMH et la Ligue nationale. Surtout lors des matchs Canadiens-Nordiques. "Je craignais tellement qu'on m'accuse de favoritisme, que j'étais parfois injuste envers le Canadien", m'avait déjà raconté Georges Gravel de son vivant.

Un soir, un joueur du Canadien, Léo Lamoureux, mettons, avait enguirlandé Georges, même s'il n'était pas capitaine. Gravel lui avait dit: "As-tu un "C" sur ton chandail pour me parler d'une telle façon?

-"Yé pas assez gros", de rétrorquer Léo en pointant le "CH" de son gant?

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Georges mettait ses deux mains sur ses hanches et indiquait le banc de pénalité au joueur du Canadien pour dix minutes. Il avait le sens du spectacle et il lui arrivait souvent de voler le show, surtout quand il travaillait dans la Ligue Québec senior, où il était avantageusement connu à travers la province. "Ron Ron" aimait aussi faire sentir sa présence sur la glace, mais à sa façon.

"Un soir au Forum, Serge Savard me voit entrer avec mon sac d'équipement avant un match. Ah non, tabaslack. Pas toé à soir" me crie-t-il. "À Québec", de continuer Ron, "c'était encore pire. J'en ai entendu des commentaires juteux à mon égard et pas toujours catholiques, tels: S'ti. Un gars de Montréal qui vient encore nous fourrer à soir. Mais j'étais habitué. Ça fait partie du métier."

Gordie Howe manquait de classe

Le plus mauvais souvenir de Fournier comme officiel est survenu lors d'un match de l'AMH impliquant Gordie Howe, alors président, actionnaire et capitaine du club Houston.

"Probablement insatisfait d'un hors-jeu que je venais de siffler, Gordie se présenta pour la mise au jeu et me leva son bâton en plein visage. Résultats: quatre points de suture. Vicieux. Salaud. J'ai toujours été convaincu que son geste était intentionnel. Ce fut un grand joueur, mais intense et salaud comme pas un sur la glace, du moins dans mon temps", de rappeler l'ancien officiel.

Mais il y avait également des Messieurs.

"Jacques Demers était dans une classe à part" dit-il. "Il avait une attitude et un comportement hors paire. Personne ne l'approchait dans ce domaine, sauf peut-être feu Roger Neilson ou Al Arbour. De la grande classe. Par contre, ne me parlez pas de Harry Sinden, Bob Pulford ou Brian Murray. Les plus désagréables de tous. Chez les capitaines, je dis bien de mon époque, Steve Yzerman, des Red Wings, était le plus gentleman. Mais les plus tannants? Gretzky et mon chum Carbonneau. Ils étaient toujours en train de chiâler."

Un match à oublier

S'il y a un match que Ron voudrait oublier à tout jamais, mais qui lui revient toujours à la mémoire, c'est celui qui avait eu lieu, il y a belle lurette, entre les Bruins de Boston et les défunts Rockies du Colorado. "Harry Sinden dirigeait alors les Bruins et Don Cherry, les Rockies. Ça vous donne une idée. Ce match interminable fut ponctué de trois bagarres générales. Je ne savais plus où donner de la tête. Ce fut la rencontre la plus pénible et la plus longue, en temps reglementaire,de toute ma carrière".

La plus cocasse?

"Je m'en souviens comme si c'était hier, mëme si elle est survenue en 1982-83. Il s'agissait du troisième match d'une série préliminaire 3 de 5 entre les Kings de Los Angeles et les Oilers d'Edmonton. Edmonton et les Islanders étaient les gros favoris pour atteindre la finale pour la coupe Stanley. Les Oilers menaient 5-0 après deux périodes, mas croyez-le ou non, ils ont perdu la partie, 6-5 en prolongation et la série 3-2. Le match et la série les plus incroyables qu'il m'aient été donnés de travailler", dit-il.

La grande décision

A l'issue de la saison régulière de 1987, notre vaillant chevalier du sifflet a surpris tout le monde, en décidant de tout abandonner.

"La dernière rencontre de la saison régulière entre Buffalo et Boston a été la fin des émission. Le lendemain, je pénétrais dans les bureaux du directeur des arbitres, John McCauley, et de son conseiller, Jim Gregory, pour leur donner ma démission. Eux, voulaient me dévoiler leurs plans de travail en vue des séries, mais je leur ai dit d'oublier ca. Tout est consommé".

-Comment ça Ron?

"Je n'étais plus capable de négocier et de travailler dans un monde où tu es continuellement épié et critiqué. J'y pensais depuis longtemps. Ma décision était irrévocable", d'expliquer Ron le plus sincèrement du monde.

Tout le monde sait que Ron Fournier oeuvre maintenant dans le monde des médias. Est-il plus épié et critiqué que sur la patinoire? Le soupçonne-t-on encore de prendre pour le Canadien?

On passe à un autre appel.