On n'a plus les points de presse qu'on avait après les matchs. À l'époque de Toe Blake, Gene Mauch, Scotty Bowman, Dick Williams, Claude Ruel, et j'en passe, c'était souvent rigolo et non pas tragique et dramatique comme aujourd'hui. De nos jours, chaque partie est traitée comme la septième de la finale pour la coupe Stanley.

Dick Williams, lui, était assez spécial, pour ne pas dire unique en son genre. En pénétrant dans son bureau, il ouvrait son tiroir, sortait un 40 onces de scotch et offrait un verre à tout le monde, avant de se verser une "shot" qui aurait fait rougir Yvon Lambert. Et ce, perd ou gagne. Les gars, eux, refusaient naturellement, leur journée de travail n'étant pas encore terminée. Des gars de principes. Exemplaire.

Toe Blake n'était pas facile. Surtout après une défaite. Mais faut dire que le Canadien ne perdait pas souvent sous son règne. Un soir, le Tricolore s'était fait ramasser au Forum par les Maple Leafs de Toronto. Mais faut dire en toute sincérité que l'arbitre Eddie Powers en avait arbitré une pourrite. Pourrite, oui, à l'égard du Tricolore accordant même un lancer de punition douteux réussi par Red Kelly. Après le match, Toe Blake était dans tous ses états. Entouré d'une dizaine de journalistes, dont deux ou trois de Toronto, il déclaré que Powers s'était comporté comme un gars ayant parié sur les Leafs. Cette déclaration lourde de conséquences fit la manchette du "Montréal-Matin" le lendemain matin, mais fut ignorée par les autres journaux, dont ceux de la Ville-reine.

Finalement cette histoire fit le tour de l'Amérique dans les jours suivants et se retrouva devant les tribunaux. Powers, qui poursuivait tout le monde, eut naturellement gain de cause, car l'affaire se régla hors cour un bon matin dans un palais de justice de Toronto. Mais l'officiel avait fait la passe du père Francois, car le "Montréal Matin", le Canadien et naturellement Toe Blake , entre autres, durent payer une somme faramineuse en dommages. Comme j'étais celui qui avait rapporté les paroles de l'entraîneur du Tricolore à mon patron Jacques Beauchamp, qui avait approuvé leurs publications, nos liens d'amitié avec Toe furent brisés à tout jamais. Des histoires de vestiaires après les matchs, on pourrait en raconter jusqu'à demain.

Le soir où Gene Mauch avait un rendez-vous

Au baseball, c'est bien différent du hockey, car les clubs jouent pratiquement tous les jours. Alors, les gérants n'ont souvent rien à dire, surtout lorsque'ils dirigent une équipe de l'expansion comme Gene Mauch avec les Expos. Quand tu en perds 104 en une saison, dont souvent dix ou 20 de suite, il est naturel que tu sois à court d'excuses. Un soir à Pittsburgh, Mauch avait décidé que son jeune lanceur gaucher Balor Moore, qui avait de sérieux problèmes de contrôle, allait mourir au monticule, quoiqu'il advienne. Et Gene, bon prince, avait mis les représentants des médias locaux, au courant. Alors on savait à quoi s'en tenir.

Après une soirée, au cours de laquelle Balor avait donné une dizaine de points, dont plusieurs en "brouette" suite à de nombreux buts sur balles avec les buts remplis, un journaliste américain eut le culot de demander au gérant pourquoi il avait laissé son lanceur, Moore, aussi longtemps au monticule. Gene Mauch, déjà survolté alors qu'il ne pouvait trouver l'allumette qu'il recherchait pour s'en allumer une, demanda au jeune homme de s'identifier et lui montra la porte en lui disant "poliment" : "Get the fuck out of here", ce qui signifie en bon Québécois: "décrisse".

En une autre occasion, les journalistes se présentèrent comme d'habitude dans le bureau du gérant immédiatement après le match. Les Expos venaient d'en perdre une autre sucrée. Quelle ne fut pas leur surprise de voir Gene déjà en habit de rue et tiré à quatre épingles. "Je n'ai rien à dire ce soir. Vous m'excuserez. J'ai un rendez-vous". Alors, bonne fin de soirée Gene et surtout penses à nous autres dans le meilleur. Claude Ruel en sortait des vertes et des pas mûres après les matchs. Un soir il avait déclaré aux gars: "Fallait absolument l'emporter ce soir, car la partie était télévisée d'un Atlantique à l'autre". Ayoye.

Les temps ont naturellement changé. Comme dans tous les domaines, d'ailleurs. Jacques Lemaire, lui, ne pouvait endurer de se faire poser plusieurs questions stupides par des représentants des médias souvent incompétents et en plus grand nombre que jamais. Il n'acceptait pas que des supposés connaisseurs mettent en doute certaines de ses décisions, après avoir connu les résultats. Il a foutu le camp dans des environnements plus paisibles comme au New Jersey et au Minnesota ou la présence médiatique est pratiquement inexistante. Jacques Martin vit une nouvelle expérience cette saison à Montréal, mais il fait face à la musique tant bien que mal. Périodes de questions courtes. Comme ses réponses. Pas trop souriant. Comme son boss. Faudrait toutefois être indulgent à son égard dans le domaine des communications avec la presse. Tu l'as ou tu l'as pas. Capitc?

Je me souviendrai longtemps de ma dernière visite dans un vestiaire. Cela remonte à environ cinq ou six ans. Lors d'une visite des Red Wings de Detroit au Centre Bell, j'avais décidé d'aller serrer la pince à Scotty Bowman, un ami de longue date que je n'avais pas revu depuis ses beaux jours avec le Canadien.....Junior. En m'apercevant, Bowman s'écria: "Jaypee. You'r still alive ? (Jean Paul tu es encore de ce monde).

Ça vaut bien un scotch.