Par Éric Leblanc - Discrets, méconnus et toujours dans l'ombre, les entraîneurs adjoints dans la LNH s'avèrent des ingrédients précieux pour les 30 équipes du circuit Bettman. Le RDS.ca vous propose à partir d'aujourd'hui une série de trois articles sur ces enseignants dévoués aux parcours différents. Première rencontre avec Martin Raymond du Lightning de Tampa Bay.

Complice de Guy Boucher depuis environ 20 ans, Raymond semblait destiné à passer sa carrière en tant qu'entraîneur des Redmen de McGill au niveau universitaire. Son parcours a cependant emprunté un virage inattendu et très rapide en 2009 après un règne de 14 saisons à la barre des Redmen.

Raymond a accepté de faire le saut chez les Bulldogs de Hamilton dans la Ligue américaine de hockey en compagnie de Boucher et Daniel Lacroix, mais il ne pouvait prévoir que l'appel de la LNH arriverait si rapidement.

«C'est sûr que j'ai été un peu pris par surprise quand Guy m'a demandé de le suivre dans la Ligue américaine», raconte Raymond. «J'aurais sans doute été plus préparé à faire ce saut quand mes enfants (15 ans et 13 ans) auraient été plus vieux. Mais nous en avons discuté en famille et c'était unanime qu'ils étaient derrière moi. C'est un milieu très compétitif et c'était peut-être ma première et ma dernière chance.»

Grimper du niveau universitaire à la Ligue américaine et ensuite à Ligue nationale aussi rapidement pourrait être étourdissant, mais le trio d'entraîneurs québécois a prouvé le contraire en ramenant le Lightning parmi les meilleures équipes de l'Association Est.

Après 51 matchs, la formation floridienne occupe la deuxième position de l'Association Est et la première position de la division Sud-Est alors qu'elle avait terminé au 12e rang de l'Est en 2009-10 avec 80 points.

«Quand tu commences avec une équipe, tu essaies toujours de ne pas voir trop loin et tu espères batailler pour une place en séries. On aime la façon dont l'équipe a évolué jusqu'à maintenant. On a vécu nos hauts et nos bas, mais nous avons réussi à minimiser les bas. Même si tout le monde nous voit en haut du classement, on demeure réaliste parce qu'on se retrouve seulement à quelques points de la 6e, 7e ou 8e place», met-il en contexte.

Dans un milieu aussi compétitif, les entraîneurs doivent rapidement gagner et obtenir le respect de leurs joueurs pour éviter de subir le cruel sort du congédiement. En raison de leur expérience inexistante dans la LNH, ce dernier défi s'avérait colossal pour Raymond et Boucher.

«Honnêtement, on est très gâté chez le Lightning et nous en étions conscients et c'est ce qui a facilité ma décision quand Guy m'a demandé si ça me tentait de travailler avec lui», explique l'entraîneur de 43 ans. «J'ai la chance de connaître Vincent Lecavalier depuis le niveau pee-wee. D'ailleurs, il est déjà venu s'entraîner à l'Université McGill dans le passé dont durant l'année du lock-out. Il a toujours été très gentil et respectueux envers moi et j'ai gardé une bonne relation avec lui.»

Outre le capitaine Lecavalier, ses adjoints Martin St-Louis et Mattias Ohlund ont joué un rôle majeur dans ce processus tout comme le vice-président et directeur général Steve Yzerman.

Même si l'ancien joueur étoile des Red Wings a laissé Boucher s'entourer de ses comparses des Bulldogs, il a insisté pour qu'un adjoint d'expérience s'ajoute au groupe.

«Steve sentait le besoin qu'on ajoute un adjoint donc Guy a embauché Wayne Fleming qui occupe cette fonction depuis plusieurs années dans la LNH. Il a aussi été entraîneur en Suède et en Russie en plus d'être derrière le banc de l'équipe canadienne qui a remporté l'or aux Jeux olympiques de 2002. Il a vu neiger et c'est une très bonne influence pour nous», dévoile Raymond qui avait souvent assisté à des conférences de Fleming.

Retenir et encourager Boucher dans son intensité

Vanté pour sa vision du hockey innovatrice et ses qualités psychologiques, Boucher est également reconnu pour sa grande intensité dans ses fonctions d'entraîneur. En tant qu'adjoints, Raymond, Lacroix et Fleming doivent parfois le retenir dans ses envolées.

Ce sujet fait d'ailleurs rire Raymond qui joue ce rôle depuis de nombreuses années!

«Ce fut toujours un peu mon rôle de le calmer même quand je ne travaillais pas avec lui. Je pouvais le tempérer au téléphone», confirme-t-il avec le sourire. «Guy est extrêmement intense et compétitif et c'est essentiel pour survivre dans le hockey.»

Dans la réalité du hockey en 2011, les explosions émotives à la Pat Burns, Jacques Demers et Mike Keenan sont moins nombreuses. Toutefois, Raymond considère que Boucher doit garder cette qualité.

«Le plus difficile, c'est de le calmer au bon moment et de l'appuyer dans ses moments intenses bien choisis. On essaie de le faire pour être une équipe intense, compétitive mais aussi tempérée afin de demeurer disciplinée», indique celui qui aura passé une seule saison dans l'organisation du Canadien.

Le sort de Raymond semble intimement lié à celui de Boucher, mais la précaire sécurité d'emploi dans la LNH pourrait le pousser à continuer sa carrière sans l'ancien pilote des Voltigeurs de Drummondville et des Bulldogs.

«Je ne sais pas si j'aurais accepté de monter dans la LNH sans que ce soit avec lui. Ça facilitait les choses car on se connaît depuis très longtemps et j'ai toujours trouvé qu'il avait une approche très intelligente de ce travail. Je connais ses qualités et ses défauts et c'est la même chose avec lui. Je ne dis pas que j'aurais refusé avec quelqu'un d'autre, mais j'aurais eu besoin d'avoir une grande confiance en lui, en ses compétences et son caractère.»

Un énorme sacrifice familial

Ayant appris les rudiments de son métier d'entraîneur au hockey universitaire, Raymond a moins parcouru les coins perdus de l'Amérique du Nord comme les entraîneurs de la Ligue américaine.

Il a toujours été près de sa famille et c'est pourquoi il vit son moment le plus difficile au niveau personnel étant séparé de sa femme et ses enfants qui sont demeurés au Québec.

«Ce sont des sacrifices que ma femme et moi faisons. On ne voulait pas trop chambarder l'environnement de nos enfants à court terme. J'aimerais mieux avoir ma famille à mes côtés, mais il faut penser à l'avenir des enfants. Malgré tout, on n'a pas mis une croix sur le fait que la famille me suivrait à un certain moment», souligne l'entraîneur qui prenait parfois l'avion pour retourner à la maison après les matchs des Bulldogs l'an dernier.

Ce grand bouleversement provoque aussi quelques moments très heureux et inoubliables.

«Mon plus vieux est plus impliqué dans le hockey, il joue au Midget Espoir au Collège Antoine-Girouard. C'est plus excitant pour lui de voir son père monter à ce niveau. Ma famille est venue me visiter à Noël et il a eu l'occasion de pratiquer sur la patinoire du Lightning en plus de voir l'échauffement des joueurs à partir du banc des joueurs à côté de moi», se souvient Raymond qui épiait des matchs juniors il y a quelques années pour trouver une relève universitaire.

Les yeux du Lightning sur la galerie de presse

À sa première saison dans la LNH, Raymond est attitré à analyser les rencontres du Lightning à partir de la galerie de presse et ses observations s'avèrent très utiles.

«Je regarde le jeu de cet endroit durant les deux premières périodes et j'aide également Guy avec son jeu de puissance. De plus, j'aime beaucoup travailler individuellement avec les attaquants grâce à des séances vidéo et du travail supplémentaire pour peaufiner certaines parties de leur jeu», spécifie Raymond.

La nouvelle génération d'entraîneurs accorde beaucoup de temps aux analyses par vidéo, mais cet élément doit être utilisé sans exagération selon l'ancien joueur de centre des Redmen.

«C'est un outil extraordinaire qui nous permet d'être bien préparés. Mais le danger, c'est d'en abuser et faire en sorte que les joueurs ne lisent plus le jeu durant les parties. Il ne faut pas brûler les joueurs mentalement avec le vidéo. Après tout, le cerveau est comme tous les autres muscles et il a besoin de repos pour assimiler les informations et s'améliorer», note Raymond en ajoutant que le vidéo peut permettre de gagner de petits avantages sur les adversaires.

À l'image de la plupart de ses collègues, Raymond a été grandement influencé dans sa vie par les entraîneurs qui l'ont dirigé. D'ailleurs, il n'a pas à réfléchir longtemps pour identifier ceux qui sont devenus une source d'inspiration.

«J'ai été chanceux de jouer pour plusieurs excellents entraîneurs jusqu'au niveau universitaire. Mon dernier entraîneur universitaire a été Jean Pronovost et il a eu beaucoup d'influence sur moi et Guy», confie Raymond au sujet de celui qui a inscrit 774 points en 998 matchs dans la LNH.

«C'est une personne très respectueuse et il voulait gagner, mais de la bonne manière avec la coopération et le respect de ses joueurs», ajoute-t-il en enchaînant sur les mérites de Gérard Gagnon.

«Il a été mon entraîneur au collégial AAA et il est le premier qui m'a donné le goût de coacher quand j'avais 18 ans. C'est à ce moment que j'ai réalisé que j'aimerais faire cela et ça vient de lui. Il était préparé et il nous enseignait avec intelligence à jouer en équipe. Ça m'a donné le goût de continuer là-dedans même si je ne pensais pas que j'en ferais une carrière. Je pensais plutôt que ça serait mon passe-temps», conclut Raymond en se rappelant des souvenirs.