Cette équipe-là semble avoir une destinée. Chaque fois qu'on l'imagine à un pas des vacances, elle explose en entraînant son increvable public dans une douce folie.

Souvenez-vous du match numéro quatre, au Centre Bell, jeudi dernier. Après 40 minutes de jeu, le Canadien ne semblait plus dans le coup. La fin était proche, croyait-on. Puis Maxim Lapierre a soulevé la foule avec un but dès le départ en troisième période avant de voir Brian Gionta profiter d'un ricochet sur le patin de Kristopher Letang pour faire gagner les siens.

C'était quasi le même scénario après 20 minutes lundi soir. C'était l'égalité 1-1. Le Canadien n'avait pas de vie. Les Penguins semblaient en plein contrôle de la situation. Peut-être que cette petite équipe, qui en avait beaucoup donné jusque-là, était arrivée au bout de ses ressources, après tout.

Comme s'il avait voulu tourner le fer dans la plaie, le jeune défenseur Kristopher Letang, qui avait des choses à se faire pardonner au Centre Bell, surtout après avoir commis la gaffe qui avait mené au premier but de la soirée du Canadien, a placé son équipe en avant.

C'est finalement à mi-chemin au second engagement, cinq minutes après le filet de Letang, que le vent a tourné. Un vent fort. Pas une tornade, mais pas loin.

Mike Cammalleri, l'auteur du premier but, a récidivé avec une pièce de jeu de toute beauté. Il a coupé au centre du territoire des Penguins et a battu Marc-André Fleury à l'aide d'un tir du revers du bon vieux temps. Vraiment, ce marqueur-né a toutes les armes dans son attirail.

Son exploit a été marqué de la plus longue ovation pour un but dans l'histoire du Centre Bell. Le but a coïncidé avec la présence sur la glace des préposés au nettoyage de la neige. Pendant tout ce temps, la foule n'a jamais cessé de hurler et d'applaudir à tout rompre ce remarquable franc-tireur qui a toujours dit être venu à Montréal pour vivre des moments comme ceux-là.

Jaroslav Spacek, qui n'avait pas joué depuis trois semaines, est venu mettre une tonne d'énergie nouvelle au service de l'équipe. Spacek, qui a probablement disputé son meilleur match de la saison en brisant plusieurs attaques potentiellement dangereuses des Penguins, a aussi battu Fleury d'un tir retentissant pour redonner au Canadien une priorité d'un but (3-2) qu'on ne croyait plus possible.

Tous ces buts qui permettent au Canadien de revenir de l'arrière dans la partie et parfois même dans la série ont un dénominateur commun. Dès qu'ils surviennent, on sent l'édifice se soulever. Les spectateurs, dans leur explosion de joie, deviennent alors franchement intimidants pour le club visiteur. Comme si on lui rendait soudainement la tâche extrêmement difficile.

Je vous disais plus tôt que le Canadien semble avoir une destinée. Un but qui semblait bon a été refusé aux Penguins en fin de première période quand l'arbitre a signalé l'arrêt du jeu alors que Jaroslav Halak n'avait pas encore emprisonné le disque. La bourde de l'officiel a empêché les Penguins de prendre les devants 2-1.

Durant une pénalité à Maxim Lapierre, les Penguins ont aussi tiré deux fois directement sur le poteau. Dès lors, on a senti que tout était possible.

L'honneur de marquer le but gagnant est revenu à Lapierre qui s'est donné des airs de Maurice Richard, tant par la puissance de son coup de patin que par sa hargne à se rendre jusqu'au filet. Il a bataillé pour le disque le long de la clôture avec Alex Goligoski, avant de sortir de là comme une balle pour couper rapidement devant le filet et déjouer Fleury d'un tir du revers. Les très très vieux (ou ceux qui possèdent quelques films de ses plus beaux exploits) se souviennent sans doute d'avoir vu le Rocket frapper comme l'éclair dans des moments ou l'équipe avait un urgent besoin de ses buts gagnants en séries. Lapierre, qui n'a rien du Rocket, est néanmoins méconnaissable dans ces séries.

Le héros de cette autre partie sans lendemain a été Cammalleri qui a ajouté deux autres buts à sa fiche pour mener le bal dans les séries. Dieu sait ce qui se passera d'ici la fin de cette belle aventure, mais la dernière fois qu'un membre du Canadien a été le meilleur franc-tireur des séries remonte à 1979 quand Jacques Lemaire a dominé à la fois pour les buts et pour les points en aidant le Canadien à remporter une quatrième coupe Stanley consécutive. À la surprise générale, Lemaire s'est retiré du hockey immédiatement après pour aller amorcer une carrière d'entraîneur en Suisse.

Commencez-vous à y croire? Il n'y a sans doute pas un seul joueur dans cette chambre qui ne se croit pas capable de remporter le septième match à Pittsburgh. Lundi soir, Fleury a paru excessivement nerveux. S'il y a un moment où il doit ressentir l'obligation de voler un match à lui seul, c'est bien mercredi. Voler des matchs est devenu une habitude pour Halak. Pas sûr que Fleury, qui voit patiner devant lui des Crosby, des Malkin, des Staal et des Guerin, ressente la même obligation, soir après soir.

Incidemment, c'est la première fois depuis le début des séries que Halak remporte la victoire sans mériter la première étoile. Il a du mérite, le jeune Slovaque, pendant que le corps défensif de l'équipe essaie de compenser la perte du duo Markov-Gill. Le Canadien tente actuellement d'éliminer les champions de la coupe Stanley avec deux défenseurs qui n'étaient pas dans les plans au début de la saison, P.K. Subban et Marc-André Bergeron, et avec Ryan O'Byrne qui n'est pas la police d'assurance rêvée.

Subban a disputé un fort match. Avec près de 30 minutes de jeu réparties sur 33 présences, il a été le joueur le plus utilisé dans les deux camps. En plus de prendre son tour régulier, il a écoulé le temps durant les pénalités et a travaillé en supériorité numérique. Il a joué toute la soirée avec aplomb contre Sidney Crosby. Pendant que l'équipe se défendait de peine et de misère avec Fleury au banc des siens dans les derniers moments du match, on a encore fait appel à ce défenseur de 20 ans qui se comporte comme le plus expérimenté des défenseurs.

C'est à se demander s'il n'est pas écrit quelque part que le printemps du Canadien pourrait être beaucoup plus long que prévu. Quand les Penguins sont arrivés en ville, on a fait grand état d'une statistique qui volait comme un oiseau de malheur au-dessus du Centre Bell. Les six dernières éliminations du Canadien étaient survenues sur sa glace. Ça s'annonçait donc plutôt mal.

Fort heureusement, les joueurs du Canadien n'attachent guère d'attention aux statistiques, trop occupés qu'ils sont à rouler sur l'adrénaline.

EN VRAC...

Il y a 37 ans hier, Henri Richard remportait sa 11e coupe Stanley. Richard, qui a célébré l'événement en assistant à ce match, peut dormir tranquille. S'il y a un record qui ne sera jamais battu, c'est bien celui-là. La dernière fois qu'une organisation a gagné deux coupes de suite, c'était en 1998, à Detroit. Dans le hockey d'aujourd'hui, les règles du jeu sont dorénavant établies par l'autonomie et le plafond salarial. On ne voit donc pas le jour où naîtra la prochaine dynastie.

En vrac (bis)...

On a annoncé après le match que le public aura l'occasion de visionner le septième match sur l'écran géant du Centre Bell. Le prix des billets a été fixé à 7.50 $. Pas de doute que la place sera pleine mercredi soir.

J'espère qu'on a pensé à remettre les revenus de la soirée à une oeuvre de charité. Déjà que l'organisation pourra se remplir les poches avec les profits enregistrés par le biais des concessions et du stationnement intérieur.

Le Canadien a déjà empilé plusieurs millions de dollars qu'il n'aurait jamais osé comptabiliser avant de se mesurer aux Capitals.