Départ des Nordiques, les misères du CH
Hockey mercredi, 15 sept. 2010. 11:11 samedi, 14 déc. 2024. 01:38
Quand Québec a perdu sa concession professionnelle de hockey, je me souviens de m'être inquiété sur-le-champ de l'attitude que la direction du Canadien allait adopter en occupant seule le territoire du Québec.
Les Nordiques avaient souvent forcé le Canadien à s'ajuster. S'il y avait trois Québécois dans cette formation, le Canadien s'assurait d'en avoir le double. Quand il y en avait cinq, Montréal en comptait plus de 10.
Au niveau de la direction, les Nordiques avaient encore servi des leçons au Canadien sur le plan de la langue. Au début des années 80, Québec avait un président francophone, Marcel Aubut. À Montréal, c'est un haut dirigeant de Molson, Morgan McCammon, qu'on avait assis dans la chaise présidentielle. Maurice Filion, un homme de hockey expérimenté, était le directeur général des Bleus. Il se retrouvait face à Irving Grundman qui avait succédé à Sam Pollock après s'être forgé une solide réputation dans l'administration de salons de quilles. Québec avait un Tigre derrière le banc. Montréal avait Bob Berry.
Le Canadien a finalement croulé sous la pression populaire. Ronald Corey est venu remplacer McCammon, Serge Savard, épaulé par deux adjoints francos, Jacques Lemaire et André Boudrias, a succédé à Grundman. Peu de temps après, Lemaire a remplacé Berry.
Il n'y aurait jamais eu d'urgence à franciser la direction des Flying Frenchmen de l'époque si les Nordiques n'avaient pas existé. On n'aurait probablement pas maintenu un nombre considérable de joueurs francophones si, sur le plan marketing, la carte de la province n'avait pas commencé à être tapissée de bleu.
Mes craintes étaient justifiées. Depuis 15 ans, on n'a jamais ressenti trop d'empressement chez le Canadien à retourner ou à se maintenir au sommet. Il n'y a rien comme une vive concurrence pour garder la compétition sur un pied d'alerte, pour s'assurer de maintenir de hauts standards de qualité et pour gagner sur une base régulière. Or, cette concurrence, partie pour le Colorado, n'existait plus.
Est-ce vraiment une coïncidence si, en 14 saisons, il y a eu six exclusions des séries à Montréal, soit cinq de plus qu'au cours des 47 saisons précédentes.
Pendant ces années sombres, l'événement marquant chez le Canadien a été le déménagement de l'équipe du vétuste Forum au chic amphithéâtre de la rue de La Gauchetière, ce qui a donné lieu à des célébrations nostalgiques qui ont contribué à faire oublier tout le reste. Ces saisons de misère ont été subtilement refoulées sous le tapis grâce à d'efficaces opérations de marketing qui ont finalement fait du Centre Bell une machine à engranger des dollars.
Les Nordiques, une affaire sûre
Depuis une quinzaine d'années, combien de fois ai-je écrit que le départ des Nordiques nous avait privés d'un meilleur spectacle à Montréal? Combien de fois ai-je souhaité qu'ils soient là pour garder le Canadien sur un pied d'alerte et pour raviver la rivalité qui soulevait le Québec et qui faisait saliver les médias.
Je n'attache pas trop d'importance à la bataille que livre le maire Régis Labeaume dans le but de faire payer l'amphithéâtre de ses rêves par les autres. Comme pour tout le reste depuis qu'il est en poste, il finira pas obtenir ce qu'il désire. Ce n'est donc qu'une question de temps avant que les Nordiques renaissent de leurs cendres dans la peau d'une équipe en difficulté.
Ce qui ne veut pas dire, malheureusement, qu'ils ne seront pas appelés un jour à subir le même sort que les anciens Bleus. Il faut se poser la question: une équipe de la Ligue nationale est-elle viable à très long terme à Québec?
Les amateurs de hockey, qui rêvent de profiter d'une seconde chance, seront probablement outrés par la question. Pourtant, qu'est-ce qui leur permet de croire qu'il s'agit d'une aventure sûre à 100%? Sans doute que la passion qui les anime les incite à ne tenir compte que des aspects positifs d'un tel retour.
Quand le calendrier de la ligue obligera l'équipe à disputer trois parties locales dans la même semaine, combien de passionnés pourront se payer trois billets à 150$? Combien y aura-t-il de sièges inoccupés lors du troisième match?
Les entreprises qui ont déjà pris l'engagement de louer des loges corporatives pourront-elles honorer ce fardeau financier durant plusieurs années?
Le tarif des loges fixé pour le prochain édifice étant nettement inférieur à celui exigé au Centre Bell, par exemple, les revenus de l'équipe seront forcément inférieurs à ceux du Canadien. Dans un amphithéâtre, qui devrait contenir 3 000 sièges de moins qu'au Centre Bell, il s'agira d'un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions de dollars par saison par rapport au Canadien.
Les dépenses des deux organisations seront pourtant les mêmes. Revenus en argent canadien, salaires en devise américaine. Quand il y aura de nouvelles chutes du huard, ça risque de faire plus mal à Québec qu'à Montréal, le Canadien étant déjà bien assis sur des revenus annuels mirobolants.
Pour présenter une formation compétitive, la masse salariale des prochains Nordiques devra se situer beaucoup plus près du plafond salarial que du plancher établi par la ligue. Peut-on logiquement croire que cela est possible dans un marché comme Québec?
J'établis des chiffres comparatifs avec le Canadien pour illustrer qu'une organisation pourtant historique a traversé l'enfer avant d'imprimer des dollars, comme elle le fait aujourd'hui. Avant l'établissement du plafond salarial, les saisons dans le rouge étaient monnaie courante à Montréal. Si Molson n'avait pas vu à garder coûte que coûte l'équipe à Montréal, qui sait ce qui serait advenu du Canadien?
Si jamais la situation financière des Nordiques passe par les mêmes tourments, qui les protégera? Celui qui se dit intéressé par l'achat de la concession n'est pas reconnu pour sa patience quand l'une de ses entreprises ne lui rapporte pas quelques millions de plus.
Chose sûre, les Nordiques n'auront pas un propriétaire qui, contrairement à la famille Molson, ressentira l'obligation morale de garder l'équipe à Québec à n'importe quel prix.
Les Nordiques avaient souvent forcé le Canadien à s'ajuster. S'il y avait trois Québécois dans cette formation, le Canadien s'assurait d'en avoir le double. Quand il y en avait cinq, Montréal en comptait plus de 10.
Au niveau de la direction, les Nordiques avaient encore servi des leçons au Canadien sur le plan de la langue. Au début des années 80, Québec avait un président francophone, Marcel Aubut. À Montréal, c'est un haut dirigeant de Molson, Morgan McCammon, qu'on avait assis dans la chaise présidentielle. Maurice Filion, un homme de hockey expérimenté, était le directeur général des Bleus. Il se retrouvait face à Irving Grundman qui avait succédé à Sam Pollock après s'être forgé une solide réputation dans l'administration de salons de quilles. Québec avait un Tigre derrière le banc. Montréal avait Bob Berry.
Le Canadien a finalement croulé sous la pression populaire. Ronald Corey est venu remplacer McCammon, Serge Savard, épaulé par deux adjoints francos, Jacques Lemaire et André Boudrias, a succédé à Grundman. Peu de temps après, Lemaire a remplacé Berry.
Il n'y aurait jamais eu d'urgence à franciser la direction des Flying Frenchmen de l'époque si les Nordiques n'avaient pas existé. On n'aurait probablement pas maintenu un nombre considérable de joueurs francophones si, sur le plan marketing, la carte de la province n'avait pas commencé à être tapissée de bleu.
Mes craintes étaient justifiées. Depuis 15 ans, on n'a jamais ressenti trop d'empressement chez le Canadien à retourner ou à se maintenir au sommet. Il n'y a rien comme une vive concurrence pour garder la compétition sur un pied d'alerte, pour s'assurer de maintenir de hauts standards de qualité et pour gagner sur une base régulière. Or, cette concurrence, partie pour le Colorado, n'existait plus.
Est-ce vraiment une coïncidence si, en 14 saisons, il y a eu six exclusions des séries à Montréal, soit cinq de plus qu'au cours des 47 saisons précédentes.
Pendant ces années sombres, l'événement marquant chez le Canadien a été le déménagement de l'équipe du vétuste Forum au chic amphithéâtre de la rue de La Gauchetière, ce qui a donné lieu à des célébrations nostalgiques qui ont contribué à faire oublier tout le reste. Ces saisons de misère ont été subtilement refoulées sous le tapis grâce à d'efficaces opérations de marketing qui ont finalement fait du Centre Bell une machine à engranger des dollars.
Les Nordiques, une affaire sûre
Depuis une quinzaine d'années, combien de fois ai-je écrit que le départ des Nordiques nous avait privés d'un meilleur spectacle à Montréal? Combien de fois ai-je souhaité qu'ils soient là pour garder le Canadien sur un pied d'alerte et pour raviver la rivalité qui soulevait le Québec et qui faisait saliver les médias.
Je n'attache pas trop d'importance à la bataille que livre le maire Régis Labeaume dans le but de faire payer l'amphithéâtre de ses rêves par les autres. Comme pour tout le reste depuis qu'il est en poste, il finira pas obtenir ce qu'il désire. Ce n'est donc qu'une question de temps avant que les Nordiques renaissent de leurs cendres dans la peau d'une équipe en difficulté.
Ce qui ne veut pas dire, malheureusement, qu'ils ne seront pas appelés un jour à subir le même sort que les anciens Bleus. Il faut se poser la question: une équipe de la Ligue nationale est-elle viable à très long terme à Québec?
Les amateurs de hockey, qui rêvent de profiter d'une seconde chance, seront probablement outrés par la question. Pourtant, qu'est-ce qui leur permet de croire qu'il s'agit d'une aventure sûre à 100%? Sans doute que la passion qui les anime les incite à ne tenir compte que des aspects positifs d'un tel retour.
Quand le calendrier de la ligue obligera l'équipe à disputer trois parties locales dans la même semaine, combien de passionnés pourront se payer trois billets à 150$? Combien y aura-t-il de sièges inoccupés lors du troisième match?
Les entreprises qui ont déjà pris l'engagement de louer des loges corporatives pourront-elles honorer ce fardeau financier durant plusieurs années?
Le tarif des loges fixé pour le prochain édifice étant nettement inférieur à celui exigé au Centre Bell, par exemple, les revenus de l'équipe seront forcément inférieurs à ceux du Canadien. Dans un amphithéâtre, qui devrait contenir 3 000 sièges de moins qu'au Centre Bell, il s'agira d'un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions de dollars par saison par rapport au Canadien.
Les dépenses des deux organisations seront pourtant les mêmes. Revenus en argent canadien, salaires en devise américaine. Quand il y aura de nouvelles chutes du huard, ça risque de faire plus mal à Québec qu'à Montréal, le Canadien étant déjà bien assis sur des revenus annuels mirobolants.
Pour présenter une formation compétitive, la masse salariale des prochains Nordiques devra se situer beaucoup plus près du plafond salarial que du plancher établi par la ligue. Peut-on logiquement croire que cela est possible dans un marché comme Québec?
J'établis des chiffres comparatifs avec le Canadien pour illustrer qu'une organisation pourtant historique a traversé l'enfer avant d'imprimer des dollars, comme elle le fait aujourd'hui. Avant l'établissement du plafond salarial, les saisons dans le rouge étaient monnaie courante à Montréal. Si Molson n'avait pas vu à garder coûte que coûte l'équipe à Montréal, qui sait ce qui serait advenu du Canadien?
Si jamais la situation financière des Nordiques passe par les mêmes tourments, qui les protégera? Celui qui se dit intéressé par l'achat de la concession n'est pas reconnu pour sa patience quand l'une de ses entreprises ne lui rapporte pas quelques millions de plus.
Chose sûre, les Nordiques n'auront pas un propriétaire qui, contrairement à la famille Molson, ressentira l'obligation morale de garder l'équipe à Québec à n'importe quel prix.