Du hockey de fond de cour
Hockey mercredi, 18 avr. 2012. 10:58 jeudi, 12 déc. 2024. 12:34
Il y a quelques années à peine, les équipes n'avaient pas à se préparer pour du brasse-camarade en vue des séries éliminatoires. Ce n'était vraiment pas nécessaire puisqu'on ne se battait pas en séries ou si peu. Certaines formations gardaient leurs bagarreurs, soit sur le banc, soit dans les gradins parce que le mot d'ordre était d'éviter le banc des pénalités afin de ne pas fournir des minutions à l'attaque massive de l'adversaire.
On ne sait trop comment les choses ont pu déraper à ce point. Il a fallu que les joueurs sentent qu'ils pouvaient s'offrir toutes les libertés pour qu'ils se transforment en bêtes furieuses en posant des gestes qui leur vaudraient des accusations au criminel s'ils se comportaient de cette façon dans la rue.
Les incidents disgracieux des séries actuelles feront inévitablement des petits. Bientôt, si ce n'est pas déjà fait, la majorité des organisations auront la conviction qu'on ne pourra plus jamais se lancer en séries sans la contribution d'un ou deux lourdauds qui auront comme objectif premier de blesser les joueurs d'impact. Et s'il y a une chose qui n'a jamais changé, c'est l'incapacité de la Ligue nationale à protéger ses acteurs vedettes, ceux qui attirent les amateurs dans les arénas.
Un animateur de radio me demandait cette semaine si ce qu'on voit durant l'affrontement Pittsburgh-Philadelphie peut se comparer à la rudesse excessive que les Big Bad Bruins et les Broad Street Bullies préconisaient durant les années 70. Ce qu'on voit en ce moment est plus dégradant parce qu'il y a une intention assez évidente de blesser les meilleurs.
Les Bruins et les Flyers de l'époque étaient dérangeants. Certains de leurs joueurs, payés pour effectuer le sale boulot, étaient intimidants au bout du poing. Mais les bagarreurs s'affrontaient entre eux. C'est à coups de poings qu'on passait des messages. Un goon n'assommait pas un joueur talentueux sans la moindre raison.
Croyez-vous que Carl Hagelin ne savait pas ce qu'il faisait quand il a visé d'une façon assez évidente la tête de Daniel Alfredsson qui était à peine remis d'une commotion cérébrale? Croyez-vous qu'il ignorait que son compatriote suédois est l'âme et le coeur des Sénateurs d'Ottawa? Hagelin, un 168e choix au repêchage, purge actuellement plus de matchs de suspension (3) qu'il en a joués durant les séries de la coupe Stanley. Brillant.
Parlant de commotion cérébrale, qu'est-ce que Sidney Crosby, qui en a déjà subi deux, voulait prouver en cherchant noise à tout le monde dans son dernier match? Crosby est le boss de son équipe sur la glace. C'est lui qui dicte l'allure que prendra un match. Les joueurs des Penguins le suivent les yeux fermés quand il les embarque dans une aventure gagnante. Dimanche, il a fait un fou de lui et le reste de l'équipe a continué de le suivre.
Je respecte énormément Dan Bylsma qui, au cours des deux dernières années, a réussi à soutirer 96 victoires de ses joueurs malgré le fait que ses trois as, Crosby, Evgeni Malkin et Kris Letang, aient manqué 188 matchs. Il a su créer une ambiance de gagnants dans ce vestiaire. Et malgré les nombreux blessés, les Penguins ont connu une saison exceptionnelle de 108 points, à trois points seulement des champions du circuit, les Canucks de Vancouver.
Néanmoins, peut-être pour la première fois depuis qu'il est en poste, on a senti que Bylsma a été dépassé par les événements dimanche. Pendant que Crosby perdait les pédales, pendant que James Neal y allait de deux tentatives de blesser, pendant que l'imprévisible Aaron Asham jouait du bâton dans les dents de Braydon Schenn et que Letang se faisait expulser du match après 12 minutes de jeu, le jeune entraîneur a donné l'impression de ne plus être en contrôle. C'était sa responsabilité de ramener son monde à l'ordre. C'était à lui de rappeler à Crosby que l'équipe avait suffisamment de talent pour combler un retard d'un ou deux buts dans le match. Visiblement, il ne l'a pas fait puisque les Penguins ont continué de patiner comme des poules sans tête.
Ce qu'on a vu jusqu'ici dans cette série et ailleurs n'est rien d'autre que du hockey de fond de cour.
Stéphane Quintal explique
Comment expliquer que le hockey soit devenu violent au point qu'une des plus belles machines de la ligue s'engage dans une voie aussi dégradante, une équipe dont le propriétaire, Mario Lemieux, se fait l'apôtre de la non-violence depuis tant années?
Blâmez en bonne partie ceux qui, par leur clémence, offrent un buffet à volonté à tous ceux qui jouent avec des intentions tordues. Quand Brendan Shanahan a excusé un joueur étoile, Shea Weber, qui avait emprisonné la tête d'un rival entre ses deux mains avant de la projeter contre la baie vitrée, il a ouvert la porte à tout ce qu'on voit en ce moment. Ça devenait assez évident qu'on pouvait y aller de gestes dangereux sans craindre d'être puni sévèrement.
Au cas où cela vous aurait échappé, Weber a marqué un but dans les deux parties suivantes pour aider les Predators à prendre les devants 2-1 dans leur série contre Detroit. Série qu'ils mènent maintenant 3-1. On peut toujours se demander quel aurait été le déroulement de la série si Shanahan avait mis ses culottes?
Et la clémence se poursuit. Un autre joueur étoile, James Neal, a commis deux agressions aux dépens de Claude Giroux et de Sean Couturier. Conséquence : Un match de suspension ou, si vous préférez, 30 minutes par agression.
Ce n'est sûrement pas de cette façon qu'on va apeurer le reste de la ligue, comme on a pu le constater quand le subtil Raffi Torres, un artiste des coups sournois, a envoyé Marian Hossa, des Blackhawks, à l'hôpital en l'assommant avec une épaulette dure comme le roc en plein visage.
Stéphane Quintal, qui fait partie du comité pour la sécurité des joueurs aux côtés de Shanahan, a été appelé à donner son opinion après l'incident Weber-Zetterberg, comme dans chaque cas d'indiscipline, d'ailleurs. Une opinion qui a visiblement été partagée par le responsable du comité.
«Ma version personnelle, c'est que Henrik Zetterberg ne pouvait pas être blessé parce qu'il portait ses gants. Il était donc en mesure d'amortir le coup», explique-t-il.
Parce qu'il faut vous dire que deux critères sont retenus quand on analyse un incident. On tient compte si l'agresseur est un récidiviste ou si le joueur agressé est blessé. Au diable l'intention.
Dans ce cas bien précis, qu'est-ce qu'on fait quand l'attaque sournoise de Weber, télédiffusée à la grandeur de l'Amérique, donne au hockey une image de lutte Grand Prix?
«Je reconnais que la scène a paru plus grave qu'elle ne l'a été en réalité. Ce sont des choses qu'on ne veut pas voir, mais je maintiens ma version concernant cet incident. Il ne pouvait pas y avoir de blessure à la suite du geste posé par Weber», ajoute Quintal.
Une précision
Dans un autre ordre d'idée, à L'antichambre, j'ai mentionné par erreur que Quintal avait déclaré récemment que le comité se montrerait moins sévère en séries. Or, ce n'est pas exactement ce qu'il avait dit dans le cadre de la même émission.
«J'ai affirmé qu'on allait tenir compte que la proportion n'est pas la même entre un geste commis dans une série de sept parties et celui posé à l'intérieur d'un calendrier de 82 matchs, rappelle-t-il. Je l'ai bien expliqué à L'antichambre. Lors de la dernière réunion des directeurs généraux en Floride, Brendan Shanahan leur a demandé s'il devait distribuer les sanctions avec la même sévérité que durant le calendrier régulier. Ils lui ont tous mentionné qu'il devait tenir compte qu'une décision prise à l'intérieur d'une série ne pouvait pas être comptabilisée de la même façon qu'en saison régulière.»
Ils peuvent tous nous raconter ce qu'ils veulent, mais une infraction grave commise durant les séries ne peut pas être jugée avec plus de clémence. Cela ouvre la porte à une plus grande liberté d'action parmi les joueurs qui se plaisent à sortir les meilleurs éléments de la patinoire.
Le seul fait que Shanahan ait senti la nécessité de consulter les directeurs généraux avant les séries est une indication qu'il n'a pas les mains libres. Cela nous confirme aussi que rien n'a vraiment changé au fil des ans. Les directeurs généraux ont toujours décidé de la marche à suivre en matière de sanctions... et d'arbitrage.
Le préfet de discipline n'a toujours été qu'un exécutant à la merci de ceux qui l'ont placé dans cette chaise.
On ne sait trop comment les choses ont pu déraper à ce point. Il a fallu que les joueurs sentent qu'ils pouvaient s'offrir toutes les libertés pour qu'ils se transforment en bêtes furieuses en posant des gestes qui leur vaudraient des accusations au criminel s'ils se comportaient de cette façon dans la rue.
Les incidents disgracieux des séries actuelles feront inévitablement des petits. Bientôt, si ce n'est pas déjà fait, la majorité des organisations auront la conviction qu'on ne pourra plus jamais se lancer en séries sans la contribution d'un ou deux lourdauds qui auront comme objectif premier de blesser les joueurs d'impact. Et s'il y a une chose qui n'a jamais changé, c'est l'incapacité de la Ligue nationale à protéger ses acteurs vedettes, ceux qui attirent les amateurs dans les arénas.
Un animateur de radio me demandait cette semaine si ce qu'on voit durant l'affrontement Pittsburgh-Philadelphie peut se comparer à la rudesse excessive que les Big Bad Bruins et les Broad Street Bullies préconisaient durant les années 70. Ce qu'on voit en ce moment est plus dégradant parce qu'il y a une intention assez évidente de blesser les meilleurs.
Les Bruins et les Flyers de l'époque étaient dérangeants. Certains de leurs joueurs, payés pour effectuer le sale boulot, étaient intimidants au bout du poing. Mais les bagarreurs s'affrontaient entre eux. C'est à coups de poings qu'on passait des messages. Un goon n'assommait pas un joueur talentueux sans la moindre raison.
Croyez-vous que Carl Hagelin ne savait pas ce qu'il faisait quand il a visé d'une façon assez évidente la tête de Daniel Alfredsson qui était à peine remis d'une commotion cérébrale? Croyez-vous qu'il ignorait que son compatriote suédois est l'âme et le coeur des Sénateurs d'Ottawa? Hagelin, un 168e choix au repêchage, purge actuellement plus de matchs de suspension (3) qu'il en a joués durant les séries de la coupe Stanley. Brillant.
Parlant de commotion cérébrale, qu'est-ce que Sidney Crosby, qui en a déjà subi deux, voulait prouver en cherchant noise à tout le monde dans son dernier match? Crosby est le boss de son équipe sur la glace. C'est lui qui dicte l'allure que prendra un match. Les joueurs des Penguins le suivent les yeux fermés quand il les embarque dans une aventure gagnante. Dimanche, il a fait un fou de lui et le reste de l'équipe a continué de le suivre.
Je respecte énormément Dan Bylsma qui, au cours des deux dernières années, a réussi à soutirer 96 victoires de ses joueurs malgré le fait que ses trois as, Crosby, Evgeni Malkin et Kris Letang, aient manqué 188 matchs. Il a su créer une ambiance de gagnants dans ce vestiaire. Et malgré les nombreux blessés, les Penguins ont connu une saison exceptionnelle de 108 points, à trois points seulement des champions du circuit, les Canucks de Vancouver.
Néanmoins, peut-être pour la première fois depuis qu'il est en poste, on a senti que Bylsma a été dépassé par les événements dimanche. Pendant que Crosby perdait les pédales, pendant que James Neal y allait de deux tentatives de blesser, pendant que l'imprévisible Aaron Asham jouait du bâton dans les dents de Braydon Schenn et que Letang se faisait expulser du match après 12 minutes de jeu, le jeune entraîneur a donné l'impression de ne plus être en contrôle. C'était sa responsabilité de ramener son monde à l'ordre. C'était à lui de rappeler à Crosby que l'équipe avait suffisamment de talent pour combler un retard d'un ou deux buts dans le match. Visiblement, il ne l'a pas fait puisque les Penguins ont continué de patiner comme des poules sans tête.
Ce qu'on a vu jusqu'ici dans cette série et ailleurs n'est rien d'autre que du hockey de fond de cour.
Stéphane Quintal explique
Comment expliquer que le hockey soit devenu violent au point qu'une des plus belles machines de la ligue s'engage dans une voie aussi dégradante, une équipe dont le propriétaire, Mario Lemieux, se fait l'apôtre de la non-violence depuis tant années?
Blâmez en bonne partie ceux qui, par leur clémence, offrent un buffet à volonté à tous ceux qui jouent avec des intentions tordues. Quand Brendan Shanahan a excusé un joueur étoile, Shea Weber, qui avait emprisonné la tête d'un rival entre ses deux mains avant de la projeter contre la baie vitrée, il a ouvert la porte à tout ce qu'on voit en ce moment. Ça devenait assez évident qu'on pouvait y aller de gestes dangereux sans craindre d'être puni sévèrement.
Au cas où cela vous aurait échappé, Weber a marqué un but dans les deux parties suivantes pour aider les Predators à prendre les devants 2-1 dans leur série contre Detroit. Série qu'ils mènent maintenant 3-1. On peut toujours se demander quel aurait été le déroulement de la série si Shanahan avait mis ses culottes?
Et la clémence se poursuit. Un autre joueur étoile, James Neal, a commis deux agressions aux dépens de Claude Giroux et de Sean Couturier. Conséquence : Un match de suspension ou, si vous préférez, 30 minutes par agression.
Ce n'est sûrement pas de cette façon qu'on va apeurer le reste de la ligue, comme on a pu le constater quand le subtil Raffi Torres, un artiste des coups sournois, a envoyé Marian Hossa, des Blackhawks, à l'hôpital en l'assommant avec une épaulette dure comme le roc en plein visage.
Stéphane Quintal, qui fait partie du comité pour la sécurité des joueurs aux côtés de Shanahan, a été appelé à donner son opinion après l'incident Weber-Zetterberg, comme dans chaque cas d'indiscipline, d'ailleurs. Une opinion qui a visiblement été partagée par le responsable du comité.
«Ma version personnelle, c'est que Henrik Zetterberg ne pouvait pas être blessé parce qu'il portait ses gants. Il était donc en mesure d'amortir le coup», explique-t-il.
Parce qu'il faut vous dire que deux critères sont retenus quand on analyse un incident. On tient compte si l'agresseur est un récidiviste ou si le joueur agressé est blessé. Au diable l'intention.
Dans ce cas bien précis, qu'est-ce qu'on fait quand l'attaque sournoise de Weber, télédiffusée à la grandeur de l'Amérique, donne au hockey une image de lutte Grand Prix?
«Je reconnais que la scène a paru plus grave qu'elle ne l'a été en réalité. Ce sont des choses qu'on ne veut pas voir, mais je maintiens ma version concernant cet incident. Il ne pouvait pas y avoir de blessure à la suite du geste posé par Weber», ajoute Quintal.
Une précision
Dans un autre ordre d'idée, à L'antichambre, j'ai mentionné par erreur que Quintal avait déclaré récemment que le comité se montrerait moins sévère en séries. Or, ce n'est pas exactement ce qu'il avait dit dans le cadre de la même émission.
«J'ai affirmé qu'on allait tenir compte que la proportion n'est pas la même entre un geste commis dans une série de sept parties et celui posé à l'intérieur d'un calendrier de 82 matchs, rappelle-t-il. Je l'ai bien expliqué à L'antichambre. Lors de la dernière réunion des directeurs généraux en Floride, Brendan Shanahan leur a demandé s'il devait distribuer les sanctions avec la même sévérité que durant le calendrier régulier. Ils lui ont tous mentionné qu'il devait tenir compte qu'une décision prise à l'intérieur d'une série ne pouvait pas être comptabilisée de la même façon qu'en saison régulière.»
Ils peuvent tous nous raconter ce qu'ils veulent, mais une infraction grave commise durant les séries ne peut pas être jugée avec plus de clémence. Cela ouvre la porte à une plus grande liberté d'action parmi les joueurs qui se plaisent à sortir les meilleurs éléments de la patinoire.
Le seul fait que Shanahan ait senti la nécessité de consulter les directeurs généraux avant les séries est une indication qu'il n'a pas les mains libres. Cela nous confirme aussi que rien n'a vraiment changé au fil des ans. Les directeurs généraux ont toujours décidé de la marche à suivre en matière de sanctions... et d'arbitrage.
Le préfet de discipline n'a toujours été qu'un exécutant à la merci de ceux qui l'ont placé dans cette chaise.