Guy Boucher n'a pas volé ce qui lui arrive
Hockey mercredi, 13 oct. 2010. 11:01 jeudi, 12 déc. 2024. 12:53
Je me souviens de cette soirée comme si c'était hier. C'était le 29 juin 2009, il y a un peu plus de 15 mois.
Quinze mois dans le sport professionnel peuvent paraître une éternité selon les situations, mais pour Guy Boucher, un jeune entraîneur pour lequel la carrière progresse à un train d'enfer, ce fut excessivement court. Peut-être irait-il jusqu'à admettre qu'entre Drummondville, Hamilton et Tampa, il n'a pas vu le temps filer.
Ce jour-là, Bob Gainey avait confirmé avoir arrêté son choix sur Boucher pour peaufiner le talent des jeunes joueurs de l'organisation, à Hamilton. En soirée, sur la patinoire du Centre Bell, le jeune entraîneur avait été convié à une réception offerte par Hockey Canada dans le cadre du centenaire du Canadien.
Il était là avec Marsha, une jolie jeune femme, mère de leurs trois enfants, un garçon de huit ans et des jumelles de six ans, qui l'avait accompagné dans les bons moments comme dans les périodes plus difficiles de son parcours. Ils atteignaient finalement les grandes ligues ensemble après un parcours ayant nécessité une bonne dose de courage. Il semblait déjà loin le temps où Marsha complétait ses études universitaires à Montréal pendant que son homme touchait un salaire ridicule d'adjoint à Rouyn-Noranda, tout en tentant de rembourser ses dettes universitaires à McGill.
Ils n'avaient pas les yeux assez grands pour voir ce qui se déroulait sous leurs yeux. Sur l'estrade d'honneur paradaient une lignée de chandails tricolores portés par des légendes de l'organisation, tous des gagnants qui avaient contribué à façonner l'image d'une équipe 24 fois championne de la coupe Stanley. C'est d'ailleurs ce soir-là que Hockey Canada avait nommé Jean Béliveau capitaine honoraire de l'équipe olympique du Canada.
«Le Canadien, c'est une belle famille, m'avait fait remarquer Marsha. Notre conte de fée se poursuit.»
Les Boucher appartenaient maintenant à cette illustre famile. Guy, déjà considéré comme l'entraîneur de l'avenir du hockey professionnel, voyait de grandes portes s'ouvrir devant lui. Bien sûr, on ne pouvait pas savoir qu'une équipe de la Ligue nationale lui permettrait un an plus tard d'effectuer un autre pas de géant dans la carrière qu'il avait choisie. Il était plus normal de l'imaginer derrière le banc du Canadien, éventuellement. À titre d'entraîneur de la filiale, il trônait forcément au sommet de la liste des candidats logiques pour un poste à Montréal et ce, même si Jacques Martin avait une entente de quatre ans en poche.
Chose sûre, la marque de confiance de Gainey allait influencer le reste de leur vie. C'est effectivement ce qui s'est produit, mais pas de la façon dont on l'avait imaginé. À Hamilton, Boucher a créé une telle impression que la concurrence l'a vite remarqué. On croyait que l'ancien directeur général lui avait ouvert les portes de l'organisation, mais il lui a plutôt ouvert celles de la ligue.
Il a cru mourir
Un journaliste a écrit cette semaine que ceux qui avaient imaginé un règlement de comptes entre Boucher et le Canadien, à l'occasion de la première visite du Lightning à Montréal, devront chercher des puces ailleurs.
Un règlement de comptes? Quel règlement de comptes?
Boucher a quitté l'organisation parce qu'on lui lui a proposé une chance d'avancement inouïe qu'il ne pouvait refuser. De son côté, le Canadien, dont l'entraîneur d'expérience était bien en selle, n'aurait pu lui laisser miroiter le même rôle à Montréal, à court ou à moyen terme.
Pas plus d'ailleurs qu'on aurait pu lui offrir un job d'adjoint à Martin pour l'empêcher de regarder ailleurs. Boucher n'a pas une âme d'adjoint. C'est un chef avec des idées nouvelles et imaginatives plein la tête. On ne place pas une tête comme la sienne au réfrigérateur en attendant de pouvoir s'en servir.
La progression de Boucher est spectaculaire. Il l'avoue, il n'était pas destiné à devenir entraîneur. C'est Martin Raymond, aujourd'hui son adjoint, qui l'a d'abord invité à travailler avec lui derrière le banc à McGill. Le nouvel entraîneur du Lightning possède un bac en histoire, une mineure en biologie environnementale et une maîtrise en psychologie sportive. Quand son équipe connaîtra une mauvaise soirée, il serait donc très étonnant qu'on l'entende nous dire que «la puck ne roulait pas nous autres à soère». Ses explications témoignent toujours de ses profondes connaissances.
Son père, décédé d'un cancer des os, était actuaire. À la maison, on attachait de l'importance aux études, ce qui explique que Boucher et ses soeurs ont tous fréquenté l'université.
Il aurait pu gagner sa vie comme ingénieur. Il rêvait plutôt d'une carrière sur la glace. C'est en patins qu'il visait un poste dans la Ligue nationale. Jamais il n'aurait cru y arriver comme entraîneur.
Sa carrière d'athlète a pris fin avec les Rafales de Québec, de la Ligue internationale, quand il est tombé sérieusement malade. On a d'abord pensé à la sclérose en plaques. On lui a aussi fait subir des tests pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une forme musculaire de cancer. Il était incapable de gravir des escaliers. Il a temporairement perdu l'usage de l'oeil droit. Il a perdu de la motricité dans une jambe et dans un bras. Il était même incapable de lire. Ce calvaire a duré un an et demi.
«Soudainement, le hockey a cessé d'être une priorité, m'a-t-il déjà raconté. J'ai cru que j'allais y passer puisqu'on était incapable d'identifier la source du mal. Finalement, j'ai appris que j'avais été victime d'un virus.»
Il a rencontré celle qui allait devenir sa femme six mois plus tard. Parce qu'il n'était pas Samson, leurs deux premières années ensemble ont été marquées par toutes sortes de sacrifices. Elle l'a épaulé, encouragé et c'est à deux qu'ils ont surmonté les premières étapes de leur vie commune.
Boucher dit avoir perdu 30 livres qu'il n'a jamais regagnées. Il a donc quitté la patinoire pour s'adonner à d'astucieux plans de matchs. Comme quoi il n'y a rien qui arrive pour rien dans la vie. Qui sait où serait Boucher aujourd'hui s'il n'avait pas été terrassé par la maladie?
Ses patins ne l'auraient sûrement pas mené dans le même vestiaire que Vincent Lecavalier.
Quinze mois dans le sport professionnel peuvent paraître une éternité selon les situations, mais pour Guy Boucher, un jeune entraîneur pour lequel la carrière progresse à un train d'enfer, ce fut excessivement court. Peut-être irait-il jusqu'à admettre qu'entre Drummondville, Hamilton et Tampa, il n'a pas vu le temps filer.
Ce jour-là, Bob Gainey avait confirmé avoir arrêté son choix sur Boucher pour peaufiner le talent des jeunes joueurs de l'organisation, à Hamilton. En soirée, sur la patinoire du Centre Bell, le jeune entraîneur avait été convié à une réception offerte par Hockey Canada dans le cadre du centenaire du Canadien.
Il était là avec Marsha, une jolie jeune femme, mère de leurs trois enfants, un garçon de huit ans et des jumelles de six ans, qui l'avait accompagné dans les bons moments comme dans les périodes plus difficiles de son parcours. Ils atteignaient finalement les grandes ligues ensemble après un parcours ayant nécessité une bonne dose de courage. Il semblait déjà loin le temps où Marsha complétait ses études universitaires à Montréal pendant que son homme touchait un salaire ridicule d'adjoint à Rouyn-Noranda, tout en tentant de rembourser ses dettes universitaires à McGill.
Ils n'avaient pas les yeux assez grands pour voir ce qui se déroulait sous leurs yeux. Sur l'estrade d'honneur paradaient une lignée de chandails tricolores portés par des légendes de l'organisation, tous des gagnants qui avaient contribué à façonner l'image d'une équipe 24 fois championne de la coupe Stanley. C'est d'ailleurs ce soir-là que Hockey Canada avait nommé Jean Béliveau capitaine honoraire de l'équipe olympique du Canada.
«Le Canadien, c'est une belle famille, m'avait fait remarquer Marsha. Notre conte de fée se poursuit.»
Les Boucher appartenaient maintenant à cette illustre famile. Guy, déjà considéré comme l'entraîneur de l'avenir du hockey professionnel, voyait de grandes portes s'ouvrir devant lui. Bien sûr, on ne pouvait pas savoir qu'une équipe de la Ligue nationale lui permettrait un an plus tard d'effectuer un autre pas de géant dans la carrière qu'il avait choisie. Il était plus normal de l'imaginer derrière le banc du Canadien, éventuellement. À titre d'entraîneur de la filiale, il trônait forcément au sommet de la liste des candidats logiques pour un poste à Montréal et ce, même si Jacques Martin avait une entente de quatre ans en poche.
Chose sûre, la marque de confiance de Gainey allait influencer le reste de leur vie. C'est effectivement ce qui s'est produit, mais pas de la façon dont on l'avait imaginé. À Hamilton, Boucher a créé une telle impression que la concurrence l'a vite remarqué. On croyait que l'ancien directeur général lui avait ouvert les portes de l'organisation, mais il lui a plutôt ouvert celles de la ligue.
Il a cru mourir
Un journaliste a écrit cette semaine que ceux qui avaient imaginé un règlement de comptes entre Boucher et le Canadien, à l'occasion de la première visite du Lightning à Montréal, devront chercher des puces ailleurs.
Un règlement de comptes? Quel règlement de comptes?
Boucher a quitté l'organisation parce qu'on lui lui a proposé une chance d'avancement inouïe qu'il ne pouvait refuser. De son côté, le Canadien, dont l'entraîneur d'expérience était bien en selle, n'aurait pu lui laisser miroiter le même rôle à Montréal, à court ou à moyen terme.
Pas plus d'ailleurs qu'on aurait pu lui offrir un job d'adjoint à Martin pour l'empêcher de regarder ailleurs. Boucher n'a pas une âme d'adjoint. C'est un chef avec des idées nouvelles et imaginatives plein la tête. On ne place pas une tête comme la sienne au réfrigérateur en attendant de pouvoir s'en servir.
La progression de Boucher est spectaculaire. Il l'avoue, il n'était pas destiné à devenir entraîneur. C'est Martin Raymond, aujourd'hui son adjoint, qui l'a d'abord invité à travailler avec lui derrière le banc à McGill. Le nouvel entraîneur du Lightning possède un bac en histoire, une mineure en biologie environnementale et une maîtrise en psychologie sportive. Quand son équipe connaîtra une mauvaise soirée, il serait donc très étonnant qu'on l'entende nous dire que «la puck ne roulait pas nous autres à soère». Ses explications témoignent toujours de ses profondes connaissances.
Son père, décédé d'un cancer des os, était actuaire. À la maison, on attachait de l'importance aux études, ce qui explique que Boucher et ses soeurs ont tous fréquenté l'université.
Il aurait pu gagner sa vie comme ingénieur. Il rêvait plutôt d'une carrière sur la glace. C'est en patins qu'il visait un poste dans la Ligue nationale. Jamais il n'aurait cru y arriver comme entraîneur.
Sa carrière d'athlète a pris fin avec les Rafales de Québec, de la Ligue internationale, quand il est tombé sérieusement malade. On a d'abord pensé à la sclérose en plaques. On lui a aussi fait subir des tests pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une forme musculaire de cancer. Il était incapable de gravir des escaliers. Il a temporairement perdu l'usage de l'oeil droit. Il a perdu de la motricité dans une jambe et dans un bras. Il était même incapable de lire. Ce calvaire a duré un an et demi.
«Soudainement, le hockey a cessé d'être une priorité, m'a-t-il déjà raconté. J'ai cru que j'allais y passer puisqu'on était incapable d'identifier la source du mal. Finalement, j'ai appris que j'avais été victime d'un virus.»
Il a rencontré celle qui allait devenir sa femme six mois plus tard. Parce qu'il n'était pas Samson, leurs deux premières années ensemble ont été marquées par toutes sortes de sacrifices. Elle l'a épaulé, encouragé et c'est à deux qu'ils ont surmonté les premières étapes de leur vie commune.
Boucher dit avoir perdu 30 livres qu'il n'a jamais regagnées. Il a donc quitté la patinoire pour s'adonner à d'astucieux plans de matchs. Comme quoi il n'y a rien qui arrive pour rien dans la vie. Qui sait où serait Boucher aujourd'hui s'il n'avait pas été terrassé par la maladie?
Ses patins ne l'auraient sûrement pas mené dans le même vestiaire que Vincent Lecavalier.