Ceux qui réclamaient des têtes chez le Canadien, il y a une semaine à peine, auraient dû se méfier. Ce n'est pas la première fois que le Canadien nous fait le coup. Dans le passé, il est arrivé que l'équipe ait démontré des signes inquiétants, au point d'alerter toute une population, pour ensuite rebondir d'une façon inattendue.

Je sais, je sais, c'était un brin différent cette fois. Quand l'équipe chute au 15e dans son association, 29e au classement général, les fans ne sont pas que déçus. Ils sont déprimés. La gêne les envahit. Ils le prennent personnel parce qu'ils ont l'impression que ces patineurs, qu'ils aiment démesurément, les ont laissé tomber sans raison apparente.

Ils les aiment tellement qu'ils ont d'abord blâmé Pierre Gauthier pour son manque de clairvoyance de l'été dernier et Jacques Martin pour diverses raisons, mais surtout parce que la tête de l'entraîneur est toujours la première à rouler quand les choses tournent mal. Sur le coup, il ne leur est pas venu à l'esprit que les joueurs avaient une large part de responsabilité dans ce début de saison à odeur d'après-partie.

Josh Gorges ne l'a-t-il pas lui-même confirmé après l'étonnante série de trois victoires contre des adversaires de premier plan, les Flyers et les Bruins (2).

«Quand nous jouons comme nous sommes capables de le faire, nous pouvons rivaliser avec n'importe qui», a-t-il dit.

Ah bon. Faudra se souvenir de cela à l'occasion de la prochaine tempête. Car il y en aura d'autres, n'en doutez pas. Faudra honnêtement se demander qui n'en donne pas assez, les joueurs ou les patrons, cette fois-là.

Geoff Molson sera en droit de se poser la même question quand il fera son propre bilan de la saison en avril prochain. Il n'a pas pensé un seul instant à effectuer un grand ménage la semaine dernière. Il n'attendait pas de connaître le résultat de ces trois matchs cruciaux pour passer aux actes. C'était trop tôt après huit matchs. Passer le balai aurait été un geste émotif qui ne reflète pas sa personnalité. Mais alors pas du tout.

Comme nous tous, il n'était pas fier de voir son équipe au 15e rang, mais voyez où elle est maintenant. À deux points de la huitième place. Par contre, dans six mois, si l'entreprise qu'il dirige rate les séries en perdant honteusement du terrain au lieu d'en gagner, comme on s'y attend quand on n'a rien célébré depuis près de 20 ans, il sera justifié de nettoyer la place. Et si jamais il ne le fait pas, c'est vers lui qu'un doigt accusateur sera pointé.

Ébranlés et prudents

Après la victoire de samedi, on a senti un certain soulagement dans le public, mais personne n'a joué du klaxon en quittant le Centre Bell. Les fans étaient contents, mais pas totalement rassurés. Ce très mauvais début de saison qui les a ébranlés leur recommande la prudence pour le moment. Comme s'ils craignaient de trop s'emballer et d'être déçus à nouveau. Comme s'ils n'étaient pas vraiment convaincus que ces trois victoires surprises aient réglé tous les problèmes.

Revenons aux propos de Gorges, si vous le voulez bien. Pourquoi, en trois matchs seulement, 13 joueurs (neuf attaquants et quatre défenseurs) ont-ils inscrit leur nom dans la colonne des pointeurs? Pourquoi l'attaque à cinq, parfois polluée par l'obligation de faire jouer Scott Gomez, a-t-elle produit trois buts en autant de soirs sans lui? Pourquoi les défenseurs ont-ils recommencé à se sacrifier en bloquant des tirs à répétition? Pourquoi Carey Price a-t-il entendu son nom trois fois dans le choix des trois étoiles?

Est-il possible que les joueurs aient senti la soupe chaude après le congédiement surprise de Perry Pearn? Ont-ils craint de devenir la risée de la ligue s'ils perdaient contre Philadelphie et Boston, ce qui aurait porté leur fiche à neuf défaites consécutives? Après avoir bénéficié d'une miraculeuse immunité quand tout le blâme a été jeté sur le directeur général et l'entraîneur, ont-ils soudainement réalisé ce qui les attendait si toute la colère du public leur tombait dessus?

Allez donc savoir pourquoi des athlètes incapables de mettre une victoire devant l'autre pendant plus de deux semaines se donnent des allures de champions du jour au lendemain. Les joueurs ont-ils maintenant le goût de cimenter cet accomplissement en jouant comme ils en sont capables, pour reprendre le commentaire de Gorges? Il sera très intéressant d'observer la suite des choses, à Ottawa et à New York, cette semaine.

Une constatation saute aux yeux. Le Canadien semble former une meilleure équipe sans la présence de son plus haut salarié. Les deux centres qui voient constamment Gomez passer devant eux, Tomas Plekanec et David Desharnais, dont le terrain de jeu s'est agrandi durant son absence, ont été les deux meilleurs marqueurs de l'équipe durant ces trois matchs de la rédemption. Toute une coïncidence!

Pour le plus grand bien de l'équipe et pour sauver sa peau à long terme, le temps n'est-il pas venu pour l'entraîneur de mener sa barque sans chercher à protéger l'ego de Gomez qui n'est devenu rien de mieux qu'un centre de quatrième trio? Qu'est-ce que Gomez peut apporter de plus que Plekanec, Desharnais et Lars Eller actuellement?

Déjà que Martin n'avait pas aidé sa cause dès le départ en se permettant de mettre en pénitence un attaquant arraché à la Caroline à coût de millions. Belle manière d'intégrer un marqueur de près de 200 buts dans une nouvelle organisation. Erik Cole a dû se demander ce qu'il était venu faire dans cette galère avant que Martin réalise finalement qu'il se privait d'un atout important pendant que sa troupe pataugeait dans la médiocrité. Cole, qui a la réputation de produire par séquences, est l'un de ceux qui a le plus contribué au réveil de l'équipe, la semaine dernière.

Perry Pearn: On a vu pire comme décision

La décision de remercier Perry Pearn fait encore jaser. Avec le temps, peut-être qu'on comprendra que ce geste injustifié aux yeux du principal intéressé avait sa raison d'être pour l'équipe.

Il était inconcevable que l'entraîneur des défenseurs, Randy Ladouceur, visionne les matchs de la passerelle pendant que les jeunes Weber, Diaz et Emelin avaient besoin d'aide et que P.K. Subban continuait de faire les choses à sa manière malgré les recommandations de ses entraîneurs. Fallait trouver une façon de l'amener derrière le banc.

On a sacrifié un adjoint qui ne s'impliquait pas vocalement. Un gars placide à l'image de Martin. Il n'était probablement pas facile pour un autre adjoint de se glisser entre Martin et Pearn, des amis personnels de longue date. L'an dernier, Kirk Muller et Pearn ne voyaient pas les choses de la même manière et cela a coûté au Canadien un homme aimé et respecté des joueurs. Cette saison, on avait l'impression que la présence de Pearn paralysait le nouveau venu Randy Cunneyworth qui sera nettement plus à l'aise aux côtés de Ladouceur, un allié avec qui il a déjà fait la guerre.

Pearn rencontrera Gauthier cette semaine pour discuter de l'offre qu'il a reçue de rester associé au Canadien. Il n'est pas impossible qu'il décide de rester. S'il le fait, il pourra s'inspirer de la décision qu'avait prise Jacques Demers à la suite de son congédiement.

Ce qui est arrivé à Demers en 1995 était pas mal plus difficile à encaisser sur le plan personnel. Il avait conduit l'équipe à la coupe Stanley un an et demi auparavant. Y avait-il une situation plus humiliante pour un francophone natif de Montréal, gagnant de la Coupe, que de se voir virer aussi abruptement quatre matchs après le début de la saison?

Demers s'était vu offrir l'option de rester avec l'équipe, lui aussi, dans un rôle de recruteur professionnel. Il avait choisi humblement de rester. Je pense qu'on peut dire que cette option ne lui a pas porté ombrage pour la suite des choses. Après deux autres saisons derrière le banc à Tampa, il a connu une longue carrière dans les médias.

Si Pearn accepte de marcher sur son orgueil, écouler son contrat avec le Canadien pourrait lui ouvrir d'autres portes. Surtout qu'il a fait figure de victime dans cette affaire.