La philosophie de Pierre Gauthier
Hockey mercredi, 23 juin 2010. 11:22 samedi, 14 déc. 2024. 04:56
Même si Pierre Gauthier a été à l'emploi des Nordiques durant 12 ans, vous ne le verrez probablement jamais avec une fleur de lys à la boutonnière. Il a autant de chances de posséder une carte de membre du parti Québécois que Pierre Boivin en a d'entrer au Vatican.
J'ignore si certaines remarques malicieuses se sont rendues jusqu'à lui, mais on chuchote dans les cercles du hockey qu'il n'est pas l'allié le plus sûr des athlètes francophones. Des joueurs le disent. Des agents le pensent.
On dit de lui qu'il est plus Américain dans l'âme que Québécois. C'est ce qui l'incite peut-être à accorder énormément d'importance à tout ce qui se passe dans les collèges américains. Sa terre promise pour les espoirs au repêchage, c'est surtout là qu'elle se trouve, semble-t-il.
En 1996, alors qu'il venait de s'asseoir dans le fauteuil de directeur général des Sénateurs d'Ottawa, il m'avait expliqué ses vues sur le repêchage amateur et sur la façon de bâtir ses équipes. Jusque-là, les Sénateurs avaient rarement ouvert leurs portes aux joueurs francophones, abandonnant ainsi, par une attitude très fermée sur cette question, une bonne partie de leur clientèle au Canadien, de l'autre côté de la rivière, au Québec.
Dès son arrivée en poste, Gauthier avait fait appel à trois compatriotes pour le seconder: André Savard, André Boudrias et Philippe Myre. On avait interprété cette situation comme un virage francophone destiné à aller chercher un public québécois pour remplir les 8 000 sièges vides de l'amphithéâtre.
Quand je l'avais interrogé sur la question, Gauthier, qui a des idées bien arrêtées sur la façon de mener une organisation et qui n'en déroge pas facilement, n'avait pas saisi la perche que je lui avais tendue. Ce n'était pas du tout l'objectif recherché, m'avait-il raconté. Si Savard, Boudrias et Myre se retrouvaient tous là en même temps, ils le devaient beaucoup plus au hasard qu'à un plan bien défini. Ils avaient plutôt eu la chance d'être tous libres en même temps.
À l'époque où il était recruteur, puis directeur du recrutement chez les Nordiques, Gauthier ne s'était pas distingué par ses choix au repêchage issus du Québec. Et de son propre aveu, il n'en ferait pas plus une priorité à Ottawa.
Faut dire qu'à Québec, avec la possibilité de parler le premier au repêchage et de réclamer des Nolan, des Sundin et des Lindros, la priorité ne pouvait pas se porter sur l'élément francophone, c'est assez évident.
Aujourd'hui, dans le marché majoritairement francophone de Montréal, il serait étonnant qu'il rajuste le tir. Gauthier ne tient pas compte des races et des langues. Il pense hockey d'abord. Il évalue le talent selon ses propres critères. S'il était convaincu que le Canadien pouvait gagner avec 20 Anglos dans la formation, l'équipe deviendrait totalement anglophone. Et la famille Molson, qui ne s'implique pas dans les affaires courantes de l'équipe, aurait sans doute du mal à cacher son embarras.
Même si les anciens directeurs généraux Serge Savard, Réjean Houle et André Savard, l'ex-président Ronald Corey et le président actuel Pierre Boivin nous ont tous juré qu'à talent égal, l'équipe réclamerait le joueur québécois, il faut croire que cela n'ébranlera pas les convictions du nouveau patron de l'équipe.
On a remplacé Bob Gainey par un homme qui n'achète pas à cette théorie. Pierre Gauthier, un pure-laine natif de Montréal, a ses idées et il y tient. Il serait très étonnant qu'il ait révisé ses positions sur cette question. À ses yeux, «à talent égal» est une expression futile.
À Ottawa, il avait eu l'honnêteté de reconnaître qu'à talent égal, il ne choisirait pas nécessairement le joueur francophone.
«D'autres ont déjà dit cela, mais pas moi, m'avait-il raconté. Je n'ai jamais pensé de cette façon parce que le talent égal, ça n'existe pas. Même si deux joueurs se retrouvent nez à nez, il y a toujours une coche de différence dans l'opinion de celui doit trancher. Choisir un joueur plutôt qu'un autre n'est souvent qu'une simple question de feeling de la part du directeur général. Dans son for intérieur, il en aime toujours un plus que l'autre.»
Il sera donc très intéressant d'analyser ses prochaines décisions. Avec une mentalité comme celle-là, Geoff Molson risque d'avaler sa petite Mol de travers et Pierre Boivin de grisonner un peu plus chaque jour.
Par ailleurs, mine de rien, ça pourrait grandement soulager Trevor Timmins de savoir qu'il n'est pas obligé à tout prix de dénicher des patineurs francophones.
Le contrat de Plekanec
Je sais que Tomas Plekanec peut accomplir beaucoup de choses sur une glace, qu'il peut jouer dans les deux sens de la patinoire et qu'il peut apporter sa contribution dans les unités spéciales. Je sais aussi que c'est la loi du marché et que les comparables sont inévitables en matière de négociations de contrat, mais 30 millions pour un marqueur de 70 points, c'est beaucoup beaucoup d'argent.
Plekanec m'a fait sourire quand il a affirmé que l'argent n'a pas été le facteur premier de sa décision. Petite question pour lui. Si on lui avait accordé 500 000 $ de moins par saison pour un contrat de cinq ans, serait-il resté pour le plaisir de jouer à Montréal?
Plekanec n'a pas obtenu une montagne de dollars sur l'unique base de son talent. Il est aujourd'hui un homme riche parce que si le Canadien n'avait pas satisfait ses exigences, un concurrent l'aurait fait. La crainte de perdre un joueur utile force parfois une organisation à prendre une décision qui va bien au-delà de la réalité.
Dans une organisation particulièrement faible au centre, Pierre Gauthier avait-il d'autre choix que de plier? Et pour six ans en plus? Plekanec n'est pas très costaud. Il n'est pas ce type de centre de six pieds et cinq pouces et de 220 livres capable de charrier physiquement une équipe. Conservera-t-il la même efficacité durant toute la durée de ce contrat? Ça personne ne peut le garantir.
C'est un athlète engagé, sérieux, qui prend soin de lui. Souhaitons-lui d'être à la hauteur de cette extraordinaire marque de confiance.
Cela dit, on comprend mieux la transaction de Jaroslav Halak maintenant. Devant un arbitre, Halak aurait certainement obtenu 4 millions $. Par la suite, il y aurait eu moins d'argent pour satisfaire Plekanec. Il y a certainement un lien à établir entre les deux situations.
Plafond salarial oblige.
J'ignore si certaines remarques malicieuses se sont rendues jusqu'à lui, mais on chuchote dans les cercles du hockey qu'il n'est pas l'allié le plus sûr des athlètes francophones. Des joueurs le disent. Des agents le pensent.
On dit de lui qu'il est plus Américain dans l'âme que Québécois. C'est ce qui l'incite peut-être à accorder énormément d'importance à tout ce qui se passe dans les collèges américains. Sa terre promise pour les espoirs au repêchage, c'est surtout là qu'elle se trouve, semble-t-il.
En 1996, alors qu'il venait de s'asseoir dans le fauteuil de directeur général des Sénateurs d'Ottawa, il m'avait expliqué ses vues sur le repêchage amateur et sur la façon de bâtir ses équipes. Jusque-là, les Sénateurs avaient rarement ouvert leurs portes aux joueurs francophones, abandonnant ainsi, par une attitude très fermée sur cette question, une bonne partie de leur clientèle au Canadien, de l'autre côté de la rivière, au Québec.
Dès son arrivée en poste, Gauthier avait fait appel à trois compatriotes pour le seconder: André Savard, André Boudrias et Philippe Myre. On avait interprété cette situation comme un virage francophone destiné à aller chercher un public québécois pour remplir les 8 000 sièges vides de l'amphithéâtre.
Quand je l'avais interrogé sur la question, Gauthier, qui a des idées bien arrêtées sur la façon de mener une organisation et qui n'en déroge pas facilement, n'avait pas saisi la perche que je lui avais tendue. Ce n'était pas du tout l'objectif recherché, m'avait-il raconté. Si Savard, Boudrias et Myre se retrouvaient tous là en même temps, ils le devaient beaucoup plus au hasard qu'à un plan bien défini. Ils avaient plutôt eu la chance d'être tous libres en même temps.
À l'époque où il était recruteur, puis directeur du recrutement chez les Nordiques, Gauthier ne s'était pas distingué par ses choix au repêchage issus du Québec. Et de son propre aveu, il n'en ferait pas plus une priorité à Ottawa.
Faut dire qu'à Québec, avec la possibilité de parler le premier au repêchage et de réclamer des Nolan, des Sundin et des Lindros, la priorité ne pouvait pas se porter sur l'élément francophone, c'est assez évident.
Aujourd'hui, dans le marché majoritairement francophone de Montréal, il serait étonnant qu'il rajuste le tir. Gauthier ne tient pas compte des races et des langues. Il pense hockey d'abord. Il évalue le talent selon ses propres critères. S'il était convaincu que le Canadien pouvait gagner avec 20 Anglos dans la formation, l'équipe deviendrait totalement anglophone. Et la famille Molson, qui ne s'implique pas dans les affaires courantes de l'équipe, aurait sans doute du mal à cacher son embarras.
Même si les anciens directeurs généraux Serge Savard, Réjean Houle et André Savard, l'ex-président Ronald Corey et le président actuel Pierre Boivin nous ont tous juré qu'à talent égal, l'équipe réclamerait le joueur québécois, il faut croire que cela n'ébranlera pas les convictions du nouveau patron de l'équipe.
On a remplacé Bob Gainey par un homme qui n'achète pas à cette théorie. Pierre Gauthier, un pure-laine natif de Montréal, a ses idées et il y tient. Il serait très étonnant qu'il ait révisé ses positions sur cette question. À ses yeux, «à talent égal» est une expression futile.
À Ottawa, il avait eu l'honnêteté de reconnaître qu'à talent égal, il ne choisirait pas nécessairement le joueur francophone.
«D'autres ont déjà dit cela, mais pas moi, m'avait-il raconté. Je n'ai jamais pensé de cette façon parce que le talent égal, ça n'existe pas. Même si deux joueurs se retrouvent nez à nez, il y a toujours une coche de différence dans l'opinion de celui doit trancher. Choisir un joueur plutôt qu'un autre n'est souvent qu'une simple question de feeling de la part du directeur général. Dans son for intérieur, il en aime toujours un plus que l'autre.»
Il sera donc très intéressant d'analyser ses prochaines décisions. Avec une mentalité comme celle-là, Geoff Molson risque d'avaler sa petite Mol de travers et Pierre Boivin de grisonner un peu plus chaque jour.
Par ailleurs, mine de rien, ça pourrait grandement soulager Trevor Timmins de savoir qu'il n'est pas obligé à tout prix de dénicher des patineurs francophones.
Le contrat de Plekanec
Je sais que Tomas Plekanec peut accomplir beaucoup de choses sur une glace, qu'il peut jouer dans les deux sens de la patinoire et qu'il peut apporter sa contribution dans les unités spéciales. Je sais aussi que c'est la loi du marché et que les comparables sont inévitables en matière de négociations de contrat, mais 30 millions pour un marqueur de 70 points, c'est beaucoup beaucoup d'argent.
Plekanec m'a fait sourire quand il a affirmé que l'argent n'a pas été le facteur premier de sa décision. Petite question pour lui. Si on lui avait accordé 500 000 $ de moins par saison pour un contrat de cinq ans, serait-il resté pour le plaisir de jouer à Montréal?
Plekanec n'a pas obtenu une montagne de dollars sur l'unique base de son talent. Il est aujourd'hui un homme riche parce que si le Canadien n'avait pas satisfait ses exigences, un concurrent l'aurait fait. La crainte de perdre un joueur utile force parfois une organisation à prendre une décision qui va bien au-delà de la réalité.
Dans une organisation particulièrement faible au centre, Pierre Gauthier avait-il d'autre choix que de plier? Et pour six ans en plus? Plekanec n'est pas très costaud. Il n'est pas ce type de centre de six pieds et cinq pouces et de 220 livres capable de charrier physiquement une équipe. Conservera-t-il la même efficacité durant toute la durée de ce contrat? Ça personne ne peut le garantir.
C'est un athlète engagé, sérieux, qui prend soin de lui. Souhaitons-lui d'être à la hauteur de cette extraordinaire marque de confiance.
Cela dit, on comprend mieux la transaction de Jaroslav Halak maintenant. Devant un arbitre, Halak aurait certainement obtenu 4 millions $. Par la suite, il y aurait eu moins d'argent pour satisfaire Plekanec. Il y a certainement un lien à établir entre les deux situations.
Plafond salarial oblige.