Essayez donc d'y comprendre quelque chose. Pendant 40 minutes, les Penguins de Pittsburgh ont joué au chat et à la souris avec les joueurs du Canadien. Il leur a semblé si facile de pénétrer dans le territoire du Canadien et d'y rester que c'en était carrément embarrassant.

Pendant ces 40 minutes, c'était assez évident que les champions en titre de la coupe Stanley étaient en train de reprendre le contrôle de la série et de leur destinée contre un adversaire moins bien nanti qui semblait à bout de ressources.

Chiffre des tirs au but après deux périodes: Pittsburgh 25, Montréal 9. Déjà, on feuilletait le livre des records afin de savoir si le Canadien menaçait son propre record de médiocrité, celui du plus petit nombre de tirs dans un match des séries. Grâce à une troisième période époustouflante, qui a permis au Canadien d'avoir le meilleur sur les visiteurs (16-10), le record de 13 tirs, enregistré contre les Bruins de Boston en 2002, est heureusement resté intact.

Comment une formation peut-elle être aussi démunie et aussi débordée pendant les deux tiers du match et se comporter d'une façon aussi spectaculaire durant le troisième tiers? Cela dépasse tout entendement. Quelqu'un semble être venu à sa rescousse en troisième période. Un fantôme s'est peut-être levé durant l'entracte pour faire la différence. Ou encore est-ce simplement la Providence qui a guidé le bâton de Brian Gionta dont le tir, qui ne semblait pas menaçant, a ricoché sur le patin de Kristopher Letang. Le défenseur québécois a malencontreusement fait dévier la rondelle derrière son gardien pour le but qui allait faire toute la différence.

Pendant que les joueurs jubilaient autour de Jaroslav Halak après le match, dans la quatrième rangée derrière le banc des gagnants, l'un de ces grands du passé, peut-être le fantôme en chef, s'est levé et a applaudi jusqu'à ce que le dernier joueur soit disparu sous les gradins. Jean Béliveau, qui a consacré 50 ans de sa vie au Canadien et qui apprécie autant la victoire qu'à l'époque où il en était le respecté capitaine, a dû bien dormir en rentrant à la maison.

Même si la première étoile a été accordée encore une fois à Halak, le joueur qui a rendu cette victoire possible est Maxim Lapierre qui, dans un tourniquet rapide qui lui a permis de surprendre Marc-André Fleury, a nivelé les chances 2-2 dès le départ en troisième période. On avait fini d'écouler une pénalité à Hal Gill depuis sept secondes quand Lapierre a soulevé à la fois la foule et toute l'équipe. Lapierre a été privé d'une mention d'étoile, mais c'était sans doute le cadet de ses soucis.

Moins de deux minutes après son but, le filet chanceux de Gionta, son cinquième, a placé les deux équipes à égalité dans la série. Avec les deux ou trois millions de revenus que le Canadien réalisera grâce à la présentation d'un autre match à domicile lundi prochain, on peut dire que l'investissement misé sur Gionta l'été dernier vaut actuellement son pesant d'or.

De son côté, Lapierre, qui est en train d'effacer une mauvaise saison et d'assurer sa place pour la prochaine saison, a patiné à un train d'enfer durant ce match. Il a frappé, il a dérangé les Penguins et il a inspiré ses coéquipiers par une détermination qu'il n'a pas souvent affichée cette saison. Comment a-t-il pu laisser autant d'énergie au vestiaire au cours des derniers mois? Où a-t-il passé l'hiver?

Le Lapierre rapide et déterminé des présentes séries, devenu un indispensable guerrier dans les circonstances, est justement le type de joueur dont le Canadien a le plus besoin, soir après soir, durant l'interminable calendrier de 82 matchs.

Dans le camp des Penguins, Sidney Crosby, qui avait été limité à trois tirs au cours des trois matchs précédents, en a amassé cinq cette fois, mais il n'a quand même pas été un facteur pour une quatrième partie de suite. Il faut donner du crédit à celui qui a élaboré le plan qui permet au Canadien de garder Crosby à distance dans cette série. Fait assez étonnant, Crosby n'a pas marqué à ses huit dernières visites au Centre Bell.

Cette précieuse victoire a fait ressortir encore une fois le caractère du Canadien. Chaque fois qu'on a cru l'équipe dans le pétrin ou sur le bord de s'écrouler dans ces séries, elle a trouvé une façon de se relever et d'assurer sa survie.

Jacques Martin n'a pas voulu dévoiler ce qui s'était passé dans le vestiaire entre les deuxième et troisième périodes. Il a préféré expliquer que les joueurs avaient reconnu que leur performance n'était pas suffisante (à qui le dites-vous?). Ils ont aussi compris l'aspect critique de leur situation. On ne peut pas remonter la pente contre un adversaire aussi
redoutable avec une dizaine de tirs dans un match.

Une décision hasardeuse

S'il y a eu un élément dérangeant durant cette soirée, c'est la présence d'un arbitre québécois dans un match de cette importance. Éric Furlatt, de Trois-Rivières, a été placé dans une position difficile en recevant cette assignation.

Les officiels du Québec ont souvent agi avec plus de sévérité à l'endroit du Canadien, ne serait-ce que pour faire la démonstration de leur honnêteté. Qui a oublié la présence controversée de Denis Morel qui a déjà été impliqué dans un affrontement controversé Canadiens-Nordiques en séries, au plus fort de la rivalité entre les deux équipes? Le simple fait que Morel jouissait d'un emploi d'été chez Molson avait soulevé l'indignation dans la Vieille capitale.

Hier soir, Andrei Kostitsyn a failli se faire arracher la tête par Mark Eaton sous les yeux de Furlatt qui n'a pas bronché. Plus tôt, Ruslan Fedotenko s'était laissé glisser dans les jambes de P.K. Subban et l'avait ensuite empêché de se relever prestement, ce qui avait permis à Maxime Talbot de s'échapper et de marquer le premier but des siens. Furlatt avait préféré ignorer la manoeuvre fort discutable de Fedotenko.

Je ne serais pas surpris que Pierre Gauthier donne un coup de fil au bureau de la ligue ce matin pour rappeler au responsable des officiels le risque que représentait la présence d'un arbitre du Québec dans un match qui aurait pu être le dernier de la saison au Centre Bell.

En vrac...

Quand le Canadien a repêché Sergei Kostitsyn en septième ronde il y a quatre ans, on s'était dit chanceux d'avoir pu obtenir un tel talent aussi tard durant cet encan amateur. Il possédait de bonnes mains. Il jouissait d'une bonne anticipation du jeu et d'un bon coup de patin, disait-on.

On ne pouvait sans doute pas savoir qu'il n'avait pas une tête pour compléter tout ça. Voilà un jeune écervelé qui est en train de passer à côté d'une belle carrière. Il ne faut pas être doté d'un très bon jugement pour se fouter ainsi de déranger des coéquipiers en mission en faisant passer sa très petite personne avant toute chose.

J'ignore si Serge K. aura encore une certaine valeur sur le marché après les séries, mais il faut souhaiter que Pierre Gauthier obtienne au moins le septième choix au repêchage que l'organisation a dépensé pour l'obtenir.

Et on ne sait jamais, avec un peu de chance, peut-être que quelqu'un quelque part voudra aussi de son frère. Tant qu'à faire le ménage...