La vie fait bien les choses, même si elle semble souvent très difficile à comprendre. Elle nous offre parfois de ces coïncidences qui semblent trop fortes pour n'être que cela, finalement, des coïncidences. À la fin de ces journées particulières, il est difficile de dire ce que l'on ressent. Les émotions se bousculent, on ressent un mélange de fatigue, de mélancolie, d'incompréhension auxquelles se mêlent humilité, compassion, sérénité. On se sent presque seul au monde et pourtant si près des gens. La journée du jeudi 6 décembre 2012 allait finalement offrir ce genre de confrontation incessante où votre cœur se promène sans prévenir, d'une émotion à une autre.

Dès la levée du jour et jusqu'à sa fin, je fus de ceux qui suivirent le déroulement des négociations dans la Ligue nationale de hockey, de minute en minute. Comment ne pas être constamment aux aguets, depuis septembre, quand une grande partie de votre vie est ainsi bouleversée par des facteurs extérieurs, que vous ne contrôlez d'aucune façon? Comment ne pas succomber facilement à l'inquiétude ou à l'espoir quand tout ce que vous souhaitez, c'est de continuer à exercer le métier qui vous passionne?

Comme plusieurs d'entre vous, j'avais beaucoup de difficulté à accepter le triste dénouement de jeudi. J'avais encore plus de difficulté à le comprendre, à l'expliquer, à tenter de le placer dans une juste perspective. Comment diable une poignée d'hommes intelligents et compétents peuvent-ils s'adonner à un tel manège, publiquement? On semblait si près du but, 24 heures plus tôt, alors que la bonne volonté semblait enfin prendre le dessus chez les deux clans. Non mais, vous avez vu la mine déconfite des joueurs? Vous avez vu la rougeur du visage d'un Gary Bettman à peine capable de se contenir? Même le jeu des négociations ne semble plus être une explication valable pour personne, ni les joueurs, ni les propriétaires, ni les amateurs, surtout.


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Avant même la levée du jour et jusqu'au lendemain de cette journée de jeudi, il y eut aussi en parallèle une suite de petits évènements en apparence banale, mais qui sont venus ajouter, doucement et à petite dose, une tout autre perspective à la situation préoccupante qui existe au hockey.

Le premier en séquence fut la Guignolée des médias, une merveilleuse opération commune de collecte de fonds et de denrées qui puise sa force dans l'union de tous les réseaux de télévision, de radio et des grands quotidiens. En oubliant, l'espace d'une journée, l'environnement concurrentiel dans lequel nous travaillons, cette mise en commun des ressources résulte généralement en une contribution majeure pour tous les organismes supportés.

Lorsqu'on participe à la collecte, on est toujours un peu bouleversé par la générosité des gens qui s'arrêtent au coin de la rue pour apporter leur contribution. Des gens modestes, au volant de voitures tout aussi modestes, offrent généreusement des billets de 5, 10 ou même 20 dollars, avec sourire et gentillesse. Des chauffeurs d'autobus et des routiers immobilisent leurs gros véhicules pour eux aussi faire leur part, même s'ils sont en plein travail. Plusieurs de ces personnes vont même jusqu'à nous remercier d'être là pour recueillir leur don alors que c'est tout le contraire qui s'impose. Même après plusieurs participations, on ressent toujours beaucoup d'émotions et d'humilité, là sur le terrain, devant une telle démonstration de solidarité entre gens « ordinaires ». On se retrouve bien loin des enjeux d'une négociation entre millionnaires…

Il y eut aussi plus tard un lunch avec deux de mes plus vieux amis, une rencontre que nous essayons de répéter au moins deux ou trois fois par année. Bien sûr qu'il fut question de hockey, Robert et Ted en sont de grands amateurs. On jetait de temps à autre un œil sur mon portable pour voir s'il y avait des développements dans les négociations. Mais on revenait toujours à l'essentiel, nos vies, nos familles, nos joies, nos peines, nos angoisses, nos projets, tout ça sans maquillage, sans effort, sans agenda...

En soirée, Sylvie et moi sommes allés réconforter de bons amis dans le deuil, qui ne cessaient de nous dire à quel point le fait d'être aussi bien entourés apporte un grand réconfort en pareille circonstance…

Puis, vendredi matin, alors que les retombées de l'échec des négociations de la veille n'en finissaient plus, une très bonne amie (et voisine) immobilise son véhicule devant la maison, alors que je m'apprêtais à quitter. Portant encore ce ruban sur sa tête et malgré les dures retombées d'un autre traitement de chimiothérapie, elle avait une bonne nouvelle, la tumeur cancéreuse qui l'afflige n'a plus que la taille d'un petit pois…

Ce fut la dernière secousse d'une période de 24 heures au cours de laquelle il y eut un très grand « clash » des valeurs dans la vie de votre humble chroniqueur. Et quand tout cela est passé, on se sent privilégié d'en être ressorti du bon côté.