La Ligue de hockey de la Côte Est (ECHL) ne fait pas souvent les manchettes au Québec. Malgré son affiliation au Club de hockey canadien, le Beast de Brampton est rarement mentionné dans les médias sportifs. La ligue a un temple de la renommée, mais son seul membre connu du grand public est Olaf Kölzig. On y trouve aussi deux Québécois. Il s’agit d’Allan Sirois et de Daniel Berthiaume.

En fait, l’ECHL est souvent vu comme le cul-de-sac du hockey professionnel. Il s’agit pourtant d’un tremplin pour les joueurs non repêchés. Alexandre Burrows y a joué 134 matchs avant de se retrouver sur le même trio que les frères Sedin. La ligue est aussi un marché aux aubaines pour les clubs européens. Yann Sauvé en est un bon exemple. Après une saison avec les Monarch de Manchester, le défenseur de 26 ans a été catapulté à Zagreb dans la KHL.

« Mes agents ont travaillé fort pour me trouver un contrat dans la KHL. J’ai signé un contrat d’essai avec le Medvescak. Lorsque je suis arrivé à Zagreb, c’était stressant. Ce n’est pas facile de faire le saut de l’ECHL à la KHL. Je suis toutefois arrivé au camp d’entraînement en pleine forme et j’ai réussi à me faire une place au sein de l’équipe. »

Yann SauvéNé à Rigaud, Yann Sauvé a passé toute sa carrière junior avec les Sea Dogs de Saint John de l’automne 2006 au printemps 2010. Le colosse de 6 pieds 3 pouces a été repêché par les Canucks de Vancouver au deuxième tour en 2008, mais il n’a joué que huit joutes dans la LNH. Après six saisons dans la Ligue américaine, il n’était plus dans les plans des équipes du circuit Bettman. Gordie Dwyer, toujours entraîneur du Medvescak à l’époque, a décidé de lui donner une chance.

« Yann est costaud et il a un bon coup de patin. On connaissait son entraîneur dans l’ECHL. Nous avions aussi eu des bons mots des éclaireurs de la LNH. Nous avons donc décidé de l’inviter au camp et il a réussi à bien s’adapter au style de la ligue. »

Yann a bien commencé la saison avec le Medvescak. Dwyer lui a même donné jusqu’à 20 minutes de jeu à quelques occasions. Il s’est toutefois blessé à l’épaule à Novokouznetsk le 11 septembre dernier.

Après un mois d’absence, le Québécois est revenu au jeu lors du match du 8 octobre contre le Severstal de Tcheropovets à Zagreb. Yann a la confiance de son entraîneur. Il est de la formation partante à tous les matchs jusqu’en décembre. Le défenseur fait toutefois une découverte inquiétante durant un voyage en Russie.

« J’ai constaté que j’avais une bosse étrange sur un testicule. J’en ai parlé au médecin de l’équipe et il m’a dit que je devais absolument passer un examen à Zagreb. Lorsqu’on est arrivé en Croatie, j’ai eu un test de dépistage aux ultrasons. Les doutes du docteur de l’équipe se sont confirmés. J’avais deux tumeurs. »

La nouvelle a créé un électrochoc au sein de l’équipe, particulièrement chez les Québécois. Au sein de Medvescak, on trouve quatre autres joueurs du Québec. En plus de Yann, Alexandre Giroux, Alexandre Bolduc, Samson Mahbod et Francis Paré y forment une petite colonie de francophones en exil. Paré en est à sa troisième saison dans la KHL. Il avoue avoir été bouleversé.

« Au hockey, les blessures font partie de notre quotidien. Apprendre qu’un de tes coéquipiers est atteint du cancer, c’est une autre paire de manches. On ne s’attend pas à ce type de nouvelles. À l’étranger, on tisse rapidement des liens étroits avec nos compatriotes. Pour nous, les gars du Québec, ça a été un choc. »

En Croatie, le médecin ne voit pas d’autres options que l’ablation du testicule atteint par la maladie. L’opération a donc eu lieu à Zagreb. En attendant son passage sous le bistouri, Yann demeure dans l’entourage de l’équipe. Il jouit du support de ses coéquipiers.

« Francis me demandait des nouvelles tous les jours. C’était la même chose avec Giroux et Bolduc. J’étais aussi très proche de Samson. Nous avons été colocataires pendant plus d’un mois. Les gars prenaient des nouvelles et c’était réconfortant. »

Malgré la gravité de sa maladie, Yann garde le moral. Il assiste aux matchs et il participe à quelques entraînements. Francis Paré avoue avoir été impressionné par la force de caractère de son coéquipier.

« Yann a toujours le sourire aux lèvres. La veille de son opération, Yann, Giroux et moi sommes allés souper au restaurant avec nos épouses. Il était certes nerveux, mais il a continué à faire des blagues. J’ai vraiment aimé la manière dont il a gardé le moral malgré sa maladie. »

Après la chirurgie, le médecin informe Sauvé que sa saison est terminée. Les dangers de blessures sont trop grands pour retourner sur la glace. La direction lui donne la permission de retourner à Montréal auprès de sa famille. Le Québécois a beaucoup apprécié la compréhension du club.

« Le club a payé l’opération et le directeur général, Aaron Fox, m’a mis sur la liste des blessés. Je reçois donc mon salaire même si je suis à la maison. Aaron m’a aussi dit qu’il était satisfait de ma saison et qu’il a apprécié mon attitude au sein de l’équipe. J’ai donc quitté le club en bon terme. »

Sauvé est fier de son passage dans la KHL. Il aurait préféré terminer la saison d’une autre manière, mais il demeure convaincu d’avoir pris la bonne décision. À l’heure actuelle, il se prépare pour sa prochaine campagne. Les tumeurs parties, il peut revenir au jeu sans risque pour sa santé. Il ne sait pas où il jouera l’an prochain, mais il demeure ouvert à un retour à Zagreb.

« Lorsqu’on a la chance de jouer dans la KHL, on ne peut pas passer à côté. On ne sait pas encore si Medvescak sera encore dans la ligue l’année prochaine. Voilà pourquoi Aaron Fox n’a pris aucun engagement envers moi pour la prochaine saison. À l’été, je vais voir les offres sur la table. Si le Medvescak me fait signe, je suis très ouvert à retourner défendre leurs couleurs. »

Seulement qu’un « au revoir » pour Dwyer?

Cette semaine, le Medvescak a poursuivi sa vente de feu. Les joueurs quittent le club à un rythme effréné. Alexandre Bolduc est parti à Cologne. Le défenseur suisse croate Goran Bezina a rejoint Francis Paré à Genève. C’est toutefois le départ de l’entraîneur-chef, Gordie Dwyer, qui a enflammé la presse sportive russe. Les isolationnistes annoncent déjà le départ du club pour l’EBEL pour une centième fois en quatre ans. Le principal intéressé tient à calmer le jeu.

« Le club cherche seulement à être responsable financièrement. Ils ne veulent pas répéter les erreurs du passé. J’ai une excellente relation avec Aaron Fox et il m’a assuré que leur but premier c’est de demeurer dans la KHL. S’ils sont ouverts à retourner dans l’EBEL, mais seulement en cas de force majeure. Aucune décision n’est encore prise. Les discussions avec la KHL se poursuivent. »

Gordie DwyerDwyer a dirigé son dernier match à la barre du Medvescak contre le Dinamo de Moscou à Zagreb mercredi dernier. Le Nouveau-Brunswickois ne retourne toutefois pas chez lui. Il transfère en Suisse. À sept joutes de la fin de sa saison, le Hc Ambrì Piotta a congédié Hans Kossmann, l’entraîneur-chef de l’équipe. Ambri Piotta croupit en ce moment dans les bas-fonds du classement de LNA. L’équipe a embauché Dwyer dans le but de sauver les meubles.

« Mon but, jusqu’à nouvel ordre, c’est de terminer la saison avec l’équipe. Ils veulent éviter la relégation. C’est un défi que j’ai l’intention de relever en créant un fort collectif au sein de l’équipe. C’est toujours la manière dont j’ai approché chacun mes mandats à titre d’entraîneur. Au sein du Medvescak, j’ai appris et cette expérience va m’aider dans ce nouveau défi. »

À Zagreb, Dwyer a appris à travailler avec les moyens du bord. Le continuel roulement de personnel ne l’a pas empêché de garder l’équipe à quelques points des séries éliminatoires durant ses deux dernières saisons dans la KHL. Après une saison sous sa direction, Francis Paré confirme que Dwyer est un bon choix pour Ambri Piotta.

« Gordie est en processus d’apprentissage accéléré. Il est passé de la LHJMQ à la KHL en un été et il s’est très bien débrouillé dans les circonstances. C’est un très bon motivateur. Du premier match préparatoire au dernier de la saison, il a préparé les joueurs de la même manière. Il sait insuffler le goût de vaincre. Il ne fait pas de concession sur l’étique de travail et il réclame de ses joueurs d’être responsable défensivement. Cela étant dit, lorsqu’on touche à la rondelle, il nous laisse être créatif. Grâce à lui, j’ai connu ma meilleure saison régulière dans la KHL. Je suis vraiment très heureux d’avoir eu la chance de jouer pour lui. »

Yann Sauvé a lui aussi aimé jouer sous les ordres du Nouveau-Brunswickois.

« J’ai adoré cet entraîneur. Gordie a toujours été franc et honnête avec moi. Lorsqu’il me donnait moins de temps de glace, il m’expliquait les raisons derrière sa décision. Moi, je n’ai aucune inquiétude pour Ambri Piotta. L’équipe est réellement entre bonnes mains avec lui. »

Dwyer n’a pas seulement charmé ses joueurs. À Zagreb, il a été une des figures les plus populaires du club. Mercredi, malgré une défaite de 6 à 3 contre le Dinamo de Moscou, le public a chanté son nom. On lui a même lancé des fleurs sur la glace.

Il n’y a pas de doute que Gordie Dwyer sera le bienvenu à Zagreb si le club se maintient dans la KHL. Le principal intéressé ne ferme pas la porte.

« Jusqu’à nouvel ordre, je tiens à me concentrer sur mon nouvel emploi à Ambri Piotta. Je suis toutefois parti de Zagreb en bon terme avec l’organisation. Si le Medvescak se maintient dans la Ligue continentale, ça fera partie des options à étudier. »