Le malheur de McCrimmon... la bonne étoile de Jodoin
Hockey mercredi, 28 sept. 2011. 12:10 samedi, 14 déc. 2024. 01:38
Brad McCrimmon, qui a perdu la vie dans l'écrasement d'un avion transportant l'équipe entière du Lokomotiv de Yaroslavl, dont il s'apprêtait à diriger le premier match, est mort dans la poursuite d'un rêve qui allait le conduire un jour, croyait-il, derrière le banc d'une formation de la Ligue nationale.
Avant d'aller à la rencontre de son destin tragique, il avait frappé vainement à quelques portes après une carrière d'adjoint de 12 ans avec les Islanders, les Flames, les Thrashers et les Red Wings. La Russie représentait la route de l'espoir pour lui.
Dès que la nouvelle de la tragédie a été connue, l'épouse de Clément Jodoin a été envahie par de sombres pensées. « Brad McCrimmon, ç'aurait pu être toi », lui a-t-elle dit, nerveusement.
Jodoin, dont le parcours dans le hockey a été jonché de hauts et de bas, semble être né sous une bonne étoile après tout. Il allait signer un contrat d'un an avec une organisation de la Lettonie quand l'appel de Pierre Gauthier est arrivé. Le patron du Canadien l'avait choisi pour développer les espoirs de l'organisation, à Hamilton. N'eut été de cet appel providentiel, il aurait débarqué en Lettonie deux jours plus tard pour y parapher son entente.
C'est un peu comme s'il s'était retrouvé au pied de l'escalier d'un avion qui allait le mener en Russie et qu'on l'avait agrippé par le bras pour l'empêcher d'aller jouer à la roulette russe avec sa vie, une expérience dont 37 joueurs du Lokomotiv ne sont pas sortis vivants.
« Quand tu es bon avec la vie, elle te le rend bien », lance-t-il dans un éclat de rire.
Madame Jodoin en a eu pour deux jours à ressasser toutes sortes d'émotion à la suite de l'écrasement d'un Yak-42, un appareil vétuste comme il en circule tant à l'intérieur d'un pays dont la négligence en matière d'entretien des appareils est bien connue.
Jodoin parcourait l'Europe quand le patron du Canadien l'a intercepté par téléphone. Il avait déjà donné son accord pour travailler en Lettonie, mais il n'avait encore rien signé. S'il avait eu un contrat en poche, il aurait été dans l'obligation de décliner la proposition du Canadien « parce qu'on m'a toujours enseigné l'importance de respecter mes engagements », précise-t-il.
Il aurait ainsi perdu une occasion en or de revenir dans le giron du Canadien au sein duquel il a déjà servi durant cinq saisons à titre d'adjoint à Alain Vigneault, Michel Therrien et Claude Julien. Rien ne dit que le poste aurait été encore disponible à Hamilton dans un an.
« Dans la vie, tu ne peux pas tout avoir », dit-il, simplement.
L'an dernier, les Jodoin avaient visité la Lettonie dans le cadre d'un stage impliquant 40 entraîneurs. Depuis 10 ans, l'insatiable entraîneur parcourt différents pays dans le but d'ajouter d'autres éléments à son bagage déjà bien garni de connaissances. Il se souvient que sa femme avait eu peur durant ce séjour. Elle avait ressenti un petit quelque chose d'étrange dans ce petit pays dont l'influence de l'ancien régime russe est toujours perceptible.
Il n'était jamais venu à l'esprit de Jodoin qu'il courait un certain risque en volant à l'intérieur de la Russie. « Je ne pense pas à ces choses-là du haut des airs. Je pense au métier, au défi qui m'attend, à l'adversité que je pourrais rencontrer et à ma façon d'y faire face. Dans la vie, si tu as peur de tout, tu n'avances pas. Je ne suis pas naïf pour autant. J'aurais pu également me faire tuer sur la route, entre Halifax et Montréal. »
Jodoin, qui mange et dort de hockey, avait été impressionné de ce qu'il avait vu là-bas. Ce pays d'un peu plus de deux millions d'habitants, situé sur la rive orientale de la mer Baltique, évolue dans le groupe A lors des championnats mondiaux de hockey en dépit du fait qu'il produit relativement peu de joueurs de hockey.
Cette fois encore, sa femme avait accepté de l'accompagner, comme elle l'avait toujours fait durant les nombreuses périodes estivales qu'il avait passées en Europe. Indépendante et autonome, elle aime bien se mouler aux différentes cultures et modes de vie. Les Jodoin ont des filles de 27 et 25 ans qui vivent à Montréal. L'aînée est ingénieure en mécanique et la cadette détient une maîtrise en administration de la santé. Leur autonomie permet à leurs parents de visiter le monde en toute liberté.
« Le fait que ma femme m'accompagne partout me permet de joindre l'utile à l'agréable, explique-t-il. Que ce soit en Finlande, en Suède, en Allemagne ou ailleurs, je suis constamment à la recherche de nouveaux trucs pour renforcer mon degré de compétence. Je discute avec des entraîneurs; j'essaie de découvrir ce qu'ils font. Je reviens avec des informations qui me permettent d'être un meilleur entraîneur. Quand je serai à la retraite, je passerai mes étés à jouer au golf. Pour l'instant, je vis et nourris ma passion. »
Une décision qui nécessitait un certain cran
En janvier dernier, Jodoin a avisé la direction de l'Océanic de Rimouski qu'il allait quitter son poste à la fin de la saison. Il voulait tenter autre chose. Pour ce faire, il devait quitter le hockey junior et s'exiler si c'était nécessaire. Pour reprendre son expression, il avait besoin «d'un choc de job». De Rimouski à la Lettonie, il en aurait eu tout un.
Sa carrière est remplie d'heureux sacrifices. Il vit toutes ses expériences européennes à ses frais. Aucune des équipes juniors ou professionnelles auxquelles il a été associé ne lui a déjà offert de défrayer une partie de ses dépenses, même si tout ce qu'il en retire les sert bien par la suite. Il est d'accord avec cette façon de faire puisqu'il préfère ne rien devoir à personne.
Souvent, quand ses équipes étaient éliminées, il achetait son billet pour assister aux championnats mondiaux de hockey. Il visionnait les entraînements. Il établissait des contacts personnels. Une année, il est même allé voir les Russes s'entraîner hors glace en Croatie. Cet été, il a dirigé des jeunes en Turquie. Pour lui, il s'agit toujours d'expériences uniques.
Au Québec, il habite la région de Magog depuis huit ans, dans un coin de paradis, précise-t-il. Il n'en profite pas l'hiver et se balade en Europe l'été. Pourtant, rien ne serait plus facile pour sa femme et lui d'y vivre durant les plus beaux mois de la saison estivale et d'en jouir au maximum.
« Durant ma carrière, je me suis promené avec mon baluchon plus souvent qu'à mon tour, admet-il. J'ai possédé sept maisons. Je ne suis pas amer de ça. J'ai toujours été prêt à vivre avec les avantages et les inconvénients du métier. J'étais toujours prêt à recommencer quelque part. Je suis en santé, j'ai mes deux bras et mes deux jambes. Je peux donc continuer à me donner dans le hockey. Bref, je profite pleinement du temps qui passe. »
Il y avait des dizaines d'entraîneurs à la recherche d'un job au cours de l'été. Après avoir quitté Rimouski, Jodoin n'a pas tâté le terrain du côté du Canadien qui l'a remercié il y a près de 10 ans. Pourquoi Gauthier l'a-t-il choisi, lui?
Le principal intéressé l'ignore. Il n'a posé aucune question. Bien sûr, l'embauche d'un Québécois après l'arrivée de Randy Cunneyworth et Randy Ladouceur, qui sont venus compléter un trio d'adjoints anglophones à Montréal, était souhaitable, mais il est fort possible aussi que le directeur général du Canadien se soit attardé sur sa longue feuille de route, tant l'hiver que l'été.
Il existe finalement une justice pour cet homme qui en a toujours fait plus qu'on lui en a demandé. On a peut-être compris qu'il avait déjà pleinement donné.
Avant d'aller à la rencontre de son destin tragique, il avait frappé vainement à quelques portes après une carrière d'adjoint de 12 ans avec les Islanders, les Flames, les Thrashers et les Red Wings. La Russie représentait la route de l'espoir pour lui.
Dès que la nouvelle de la tragédie a été connue, l'épouse de Clément Jodoin a été envahie par de sombres pensées. « Brad McCrimmon, ç'aurait pu être toi », lui a-t-elle dit, nerveusement.
Jodoin, dont le parcours dans le hockey a été jonché de hauts et de bas, semble être né sous une bonne étoile après tout. Il allait signer un contrat d'un an avec une organisation de la Lettonie quand l'appel de Pierre Gauthier est arrivé. Le patron du Canadien l'avait choisi pour développer les espoirs de l'organisation, à Hamilton. N'eut été de cet appel providentiel, il aurait débarqué en Lettonie deux jours plus tard pour y parapher son entente.
C'est un peu comme s'il s'était retrouvé au pied de l'escalier d'un avion qui allait le mener en Russie et qu'on l'avait agrippé par le bras pour l'empêcher d'aller jouer à la roulette russe avec sa vie, une expérience dont 37 joueurs du Lokomotiv ne sont pas sortis vivants.
« Quand tu es bon avec la vie, elle te le rend bien », lance-t-il dans un éclat de rire.
Madame Jodoin en a eu pour deux jours à ressasser toutes sortes d'émotion à la suite de l'écrasement d'un Yak-42, un appareil vétuste comme il en circule tant à l'intérieur d'un pays dont la négligence en matière d'entretien des appareils est bien connue.
Jodoin parcourait l'Europe quand le patron du Canadien l'a intercepté par téléphone. Il avait déjà donné son accord pour travailler en Lettonie, mais il n'avait encore rien signé. S'il avait eu un contrat en poche, il aurait été dans l'obligation de décliner la proposition du Canadien « parce qu'on m'a toujours enseigné l'importance de respecter mes engagements », précise-t-il.
Il aurait ainsi perdu une occasion en or de revenir dans le giron du Canadien au sein duquel il a déjà servi durant cinq saisons à titre d'adjoint à Alain Vigneault, Michel Therrien et Claude Julien. Rien ne dit que le poste aurait été encore disponible à Hamilton dans un an.
« Dans la vie, tu ne peux pas tout avoir », dit-il, simplement.
L'an dernier, les Jodoin avaient visité la Lettonie dans le cadre d'un stage impliquant 40 entraîneurs. Depuis 10 ans, l'insatiable entraîneur parcourt différents pays dans le but d'ajouter d'autres éléments à son bagage déjà bien garni de connaissances. Il se souvient que sa femme avait eu peur durant ce séjour. Elle avait ressenti un petit quelque chose d'étrange dans ce petit pays dont l'influence de l'ancien régime russe est toujours perceptible.
Il n'était jamais venu à l'esprit de Jodoin qu'il courait un certain risque en volant à l'intérieur de la Russie. « Je ne pense pas à ces choses-là du haut des airs. Je pense au métier, au défi qui m'attend, à l'adversité que je pourrais rencontrer et à ma façon d'y faire face. Dans la vie, si tu as peur de tout, tu n'avances pas. Je ne suis pas naïf pour autant. J'aurais pu également me faire tuer sur la route, entre Halifax et Montréal. »
Jodoin, qui mange et dort de hockey, avait été impressionné de ce qu'il avait vu là-bas. Ce pays d'un peu plus de deux millions d'habitants, situé sur la rive orientale de la mer Baltique, évolue dans le groupe A lors des championnats mondiaux de hockey en dépit du fait qu'il produit relativement peu de joueurs de hockey.
Cette fois encore, sa femme avait accepté de l'accompagner, comme elle l'avait toujours fait durant les nombreuses périodes estivales qu'il avait passées en Europe. Indépendante et autonome, elle aime bien se mouler aux différentes cultures et modes de vie. Les Jodoin ont des filles de 27 et 25 ans qui vivent à Montréal. L'aînée est ingénieure en mécanique et la cadette détient une maîtrise en administration de la santé. Leur autonomie permet à leurs parents de visiter le monde en toute liberté.
« Le fait que ma femme m'accompagne partout me permet de joindre l'utile à l'agréable, explique-t-il. Que ce soit en Finlande, en Suède, en Allemagne ou ailleurs, je suis constamment à la recherche de nouveaux trucs pour renforcer mon degré de compétence. Je discute avec des entraîneurs; j'essaie de découvrir ce qu'ils font. Je reviens avec des informations qui me permettent d'être un meilleur entraîneur. Quand je serai à la retraite, je passerai mes étés à jouer au golf. Pour l'instant, je vis et nourris ma passion. »
Une décision qui nécessitait un certain cran
En janvier dernier, Jodoin a avisé la direction de l'Océanic de Rimouski qu'il allait quitter son poste à la fin de la saison. Il voulait tenter autre chose. Pour ce faire, il devait quitter le hockey junior et s'exiler si c'était nécessaire. Pour reprendre son expression, il avait besoin «d'un choc de job». De Rimouski à la Lettonie, il en aurait eu tout un.
Sa carrière est remplie d'heureux sacrifices. Il vit toutes ses expériences européennes à ses frais. Aucune des équipes juniors ou professionnelles auxquelles il a été associé ne lui a déjà offert de défrayer une partie de ses dépenses, même si tout ce qu'il en retire les sert bien par la suite. Il est d'accord avec cette façon de faire puisqu'il préfère ne rien devoir à personne.
Souvent, quand ses équipes étaient éliminées, il achetait son billet pour assister aux championnats mondiaux de hockey. Il visionnait les entraînements. Il établissait des contacts personnels. Une année, il est même allé voir les Russes s'entraîner hors glace en Croatie. Cet été, il a dirigé des jeunes en Turquie. Pour lui, il s'agit toujours d'expériences uniques.
Au Québec, il habite la région de Magog depuis huit ans, dans un coin de paradis, précise-t-il. Il n'en profite pas l'hiver et se balade en Europe l'été. Pourtant, rien ne serait plus facile pour sa femme et lui d'y vivre durant les plus beaux mois de la saison estivale et d'en jouir au maximum.
« Durant ma carrière, je me suis promené avec mon baluchon plus souvent qu'à mon tour, admet-il. J'ai possédé sept maisons. Je ne suis pas amer de ça. J'ai toujours été prêt à vivre avec les avantages et les inconvénients du métier. J'étais toujours prêt à recommencer quelque part. Je suis en santé, j'ai mes deux bras et mes deux jambes. Je peux donc continuer à me donner dans le hockey. Bref, je profite pleinement du temps qui passe. »
Il y avait des dizaines d'entraîneurs à la recherche d'un job au cours de l'été. Après avoir quitté Rimouski, Jodoin n'a pas tâté le terrain du côté du Canadien qui l'a remercié il y a près de 10 ans. Pourquoi Gauthier l'a-t-il choisi, lui?
Le principal intéressé l'ignore. Il n'a posé aucune question. Bien sûr, l'embauche d'un Québécois après l'arrivée de Randy Cunneyworth et Randy Ladouceur, qui sont venus compléter un trio d'adjoints anglophones à Montréal, était souhaitable, mais il est fort possible aussi que le directeur général du Canadien se soit attardé sur sa longue feuille de route, tant l'hiver que l'été.
Il existe finalement une justice pour cet homme qui en a toujours fait plus qu'on lui en a demandé. On a peut-être compris qu'il avait déjà pleinement donné.