Il y a dix ans, plus précisément le 27 mai de l'an 2000, Maurice Richard, le célèbre "Rocket", nous quittait pour un monde supposément meilleur, après avoir perdu son dur combat contre le cancer.

Pourtant, Maurice n'en perdait pas beaucoup. Il avait 78 ans. Pendant trois jours, des milliers d'admirateurs ont défilé devant son cerceuil exposé en chapelle ardente au Centre Bell, tout comme les partisans du Tricolore l'avaient fait en 1937 au vieux Forum, à l'égard d'Howie Morenz, l'idole de l'époque, décédé de complications survenues à la suite d'une fracture à une jambe.

Ce qui m'avait le plus surpris lors de ces trois jours de deuil, c'était de voir le nombre de jeunes qui tenaient à voir Maurice de près et lui rendre un dernier hommage. Comment expliquer un tel phénomène. Maurice avait pourtant accroché ses patins depuis 40 ans (1960) et une multitude de jeunes ne l'avaient jamais vu jouer. Certes, ils en avaient entendu parler. Aucun doute là-dessus. Encore aujourd'hui, plusieurs se promènent avec le chandail no 9 sur le dos. Le "Rocket" ne sera jamais oublié.

Quelques mois avant sa mort, Richard avait déclaré avoir vécu ses plus beaux moments, depuis sa retraite comme joueur, lors des cérémonies marquant la fermeture du Forum et l'inauguration du Centre Molson en 1996. "L'ovation qu'on m'avait accordée m'avait fait chaud au coeur, au point où j'en avais versé des larmes. Je n'avais jamais été l'objet d'une telle marque d'estime et de reconnaissance de la part des supporters du club. Même pas quand je jouais. J'en étais gêné. Mal à l'aise. Je ne savais pas comment réagir. Ca m'a parue durer une heure. Pourtant, l'ovation avait été chronométrée à six minutes et 53 secondes. En somme, je pense que les jeunes ont beaucoup entendu parler de mes exploits. L'émeute de 1955 a fait le tour du monde. Chaque fois que l'un de mes records était battu, mon nom refaisait surface. C'est très touchant de constater qu'on me court encore après pour solliciter des authographes et que je ne suis pas tombé dans l'oubli après tant d'années" d'expliquer Maurice.

Satisfaction du devoir accompli

Maurice avait la satisfaction du devoir accompli et répétait souvent ne rien regretter, en voyant approcher sa fin prochaine: "Si j'avais la chance de recommencer, je serais le plus heureux des hommes sur terre et je ne voudrais pas vivre une seule seconde différemment. Ce qui est passé est passé et je n'ai aucune excuse à offrir. Il y a eu des bons et des mauvais jours, mais je n'ai pas souvenance d'une seule journée, bonne ou mauvaise, où je n'ai pas fait mon possible. J'ai toujours donné 100% pour mon équipe. Alors, comment pourrais-je regretter, mème les mauvais jours".

Tout le monde sait que Maurice n'était pas un joueur surdoué. Il n'avait pas l'élégance d'un Jean Béliveau ou d'un Mario Lemieux, la ruse ou l'habilité d'un Gordie Howe, ou la vitesse d'un Guy Lafleur ou encore de son jeune frère, Henri. Mais personne n'avait autant de fougue, de coeur, de détermination, de désir de vaincre et rares sont ceux qui ont marqué des buts comme seul il pouvait le faire. Il était reconnu comme le meilleur quand le jeu en valait la chandelle, l'homme des grandes occasions. Il a à maintes reprises décider d'un match à lui seul. Le joueur le plus déterminé et le plus exlosif de l'histoire du Canadien. Aucun joueur des Glorieux, n'a fait bondir les amateur de leurs sièges comme le Rocket l'a fait Bref, l'idole d'un peuple qui ne s'en laissait jamais imposer par des adversaires salauds et vicieux, tels les Bill Juzda, Bob Dill, Howie Meeker, Bill Ezinicki, Ted Lindsay et bien d'autres. Il ne reculait devant personne. Même pas l"establishment" anglophone. Bref, il a été le défenseur incontesté des Canadiens-francais.

À son dire, Richard a connu l'une des soirées les plus satisfaisantes de sa glorieuse carrière le 28 décembre 1944 au Forum, obtenant cinq buts et trois passes contre Harry Lumley des Red Wings de Détroit. Il avait déménagé sa famille cette journée-là de la rue Papineau à la rue Péloquin dans le quartier Ahuntsic au nord de Montréal. Se sentant épuisé à son arrivée au Forum. il avait demandé congé à son entraîneur Dick Irvin. Pas question. "Jamais je n'aurais envisagé connaître une telle soirée" avait dit le Rocket après le match. Maurice a aussi compté cinq buts en une autre occasion, mais cette fois dans un match des séries pour la coupe Stanley en 1944 contre Paul Bibeault des Maple Leafs de Toronto, son ancien coéquipier avec le Canadien. Le lendemain, la une du "Montréal-Matin" titrait; Richard: 5 Toronto: 1. Et les trois étoiles Esso Imperial du match avait été dans l'ordre: 1-Richard. 2-Richard: 3- Richard.

De peine et de misère

Pour Maurice Richard, y en a jamais eu de faciles, comme on dit souvent dans le jargon sportif. Le début de sa carrière a été ponctué de fractures à une cheville puis à un poignet. Il semblait tellement fragile, que l'entraîneur Dick Irvin songeait à l'envoyer à la filiale du Tricolore dans la ligue Américaine, à Buffalo. C'est le chroniqueur sportif au journal "La Patrie" et commentateur à CKAC, Zotique Lespérance, le meilleur de son temps, qui aurait fait changer d'idée à Dick. Il faut avouer cependant, que ses deux blessures ont évité Richard de faire son service miliaire.

Son salaire avec le Canadien n'a jamais dépassé 35 000$ par saison. Des jobs, il en a eus dans sa vie. Il a fait deux ans à l'école technique; a travaillé comme machiniste chez Crane; a fait un stage comme machiniste chez Jarry Automobile; représentant pour Dow; Molson; a vendu des billets de pari mutuel mutuel à Blue Bonnets, grace à Raymond Lemay; a agi comme arbitre de lutte au Forum avec la complicité d'Yvon Robert; a vendu des cigares; des agrès de pêche; de l'huile pour la compagnie Eli; a été tavernier pour Fred Spada. Finalement, Ronald Corey l'a rapatrié dans la grande famille du Canadien et l'a nommé ambassadeur. Corey a aussi vendu l'idée à la Ligue nationale de nommer un trophée en son honneur, trophée remis annuellement au joueur ayant marqué le plus de buts. Un autre qui a mis de l'argent dans le compte de banque du Rocket, sur les derniers milles, a été Monsieur Roy, son agent lors des dernières années de sa vie.

Dix ans. Déjà dix ans que le Rocket nous a quittés Comme le temps passe vite. Qu'il s'en est passé des choses depuis dix ans. Assez pour que le Rocket se soit reviré souvent dans sa tombe.

Le mot de la fin

La défaite de 6-0 subie par le Canadien contre Philadelphie lors du premier match de la finale de l'Est, est de la p'tite bière comparée à la victoire de 11-0 remportée par le Canadien sur les Maple Leas de Toronto le 30 mars 1944 au Forum. Montréal avait remporté les honneurs de cette série demi-finale pour la coupe Stanley, 4 à 1.