MONTRÉAL – Hendrix Lapierre n’est pas le plus grand des pêcheurs. Il est le premier à le dire.

« J’aime ça pêcher, mais je n’ai pas souvent l’occasion de le faire. Je ne suis pas vraiment un expert non plus. Aussitôt que ma ligne est mêlée, j’ai de la misère. »

De là à décliner une invitation de nouveaux partisans à profiter des plaisirs de la Baie-des-Chaleurs? Non. Accompagné d’experts en la matière prêts à lui venir en aide au moindre accrochage, la grosse prise du Titan d’Acadie-Bathurst lors de la dernière saison morte a récemment ferré son premier maquereau.

« C’était vraiment plaisant, une belle expérience », confiait la semaine dernière au RDS.ca le choix de premier tour des Capitals de Washington à la veille de son départ pour son deuxième camp professionnel. « Ça te permet de sortir un peu de ta zone de confort et de faire des choses que tu n’as pas souvent faites. »

À Bathurst, Lapierre est loin de ses pantoufles. Pour la première fois en quatre saisons, il endossera cette année un autre uniforme que celui des Saguenéens de Chicoutimi, qui avaient fait de lui le tout premier choix du repêchage 2018 de la LHJMQ.

« J’étais allé une seule fois à Bathurst durant ma carrière junior et quand on était arrivé là-bas, il faisait noir et il pleuvait. Je n’avais pas pu voir grand-chose de la ville. On s’était couché presque en arrivant. »

Arrivé à Bathurst le 20 août dernier pour le camp d’entraînement du Titan, le joueur de centre de 19 ans a pu se familiariser pendant deux semaines avec sa nouvelle terre d’accueil, et surtout avec de nouveaux coéquipiers dont il connaissait que très peu de choses au moment de décider s’il levait ou non sa clause de non-échange.

« Honnêtement, on n’avait pas joué contre les Maritimes l’année passée [en raison de la pandémie], alors je n’avais vraiment aucune idée. Je connaissais quelques gars de nom, mais il a fallu que je parle avec du monde avant que de me rendre à Bathurst pour savoir qui était qui. »

Le temps de loger quelques coups de fil à d’anciens coéquipiers des Saguenéens ayant eux aussi transité par Bathurst – Mathieu Desgagnés, Félix Antoine-Marcotty et Cole Stewart –, Lapierre était convaincu.

« Aussitôt que j’ai parlé à ces gars-là, ç’a été un oui. »

« On a eu un appel avec Hendrix et son agent avant la transaction, mais pour être honnête, on n’a pas eu d’embûches, confie le directeur général du Titan, Sylvain Couturier. On lui a expliqué ce qu’on voulait faire. Le but d’aller chercher un gars comme Hendrix Lapierre, c’est pour gagner. Je pense que c’est ce que veulent les jeunes; une chance de gagner à toutes les années. Ç’a été le pitch de vente le plus facile à faire. »

« On a souffert »

Trois ans à peine après avoir paradé dans les rues de Bathurst avec la coupe du Président et la coupe Memorial, le Titan rêve d’un autre défilé. L’acquisition de Lapierre, obtenu en retour de quatre choix de repêchage, dont deux de premier tour, et de deux joueurs, ne laisse que très peu de place à l’interprétation quant aux visées de l’organisation.

« Le message était clair dès cet été qu’on était sérieux et qu’on voulait gagner, confirme Couturier. [On voulait] passer ce message à nos partisans et aussi à nos jeunes joueurs, qui ont passé à travers des moments difficiles depuis deux ans. »

Dans les semaines qui ont suivi son sacre à l’échelle nationale au printemps 2018, le Titan a d’abord vu son entraîneur-chef Mario Pouliot quitter Bathurst pour accepter les postes de directeur général et entraîneur-chef des Huskies de Rouyn-Noranda. Un peu plus de trois mois plus tard, c’était au tour de son successeur Bryan Lizotte de remettre sa démission pour des motifs personnels après 21 matchs seulement. Héritant alors d’une formation en pleine reconstruction, l’expérimenté Mario Durocher a veillé au développement d’une jeune relève qui a appris à la dure, amorçant notamment la saison 2019-2020 avec 17 revers consécutifs.  

« On a souffert, mais on a fait jouer nos jeunes, relativise aujourd’hui Couturier. La réalité du hockey junior, c’est que les jeunes de 16 et 17 ans, aussi bons soient-ils, c’est souvent une question de force physique et de maturité. On les a fait jouer, on a été patient avec eux autres et ç’a commencé à nous donner des résultats l’année passée. »

Du dernier rang du classement général au terme de la campagne 2019-2020, le Titan a bondi au 4e échelon l’an dernier. Une progression aussi inattendue qu’éloquente, même en temps de pandémie, estime le DG qui a vu 10 de ses joueurs participer à des camps de la LNH dans les dernières semaines.

« C’est certain qu’on a joué juste 36 matchs et je suis conscient de ça, mais tout le monde a joué le même nombre de matchs ou à peu près. Qu’on ait fini quatrième, déjà là, c’était un accomplissement. Ça nous a fait réaliser qu’on n’était pas aussi loin qu’on le pensait. C’est ce qui nous a incités à regarder [sur le marché]. On se disait que si on pouvait rentrer un gros morceau pour aider ces jeunes-là sans que ça nous fasse trop mal, on allait le faire. C’est exactement ça qu’on a fait. »

« Hendrix, premièrement, c’est un gars avec beaucoup de rapidité. Un gars qui va amener de l’offensive, ça c’est certain. C’est un gars qui peut jouer aussi une bonne game de 200 pieds. C’est un joueur complet. Ce n’est pas pour rien qu’il a été repêché premier au total dans notre ligue et en première ronde dans la Ligue nationale même s’il avait raté presque une année complète », rappelle Couturier.

Lapierre se greffe à un groupe d’attaquants qui comprend notamment trois autres joueurs repêchés par des clubs de la LNH : Riley Kidney (Canadien), Cole Huckins (Flames) et Jacob Melanson (Kraken). À ceux-ci s’ajoutent le joueur de 20 ans Bennett MacArthur et Ben Allison, qui ont respectivement été invités aux camps des Coyotes et des Sénateurs.

En défense, tous les arrières de l’an dernier sont de retour à l’exception d’Adam McCormick. Il est remplacé par le Letton de 19 ans Harijs Brants, de retour à Bathurst après avoir été contraint par la pandémie à jouer la saison 2020-2021 en Lettonie dans la meilleure ligue de son pays.

« La bonne nouvelle, c’est qu’il a joué l’année passée. Il a joué dans une ligue d’hommes et son club s’est rendu en finale. L’autre bonne nouvelle c’est qu’ils lui ont ensuite demandé de participer au camp de l’équipe olympique lettone. C’était le plus jeune ou le deuxième plus jeune dans l’équipe au camp. Ça m’indique qu’il quand même été bon l’année passée », décrypte Couturier.

Pour protéger son filet, le Titan s’en remettra à nouveau au tandem formé du Tchèque Jan Bednar et de Chad Arsenault. Après une entrée en matière difficile à son arrivée en Amérique du Nord, Bednar, un choix de 4e tour des Red Wings de Detroit en 2020, s’est imposé comme le portier de confiance de Durocher à l’aube des dernières séries éliminatoires.

Même objectif, approche différente

De la formation sélectionnée par Couturier, qui comprend 14 attaquants, 7 défenseurs et 2 gardiens, 5 joueurs (4 attaquants et 1 défenseur) en seront à une première saison dans le circuit Courteau.

« On n’avait pas beaucoup de postes à combler, sauf qu’on a échangé quelques vétérans pour faire de la place à nos jeunes. On a une approche différente de l’année où on est allé à la Coupe Memorial, alors que nous avions mis tous nos œufs dans le même panier. Cette année, on sait qu’on est un club qui arrive à maturité, mais on veut déjà commencer à préparer la relève. »

De cette façon, Couturier espère voir son club rivaliser pour les grands honneurs à la fois cette saison et l’an prochain. « On va avoir encore une bonne équipe l’an prochain, ça c’est clair dans notre esprit. Mais cette année, on n’a pas besoin d’autant de morceaux. »

Lapierre étant déjà dans ses rangs, le Titan a en effet tous les atouts pour nourrir de grandes ambitions dès le jour 1 du calendrier régulier.  

« Avec l’arrivée d’un gars comme Lapierre et celle d’Harijs Brants, qui a joué ici il y a deux ans, mais qui n’a pas pu venir l’an passé à cause de la COVID, je pense qu’on va juste être meilleur cette année qu’on l’était l’an passé », avance Couturier.

« Quand j’ai parlé à Sylvain et Mario avant la transaction, ils m’ont clairement dit qu’ils ne venaient pas me chercher pour finir dans le bas du classement. On a un but en tête et on en a reparlé depuis. On sait ce qu’on a à faire », jure Lapierre, le seul Québécois d’une formation qui compte 20 représentants des Maritimes et deux Européens.

« Ça va être une belle année. C’est sûr que ça va être bizarre d’être le seul Québécois, mais je suis vraiment, vraiment content. [...] C’est l’fun au boutte. »