MONTRÉAL – « P’pa, va voir ça! »

Pierre-Luc Dubois ne tarde jamais à donner un coup de fil à son père Éric après chacun de ses matchs. Au terme d’un revers de 4-3 encaissé le 20 septembre dernier face aux Islanders de Charlottetown, l’attaquant des Screaming Eagles s’est toutefois précipité sur son téléphone.

« Ça n’a pas été long qu’il m’a appelé après sa partie », confirme le paternel au RDS.ca.

Alors occupé par ses fonctions d’entraîneur adjoint à Serge Beausoleil chez l’Océanic de Rimouski, Éric Dubois n’avait pu regarder en direct sur Internet la plus récente performance de son rejeton. Sous la recommandation de ce dernier, il s’est cependant empressé de visionner le duel en rediffusion.

Il n’a pas été déçu.

Dès la septième minute de jeu du deuxième vingt, il était témoin du plus beau but de la jeune carrière de son enfant.

S’emparant de la rondelle dans son propre territoire, Dubois a d’abord filé le long de l’aile gauche jusqu’en zone ennemie avant de se faufiler entre deux défenseurs, chuter vers l’avant et glisser la rondelle entre les jambières du gardien Matthew Welsh. Et ce tout en étant étendu de tout son long sur la patinoire.

Un jeu qui a aussitôt fait fureur sur les médias sociaux.

« Quand j’ai marqué, j’étais conscient que je n’allais pas en marquer 50 autres comme ça cette année, observe Dubois. Ce n’est qu’un ou deux jours plus tard que quelqu’un m’a dit qu’il avait vu mon but sur Twitter. Je pensais que c’était juste les gens dans les estrades et ceux qui avaient regardé le match à la télévision qui l’avait vu. »

Dix jours plus tard, Dubois récidivait dans des circonstances similaires, cette fois contre les Wildcats de Moncton.

« Je ne sais pas pourquoi, mais je score souvent sur mes genoux », note avec un brin d’humour l’auteur de 11 buts et 13 passes en 21 rencontres cette saison.

Une polyvalence hors norme

Aussi spectaculaires soient-ils, ces buts ne sont d’abord et avant tout que quelques-unes des manifestations prouvant la polyvalence hors du commun de ce hockeyeur de 17 ans. Un bonus sur un C.V. déjà bien étoffé.

« Tout le monde le voit comme un joueur responsable, un joueur de 200 pieds, mais on ne parle pas nécessairement de ses habiletés. C’est un passeur avant tout, mais je pense qu’il en est capable », estime son père.

« Ces buts-là, c’est le reflet des choses qu’il faisait déjà ou qu’il réussit à l’entraînement de façon régulière. Il n’abandonne jamais. Peu importe s’il est à genoux ou qu’on le fait trébucher, il va quand même tenter de faire progresser le jeu », analyse pour sa part son entraîneur-chef Marc-André Dumont.

Pierre-Luc Dubois« J’ai de bonnes habiletés et de bonnes mains quand même, mais ce n’est pas la plus grosse partie de ma game. Les gens les remarquent peut-être un peu moins parce qu’ils voient davantage l’attaquant de puissance, le gros bonhomme », avance l’ailier gauche de 6 pieds 3 pouces et 202 livres.

La Centrale de recrutement de la LNH, elle, est bien au fait du potentiel de Dubois, à qui elle a octroyé la cote « A » dans sa liste préliminaire des meilleurs espoirs en vue du prochain repêchage du circuit Bettman. À l’instar de Julien Gauthier, des Foreurs de Val-d’Or et seul autre joueur de la LHJMQ à avoir été classé de la sorte, Dubois est donc pour l’instant catalogué comme un éventuel choix de premier tour.

« Il peut tout faire sur la glace. Il peut jouer à l’aile gauche, à l’aile droite, au centre, en avantage numérique, en désavantage numérique… C’est un joueur extrêmement menaçant, il peut générer de l’attaque dans toutes les situations. Il est vraiment polyvalent et il a une dextérité dans son jeu qui est immense », expose Dumont.

Ce talent, Dubois l’a mis à profit dès sa première saison junior majeur. Fort d’une récolte de 10 buts et 35 mentions d’aide, Dubois a égalé le record d’équipe pour le plus de points amassés par une recrue de 16 ans. James Sheppard, un choix de première ronde du Wild du Minnesota en 2006, avait offert le même rendement statistique en 2005, mais avec 11 matchs de plus à sa disposition.

« Depuis son arrivée, il a mérité tout ce qu’il a obtenu. Si on avait été une équipe en reconstruction, il est évident qu’il aurait été placé dès le départ dans notre top-6 en attaque. Mais dans son cas, il est allé chercher ses promotions et ses assignations par son travail et ses succès », explique Dumont.

Ne tenant pas son statut pour acquis à l’aube de sa deuxième campagne dans le circuit Courteau, Dubois a fait une croix sur un été au domicile familial à Rimouski, préférant plutôt s’expatrier à Montréal pour s’y entraîner sous la supervision de Mark Lambert, consultant en préparation physique des Screaming Eagles et préparateur physique du Lightning de Tampa Bay.

Après une participation au tournoi Ivan Hlinka, où il a amassé deux buts et une passe dans la victoire du Canada en finale sur la Suède en août dernier, Dubois s’est ainsi pointé en Nouvelle-Écosse plus lourd de 19 livres.

 « Il a fait ce sacrifice parce que c’est un passionné. [...] Il joue avec passion, il s’entraîne avec passion », insiste Dumont.

Le fils de son père, quoi?

« Éric œuvre dans notre ligue depuis une quinzaine d’années. Pierre-Luc a toujours baigné dans cet environnement. On dit souvent que la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre. J’ai coaché avec Éric à Val-d’Or et au Mondial des moins de 17 ans et je connais bien la famille. Éric est un passionné et cette passion, il l’a évidemment transmise à Pierre-Luc. »

« Ma mascotte »

Avant de faire carrière derrière des bancs de la LHJMQ, Éric Dubois a été repêché en quatrième ronde par les Nordiques de Québec en 1989 et a chaussé les patins pendant six saisons dans divers circuits mineurs professionnels américains. Sa famille et lui ont a ensuite fait leurs valises pour l’Europe, où il a notamment évolué durant six autres années en Angleterre et en Allemagne.

Pierre-Luc ne conserve aujourd’hui que très peu de souvenirs de son séjour en Europe. Il se souvient bien de cette séance de patinage libre ou encore de cette partie de hockey avec des balles oranges à Schwenningen en Allemagne, mais c’est tout.

Éric DuboisHeureusement, son père est là pour lui rafraîchir la mémoire.

« C’était ma mascotte! Il était tout le temps, tout le temps avec moi à l’aréna. Après les matchs, si on avait gagné, ma femme détachait la laisse et il courrait tout de suite vers le vestiaire. »

C’est dans cette ville située au sud de l’Allemagne que Dubois a donné ses premiers coups de patin à l’âge de trois ans. « Les coachs parlaient allemand et je ne comprenais pas un mot, alors je faisais ce que je pensais qu’il fallait faire », raconte-t-il.

La famille Dubois est finalement rentrée au pays en 2002, où Éric a conclu son parcours professionnel avec les Royaux de Sorel dans la Ligue de hockey semi-professionnelle du Québec. Un an plus tard, il amorçait son après-carrière à Baie-Comeau en tant qu’adjoint à l’entraîneur-chef du Drakkar Martin Laperrière. Puis, dès la saison suivante, il héritait des fonctions principales en plus de celles de directeur général.

Âgé de 7 ans à l’époque, Pierre-Luc n’avait quant à lui rien perdu de ses bonnes vieilles habitudes. Il n’était jamais bien loin d’Éric et d’une patinoire.

« Mon école n’était qu’à 30 secondes de marche de l’aréna. Sur l’heure du dîner, je me dépêchais et j’y allais en courant. Mon père amenait les restants du souper de la veille et quand j’arrivais, ils étaient déjà sur la table, réchauffés. Je mangeais et j’attachais mes patins en même temps pour embarquer le plus vite possible sur la glace. Dix ou quinze minutes avant de devoir retourner à l’école, il venait me voir pour me dire de débarquer. J’ai fait ça tous les jours qu’il était en ville. »

« Ma fille retournait à la maison ou venait parfois à l’aréna pour manger, mais pour Pierre-Luc, il n’était pas question d’aller à la maison », relate Éric.

C’est ainsi que le jeune hockeyeur en devenir a vite été mis en contact avec la LHJMQ et ses réalités, développant même quelques liens d’amitié avec certains joueurs.

« Quand il a appris que j’avais échangé Ryan Lehr (une transaction croquée sur le vif dans le documentaire Junior), il m’a donné de la m$%?& parce qu’il était bien chum avec lui. J’en ai entendu parler à la maison... », s’esclaffe Éric.

Une saison parmi tant d’autres

Fort d’une expérience de plus de 12 saisons à titre de directeur général, d’entraîneur-chef ou d’entraîneur adjoint dans le circuit junior québécois, Dubois est donc bien outillé pour guider son fils, surtout en cette année de repêchage.

Mais pas question d’en faire une obsession.

« Ce que j’ai réussi à lui faire comprendre cette année, c’est que cette saison n’est pas plus importante que la prochaine, la suivante ou l’autre d’après. J’entends souvent des jeunes ou leurs parents dire que c’est une grosse année. Ce n’est pas vrai! Après avoir été repêché, il faut se battre pour un contrat. Puis, un an plus tard, il faut lutter pour faire sa place chez les professionnels. [...] Pierre-Luc est déjà bien assez exigeant envers lui, il n’a pas besoin de pression additionnelle. »

« Ce n’est pas juste une année qui va décider si je vais jouer ou non dans la LNH. C’est une carrière que je veux. Le repêchage, c’est le fun et ça n’arrive qu’une fois dans une vie, mais ce n’est qu’une partie. Un bonus, disons. »

Fiston a visiblement retenu la leçon.