MONTRÉAL – Le fait que Gary Bettman et Donald Fehr ne se soient pas parlé depuis une semaine est loin de représenter une bonne nouvelle. Surtout pour ceux et celles qui croient encore possible de voir les joueurs des 31 équipes de la LNH reprendre les patinoires d’assaut le 1er janvier prochain.

 

Mais ce silence, qu’il soit stratégique ou non, ne représente pas non plus la catastrophe que plusieurs lui associent.

 

Les grands patrons de la LNH et du syndicat de ses joueurs se sont parlé quotidiennement au cours des dernières semaines. Au fil des dizaines de conversations qu’ils ont eues, Bettman et Fehr ont fait ce qu’ils avaient à faire. Ils se sont dit ce qu’ils avaient à se dire.

 

Le premier a partagé les points de vue et préoccupations des propriétaires qui font face à des pertes financières imposantes. Des pertes qui, pour certains, seront plus faciles à essuyer s’il n’y a pas de saison plutôt qu’une saison à disputer devant des gradins vides... ou presque.

 

Le deuxième a insisté sur les droits des joueurs et surtout sur les grands principes de la nouvelle convention collective que les deux parties ont signée en juin dernier afin de permettre la relance du hockey.

 

Plus important encore, Bettman et Fehr ont su au fil de ces conversations camper leurs positions. Peut-être très directement, peut-être tout en nuances – ce dont je doute fort... – Bettman et Fehr ont fait comprendre à l’autre vers quel îlot de compromis ils étaient prêts à nager pour sauver la saison que nous attendons tous.

 

D’adversaires à complices

 

Gary Bettman et Donald Fehr ne sont pas les meilleurs amis du monde. Loin de là. Sur le plan professionnel, ils sont des adversaires redoutables et sans doute un brin ou deux redoutés. Ils sont des mercenaires chèrement payés pour aller au front et défendre les intérêts des propriétaires et des joueurs. Ce qu’ils font très bien tous les deux en passant.

 

Mais maintenant qu’ils se sont repliés dans un silence stratégique, Bettman et Fehr doivent devenir des complices s’ils tiennent vraiment à sauver la saison. S’ils tiennent vraiment à éviter un conflit qui entraînerait l’annulation de la saison 2021.

 

Un fiasco que les deux hommes tiennent à éviter j’en suis convaincu.

 

Car l’un comme l’autre, Bettman et Fehr savent qu’un  conflit entraînerait l’annulation de la saison 2020-2021 ferait des tas de victimes dans les deux camps. Sans oublier les victimes collatérales que sont les partisans. Des partisans sans qui la LNH peut vivoter à très court terme, mais s’écroulera à moyen terme et encore plus à long terme.

 

Bettman et Fehr ne se parlent pas en ce moment parce qu’ils n’ont plus rien à se dire.

 

Ce qui prime en ce moment et pour les prochains jours en espérant que ces jours ne deviennent pas plusieurs semaines, c’est que Gary Bettman parle à tous ses propriétaires afin de bien leur faire comprendre la réalité des joueurs et surtout quelle sera la limite des compromis qu’ils sont prêts à faire pour revenir au jeu.

 

Avant de reparler à Donald Fehr, Gary Bettman doit avoir convaincu ses propriétaires d’accepter d’encaisser les contrecoups financiers qui lui permettront de rejoindre son adversaire sur l’îlot où se réglera le conflit.

 

Donald Fehr doit faire la même chose. S’il est clair que les joueurs ont tout à fait raison de refuser d’être payés au prorata des matchs disputés – un principe écarté dans la convention signée il y a quelques mois à peine – il doit leur faire comprendre qu’ils perdront plus que ce qu’ils avaient accepté de perdre en juin dernier.

 

Il faudra plus qu’une retenue en fiducie de 20% du salaire brut et une autre portion de 10 % – du salaire brut – en paiement différé pour que Bettman puisse convaincre ses propriétaires les plus récalcitrants. Donald Fehr doit donc trouver des équations qui permettront de faire avaler la pilule aux joueurs. Pour y arriver, il peut profiter de la complicité des plus gros agents de la Ligue qui chacun de leur côté pourront répondre aux nombreuses questions de leurs clients afin de les aider à voir au-delà des pertes sèches qui les guettent.

 

Car en fin de compte, que les joueurs donnent aujourd’hui ou plus tard, ils donneront de toute façon. Pour chaque dollar que la ligue perd en revenus, les joueurs perdent 50 cents. OK: 50 sous c’est du petit change, mais c’est la même équation avec les millions et les millards. Si la LNH perd 1 milliard, c’est 500 millions $ de moins que les joueurs pourront se partager sous le plafond salarial.

 

Et ça, c’est du fric en Simonac!

 

Même pour des milliardaires comme le sont plusieurs des propriétaires de la LNH et les multimillionnaires que sont aujourd’hui la presque totalité des joueurs de leurs équipes.

 

Les compromis que Donald Fehr réussira à obtenir de ses membres et que Bettman saura faire accepter à ses propriétaires détermineront pendant combien de saisons le plafond salarial, donc les revenus potentiels à distribuer aux joueurs, stagnera.

 

Autant à la LNH qu’à l’Association des joueurs, il est impossible ou presque d’obtenir un commentaire officiel solide. Et c’est très bien ainsi. Car c’est lorsque les deux camps commenceront à larguer des commentaires incisifs comme des bombes tombées du ciel qu’il faudra comprendre que les choses s’enveniment au lieu de s’améliorer.

 

Pour l’instant, des acteurs de soutien, mais néanmoins acteurs importants dans toute cette affaire, assurent qu’il est encore très possible de sauver la saison.

 

« La situation n’est pas facile. Elle est même difficile. Mais je suis un gars de compromis depuis toujours et quand je regarde les positions des deux camps, il est clair à mes yeux qu’il y a un deal à portée de mains. Ça fera mal. C’est clair. Et ça fera mal aux deux parties. Mais il faut s’entendre parce que les conséquences d’une saison annulée feront bien plus mal encore. Et des deux bords », martelait lundi un acteur important qui gravite autour de la LNH depuis plus de 30 ans, mais qui tient à rester dans l’ombre pour ne pas nuire au processus fragile qui est en cours.

 

Un retour sur 2012-2013

 

À la lumière de commentaires obtenus au cours des dernières semaines dans le camp des joueurs et des propriétaires, je crois toujours que la LNH reprendra ses activités en 2021.

 

Eh oui! Je crois vraiment que ce sera avant l’automne 2021...

 

Elle n’a pas le choix si elle veut garder sa place sur la scène sportive professionnelle et maintenir la croissance de l’intérêt associé au hockey constatée aux États-Unis au fil des dernières années.

 

Elle n’a pas le choix si elle veut terminer le contrat de télédiffusion qui lie la LNH à NBC jusqu’à la fin de la saison 2020-2021. Un contrat qui rapportera cette année 250 millions aux 31 équipes. Un contrat qui, une fois renégocier avec les diffuseurs qui frappent à la porte – ESPN, TNT, Amazon et d’autres géants de l’internet feront mousser les enchères alors que NBC n’est plus seule à s’intéresser à la LNH – rapportera trois fois plus annuellement puisque les projections ou intentions de la LNH s’élèvent à 750 millions $.

 

En ce jour de la Thanksgiving aux USA, il commence à se faire tard pour une reprise dès le Jour de l’an. Cela dit, un début de saison entre la mi-janvier et le début du mois de février est toujours possible.

 

Surtout que la LNH a déjà plan sur lequel s’appuyer.

 

Lors du dernier conflit, en 2012-2013, la LNH a repris ses activités à la mi-janvier. Le Canadien a amorcé sa saison avec un revers de 2-1 aux mains des Maple Leafs au Centre Bell et a terminé son calendrier de 48 matchs en battant les mêmes Leafs (4-1) le 27 avril à Toronto.

 

Il s’était ensuite fait sortir dès la première ronde, en cinq matchs, par les Sénateurs d’Ottawa.

 

Si Bettman et Fehr tardent à débarquer sur l’îlot où ils signeront la trêve qui permettra de lancer la saison, le Canadien et les 30 autres clubs devront se contenter d’un calendrier de 48 matchs.

 

Un calendrier au cours duquel il croisera souvent Toronto, Ottawa et les autres clubs canadiens qui seront « confinés » au nord du 49e parallèle en raison de la COVID-19. Ce damné minuscule virus qui est plus fort que tous les joueurs de la LNH réunis.

 

Mais oui je crois vraiment que le CH jouera.

 

Normalement à la Thanksgiving, on regarde le classement et on se dit qu’il représente déjà un portrait assez fidèle de ce qu’aura l’air le tableau de séries.

 

Remarquez que c’est de moins en moins vrai en raison de la parité un brin artificielle créée par les points primes accordés dans le cadre de défaites en prolongations et tirs de barrage.

 

Cette année, la plus grande de toutes les fêtes célébrées par nos amis Américains doit servir de coup d’envoi pour amorcer le sprint de discussions entre les propriétaires d’un côté et les joueurs de l’autre. Des discussions qui devront mettre la table à des négociations dont devra découler une entente d’ici 10 jours si on veut débuter la saison le 1er janvier. D’ici Noël, si on veut sauver la saison tout court.

 

Et ça, c’est si la COVID-19 nous permet de la sauver. Car avec les fluctuations à la hausse de cas et de décès qui se multiplient des deux côtés de la frontière, la pandémie semble loin de vouloir s’avouer vaincue, voire d’être intimidée par les vaccins qui finiront bien par être distribués.