Comparaisons Detroit-Tampa : Bergevin se souvient
LNH samedi, 13 avr. 2019. 07:49 mercredi, 11 déc. 2024. 22:28
Lorsqu’ils ont fait escale à Montréal le 2 avril dernier, le capitaine du Lightning Steven Stamkos, l’entraîneur-chef Jon Cooper et même le directeur général Julien Brisebois assuraient dur comme fer n’accorder aucune importance au record de 62 victoires en saison régulière qu’ils pouvaient alors non seulement égaler, mais dépasser.
En perdant contre le Canadien, le Lightning a miné ses chances de battre ce record établi en 1995-1996 par les Red Wings de Detroit. Des gains convaincants de 3-1 et 6-3 à Toronto et Boston où Tampa a terminé la saison ont toutefois permis aux Bolts de rejoindre les Wings.
Pourquoi accorder si peu d’importance aux 63 victoires qui leur auraient assuré une place dans le grand livre d’histoire de la LNH?
« Parce qu’on a déjà en mains le titre de champions de la saison régulière et que tout ce que nous avons accompli jusqu’ici ne comptera pas si nous n’avons pas de succès en séries », avaient lancé d’une même voix tous les membres du Lightning croisés ce jour-là au Centre Bell. Que ce soit avant la partie ou après le revers un brin gênant de 4-2 encaissé aux mains du Canadien qui avait complètement dominé le Lightning lors de cette rencontre. Qui les avait même fait mal paraître.
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Directeur général du Canadien et membre des Red Wings qui ont célébré 62 victoires en 1995-1996, Marc Bergevin comprend très bien l’état d’esprit qui flottait autour du vestiaire du Lightning en fin de saison.
« Non seulement je le comprends, mais je peux te dire que toutes ces années plus tard, les 62 victoires ne font toujours pas contrepoids à la déception associée au fait qu’on ne s’était pas rendu à la coupe Stanley », a indiqué Bergevin lors d’un entretien avec RDS.ca plus tôt cette semaine.
En encaissant vendredi une deuxième défaite consécutive aux mains des Blue Jackets, le Lightning se place dans une position périlleuse. Car s’ils s’inclinent deux fois de plus contre Columbus, les Bolts deviendront les septièmes détenteurs du Trophée des Présidents à être évincés des séries dès la première ronde.
Un désastre qu’ont vécu les Canucks de Vancouver en 2012, les Capitals de Washington en 2010, les Sharks de San Jose en 2009, les Red Wings de Detroit en 2006, les Blues de St Louis en 2000 et les Blackhawks de Chicago en 1991.
Il est encore trop tôt pour dire si Tampa essuiera une pareille gifle. Après tout, les Bolts demeurent la meilleure équipe de la LNH et les Jackets, après avoir battu les Capitals de Washington deux fois de suite dans la capitale américaine en première ronde l’an dernier, ont ensuite encaissé quatre revers de suite.
Mais disons que si la troupe de John Tortorella réussit ce que plusieurs considéraient comme impossible, le Lightning devra composer avec des souvenirs pas mal plus douloureux que ceux des Wings de 1995-1996 qui avaient malgré tout fait bonne figure en séries.
Après avoir battu les Jets de Winnipeg (en six matchs) et éliminé les Blues de St Louis en sept parties lors de la deuxième ronde, les Wings s’étaient frappés aux Joe Sakic, Peter Forsberg et Patrick Roy – acquis en cours de saison après la défaite de 11-1 justement aux mains des Red Wings le 2 décembre 1995 – et autres membres de l’Avalanche du Colorado en finale de l’Ouest.
Une finale que l’Avalanche a remportée en six matchs avant de balayer les Panthers de la Floride en quatre petites parties pour mettre la main sur la première coupe Stanley de son histoire. Une histoire qui en était à un deuxième chapitre puisque l’Avalanche a soulevé cette coupe Stanley à peine un an après la vente des Nordiques et l’exode de Québec.
Deux coupes consécutives
Autre facteur qui tend à donner raison aux joueurs du Lightning et au directeur général du Tricolore, bien peu d’amateurs de hockey se souviennent que les Wings ont établi un record de la LNH avec les 62 gains signés en 1995-1996.
Mais ils se souviennent tous, ou à peu près, des conquêtes consécutives de la coupe Stanley aux printemps 1997 et 1998.
Contrairement à ses coéquipiers qui ont célébré deux conquêtes plutôt qu’une pour être bien certains de surmonter les déceptions encaissées lors des séries 1996, Marc Bergevin n’a pu savourer cette revanche.
Acquis du Lightning de Tampa Bay à l’aube de la saison 95-96, le défenseur a quitté Detroit après la saison de 62 victoires et l’élimination en finale de l’Ouest à la suite d’une offre de contrat reçue des Blues de St Louis à titre de joueur autonome.
Nombreuses comparaisons
Quand on regarde les deux formations qui ont marqué l’histoire avec leurs 62 victoires en saison régulière, il est permis de conclure que c’est une bonne chose qu’elles aient terminé l’année sur un pied d’égalité.
Car sous plusieurs angles, les deux clubs sont similaires. Bon! Sept membres des Red Wings de 1995-1996 ont franchi depuis leur retraite, les portes du Temple de la renommée. Un privilège qui pourrait être réservé au fil des prochaines saisons à trois, quatre, peut-être cinq membres du Lightning.
En dépit de ce déséquilibre, les deux clubs sont bâtis sur des fondations solides. Si les Wings étaient dirigés par l’entraîneur-chef le plus auréolé de coupes Stanley et l’un des plus respectés de l’histoire du hockey en Scotty Bowman, le Lightning est dirigé par l’un des meilleurs coachs de sa génération en Jon Cooper. Un entraîneur-chef qui pourrait d’ailleurs remporter le trophée Jack-Adams en juin prochain.
À l’image de Nikita Kucherov qui est un leader bien tranquille malgré le fracas de ses 87 mentions d’aide et 128 points récoltés cette saison, c’est aussi un Russe un brin effacé hors de la patinoire qui avait dirigé l’attaque des Wings alors que Sergeï Fedorov avait inscrit 39 buts et amassé 107 points.
En plus d’endosser des chandails aux numéros inversés, les capitaines Steven Stamkos (45 buts, 98 points) et Steve Yzerman (36 buts, 95 points) étaient des leaders respectés au sein de leur vestiaire.
« Je ne connais pas la réalité du Lightning au quotidien, mais je peux te dire que Stevie assurait un gros leadership. Nous avons été assurés du trophée des Présidents très tôt dans la saison. L’équipe avait commandé des t-shirts commémorant le championnat. Lorsque les préposés aux équipements étaient arrivés dans le vestiaire avec les boîtes remplies de ces t-shirts, Steve avait carrément refusé qu’ils les ouvrent. Ils leur avaient dit de repartir avec les boîtes et d’aller les serrer quelque part jusqu’à la fin de la saison. C’était le genre de leader qu’il était », se souvient Bergevin.
Comme les capitaines du Lightning et des Wings, les deux piliers à la ligne bleue pour Tampa et Detroit partageaient bien des qualités. Mais aussi le même chandail 77 qui a rendu célèbre Paul Coffey (14 buts, 60 points, plus-19) et auquel Victor Hedman a fait grandement honneur encore cette année (12 buts, 54 points, plus-24).
Coffey était secondé par Nicklas Lidstrom et un duo de défenseurs russes de premier plan en Viacheslav Fetisov et Vladimir Konstantinov.
« Je ne veux rien enlever à la brigade du Lightning qui compte sur de très bons défenseurs, mais je crois que notre brigade était encore plus solide. Lidstrom était déjà une vedette en devenir. Fetisov et Kostantinov étaient des vétérans aguerris. Ils étaient solides dans tous les aspects du jeu. Vlad était tough en maudit. Il travaillait sans relâche et avait des aptitudes offensives », défile Marc Bergevin qui était le partenaire de travail de Paul Coffey.
« Paul avait déjà atteint le sommet de sa carrière. Il était encore très bon et c’était aussi un gars qui en menait large. Pour un gars défensif comme moi, le message était clair : tu restes en arrière et tu te prépares à tout parce que Paul était libre d’aller où il voulait sur la patinoire. Et il y allait quand il voulait aussi », a indiqué Bergevin qui a marqué un but et récolté 10 points en 70 matchs en 1995-1996 avant d’ajouter un filet en 17 matchs disputés en séries.
Devant le filet, on doit donner l’avantage au Lightning qui compte sur le tandem Andrei Vasilevskiy – Louis Domingue. Vasilevskiy est un meilleur gardien numéro un que Mike Vernon et Chris Osgood qui se partageaient le travail devant la cage des Red Wings. Deux gardiens qui ont grandement profité de l’imperméabilité de la défensive qui se dressait devant eux.
Mais bon! Le gardien russe qui pourrait gagner le trophée Vézina cette année devra être meilleur rapidement s’il veut aider son équipe à éviter une élimination hâtive.
Les deux équipes étaient aussi bien nanties en fait de joueurs de soutien contribuant grandement aux succès de l’équipe en dépit du fait qu’ils aient été boudés par tous les clubs de la LNH au repêchage.
Jamais repêché, Dino Ciccarelli, qui avait 35 ans en 1995-1996, a marqué 22 de ses 608 buts et récolté 45 de ses 1200 points amassés en carrière lors de l’année de rêve des Wings. Impossible de comparer Yanni Gourde avec Ciccarelli, c’est bien évident. Mais le Québécois qui n’a jamais été repêché lui non plus a donné 22 buts et 47 points cette saison au Lightning.
« Les deux équipes comptent sur des joueurs de grand talent, sur des gars de caractère, sur un bon mélange d’expérience et de jeunesse. Ça prend une équipe solide qui n’a pas de faiblesse et qui évite les blessures le plus possible pour connaître des saisons aussi sensationnelles. Gagner 62 matchs, c’est du stock », a conclu Marc Bergevin.
Mais ça ne garantit pas une coupe Stanley comme les séries de 1995-1996 nous l’ont démontré. Et comme les séries qui viennent de débuter pourraient le rappeler.
Marc Bergevin était le parrain des trois francophones évoluant avec les Wings à l’époque. Un tout jeune Martin Lapointe – choix de première ronde des Wings, 10e sélection, en 1991 – avait disputé 58 matchs de saison régulière et 11 des 17 en séries à 22 ans et un plus jeune encore Mathieu Dandenault (19 ans) venait de faire le saut dans la LNH. Il avait disputé 34 parties en saison régulière, avant de « prendre de l’expérience » des séries du haut de la galerie de presse.
Trophée des Présidents
Le Lightning de Tampa est le 33e récipiendaire du trophée des Présidents remis depuis 1985-1986 aux champions de la saison régulière. Ils pourraient devenir le 9e club à ajouter une coupe Stanley à ce trophée des Présidents.
S’ils ont fait chou blanc en 1996 lors de leur saison de 62 victoires, les Red Wings ont « bousillé » trois autres championnats de saison régulière : en 1995, 2004 et 2006. Ils sont toutefois la seule formation de la LNH qui revendique deux coupes Stanley et deux trophées des Présidents la même année. Exploits qu’ils ont réalisés en 2002 et 2008.
Les Blackhawks de Chicago (2013), l’Avalanche du Colorado (2001), les Stars de Dallas (1999), les Rangers de New York (1994), les Flames de Calgary (1987) et les Oilers d’Edmonton (1987) sont les seuls autres clubs à avoir ajouté une coupe Stanley à leur titre de champions de la saison régulière.
Il faudra attendre encore quelques semaines avant de voir si Tampa ajoutera son nom à cette liste de champions ou imitera les Red Wings de 1995-1996 en frappant un mur en finale d’Association.
Ou avant!
Tampa s’est fait évincer en finale d’Association le printemps dernier et en 2015-2016 par les Capitals de Washington et les Penguins de Pittsburgh qui ont ensuite soulevé la coupe Stanley. Une coupe que les Blackhawks de Chicago leur avaient soulevée sous le nez un an plus tôt (2014-2015) dans le cadre de leur troisième conquête en six ans.
Dire que le Lightning est dû tient donc de l’euphémisme.
Mais pour le moment, la saison régulière de 62 victoires et la place qui les attend dans l’histoire ont glissé très loin dans la liste de leurs priorités. Car à l’aube du troisième match, le Lightning doit maintenant être animé par un système d’urgence. Et pas rien d’autre…