Décortiquer les succès d'un franc-tireur
LNH dimanche, 20 févr. 2022. 13:59 vendredi, 13 déc. 2024. 05:34COLLABORATION SPÉCIALE
Au cours des dernières années, une foule de statistiques ont été développées pour tenter de mieux comprendre notre sport national et faire une évaluation plus en profondeur des joueurs et équipes qui nous tiennent à cœur. Que vous les appeliez statistiques avancées, analytiques, ou autre, leur place dans la LNH ne fait que grandir. Elles ne sont pas là pour remplacer la façon traditionnelle de voir la game, mais plutôt pour offrir aux joueurs, entraîneurs, dirigeants, et partisans un nouvel outil pour comprendre en profondeur ce qui se passe sur la glace.
Les statistiques avancées nous permettent de regarder au-delà des buts et des points, analysant plutôt le processus qui mène à la production. En mettant en chiffres les différents aspects du jeu, autant d’équipe qu’individuel, on peut confirmer ou infirmer le eye test et possiblement trouver des joueurs qui sont sous-estimés, que ce soit par manque d’opportunité, une utilisation discutable, ou autre raison. Je me suis récemment penché sur les chiffres les plus importants dans l’évaluation d’un fabricant de jeu. Cette semaine, je me penche sur le meilleur ami du passeur: le franc-tireur.
Pour un tireur d’élite, tout commence sur vidéo pour évaluer la qualité du lancer même. Certains se démarquent par leur précision, d’autres par la puissance, et les meilleurs combinent les deux. Mais c’est bien beau avoir un boulet de canon, il faut savoir s’en servir. C’est là que les statistiques avancées peuvent venir nous aider en tentant de mettre un chiffre sur la qualité non pas du tir lui-même, mais sur la qualité de la sélection de lancers du joueur.
Le mot d’ordre du sniper est simple: atteindre l’enclave à tout prix. Ce n’est pas un secret que de décocher des tirs dans le cœur de l’enclave est la clé du succès. Plus l’on s'approche du gardien adverse, plus on a de chances de le déjouer. C’est un concept basé dans le bon sens et supporté par les statistiques, avec environ 75% des buts marqués chaque année qui viennent de cette partie de la glace. Ce n’est donc pas surprenant de voir les meilleurs buteurs de la LNH parmi les meneurs en tirs de l’enclave cette saison.
Kreider ressort un peu du lot, mais c’est en grande partie à cause de son opportunisme en avantage numérique, lui qui domine la LNH avec 17 buts sur l’attaque massive. Il est aussi particulièrement actif comme présence devant le filet, ce qui n’est pas le cas des autres sur la liste. Il se retrouve malgré tout parmi le top 30 en tirs de l’enclave.
En parlant du top-30, on peut voir que la corrélation ne se limite pas à la crème de la crème. Parmi ces 30 joueurs, 27 ont marqué au moins 15 buts cette saison. Les seules exceptions sont Nathan MacKinnon (raté 14 matchs), Patrick Kane, et Kevin Fiala. Kane, comme les Blackhawks, a de la difficulté à capitaliser sur ses chances cette année. Il n’a marqué que sur 6,8% de ses tirs, de loin sa pire saison et loin en dessous de sa moyenne de carrière de 11,6%. Fiala, quant à lui, n’est qu’à un but du plateau.
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Atteindre l’enclave n’est évidemment pas un jeu d’enfant. Les défenses savent très bien qu’elles doivent protéger le coeur de leur zone et font tout pour garder leurs adversaires en périphérie autant que possible. Les meilleurs fabricants de jeu excellent à repérer leurs coéquipiers dans la zone payante. C’est donc logique que les meilleurs marqueurs soient ceux qui sont capables d’échapper à leur couverture pour se frayer un chemin vers l’enclave et s’offrir comme cible. Pour mettre en chiffre cette habileté, on comptabilise les passes reçues dans l’enclave et la corrélation avec la production est frappante.
Le meilleur buteur de 24 des 32 équipes du circuit Bettman cette saison occupe également le 1er ou 2e rang de sa formation en passes reçues dans l’enclave. Le total monte à 29 si on inclut ceux qui se classent dans le top 3. Les seules exceptions sont Dylan Larkin (4e en passes reçues dans l’enclave pour Détroit), Filip Forsberg (5e), et Brock Nelson (5e), qui ont tous les trois un taux de réussite au-dessus de 18% cette saison, montrant qu’ils sont particulièrement opportunistes, chanceux, ou un mélange des deux . En fait, le meneur des deux catégories est le même pour près de la moitié de la ligue (15 sur 32).
Ce genre de statistiques nous permettent de mieux comprendre les réussites ou les ratés des joueurs à travers la LNH et nous avons un excellent exemple directement sous notre nez en Cole Caufield. Sous les ordres de Dominique Ducharme, Caufield recevait en moyenne 1,1 passe dans l’enclave par match, bon pour le 8e rang chez le CH. Depuis que Martin St-Louis est en poste, cette moyenne a plus que doublé et il en reçoit maintenant 2,5 par rencontre, de loin la meilleure marque chez le Tricolore et il a répondu avec 4 buts en 4 matchs. C’est évidemment un petit échantillon et je ne m’attends pas à ce qu'il maintienne ce rythme, mais c’est un signe extrêmement encourageant. La qualité du tir de Caufield n’a jamais été en question. S’il continue d’être capable de se faufiler en position de marquer, le potentiel offensif est immense.