BUFFALO – C’est l’histoire de deux visions diamétralement opposées par rapport à l’entraînement physique approprié durant le développement des joueurs de hockey qui rêvent d’une carrière dans la LNH.

Dans le coin vert et or, on retrouve la philosophie de Julien Gauthier qui a été élevé dans un gymnase et, dans le coin rouge et bleu, celle de Logan Brown qui commence à peine à s’entraîner.

Ces conceptions ont été confrontées samedi, à Buffalo, dans le cadre des tests physiques des espoirs du repêchage de la LNH. Pour l’occasion, le Canadien avait délégué quelques observateurs qui avaient les yeux rivés sur Pierre-Luc Dubois quand il s’est exécuté de manière très convaincante. Ce contingent regroupait notamment Trevor Timmins (vice-président personnel des joueurs et directeur du recrutement amateur), Pierre Allard (préparateur physique), Larry Carrière (adjoint au directeur général), Shane Churla (dépisteur chef amateur) et Ken Morin (dépisteur amateur).  

Mais revenons à nos deux extrêmes. Gauthier a été initié à l’entraînement dès l’âge de 9 ans et, depuis ce moment, l’espoir des Foreurs de Val-d’Or a principalement partagé son temps entre les arénas et le gymnase. Le reste de ses temps libres a été consacré à se détendre avec une canne à pêche à la main en taquinant le poisson.

Quant à Brown, il a plutôt été épargné par son père, Jeff, qui a joué plus de 700 matchs dans la LNH. À vrai dire, Brown travaille à rattraper l’écart physique qui le sépare de plusieurs joueurs de son âge.

Logan BrownPrécisons tout de suite que Brown n’a jamais souffert de cette vision puisque le géant de six pieds et six pouces s’est illustré partout où il est passé. Il a notamment inscrit 74 points avec les Spitfires de Windsor la saison dernière.

« Parce qu’il était si grand quand il était plus jeune, je ne voulais pas qu’il se blesse donc il ne s’est pas vraiment entraîné. Depuis peu, il a commencé à rattraper les autres qui s’entraînent depuis plusieurs années. Je pense que l’approche a fonctionné parce qu’il est un bon joueur, mais il a beaucoup de marge de manœuvre devant lui pour l’entraînement. En fait, il commence seulement à s’approcher de ce qui ressemble à un physique d’un joueur de la LNH », a avoué Jeff Brown en entrevue avec le collègue Nicolas Landry.

Brown, qui dirige maintenant les 67’s d’Ottawa, n’avait pas besoin d’attendre la journée des évaluations physiques pour savoir que son fils ne dominerait pas la compétition.

« Pour le bench press, il ne sera pas dans les meilleurs, c’est certain et c’est encore plus vrai avec ses longs bras! Mais, comprenez-moi bien, il est en bonne condition physique. Je voulais simplement éviter qu’il se blesse parce qu’il grandissait trop vite », a poursuivi le paternel.

Brown aurait peut-être souhaité ne pas avoir vu si juste. En effet, son fils a dû se limiter à deux petites répétitions sous la barre ajustée avec une charge ciblée entre 70 à 80 % du poids de chaque athlète. À titre de comparaison, Gauthier a accompli neuf répétitions tandis que Samuel Girard s’est classé parmi les meneurs avec 15.

Avec une telle histoire, il fallait bien obtenir la vision de Logan et le prometteur joueur de centre gaucher n’a pas déçu dans ses réponses.  

« Il ne voulait pas que je m’entraîne parce qu’il avait peur que j’arrête de grandir. Quand je suis arrivé à six pieds cinq pouces, je lui ai dit ‘Allez papa, c’est à peu près temps que je rentre dans le gymnase. Je ne peux pas devenir plus grand!’ », a répliqué Logan en taquinant son père.

Chose certaine, Brown a pu se reprendre sur la patinoire. Force est d’admettre qu’il est plus facile de rattraper un déficit de masse musculaire à 18 ans qu’un retard pour les habiletés avec la rondelle.

« C’est peut-être un petit désavantage présentement, mais pour moi à St. Louis, il y avait toujours des disponibilités pour les patinoires donc j’étais sur la glace pratiquement cinq heures par jour. L’été, j’étais là tous les jours et je pense vraiment que j’ai beaucoup développé mes habiletés et surtout l’agilité de mes mains. C’est aussi bénéfique pour la passion du sport, c’est là que les jeunes tombent en amour avec le hockey », a raconté Logan avec pertinence.

Tout le contraire pour Gauthier

Il aurait été impossible que Gauthier suive un chemin similaire à Brown. En fait, il aurait fallu qu’il renie l’ADN de sa famille pour que ça se produise. Son grand-père était culturiste et lutteur, son père était culturiste et son oncle, Denis, était un imposant défenseur dans la LNH.

Naturellement, mais en investissant les heures requises, Gauthier a ainsi développé un physique plus qu’impressionnant. Ça ne veut pas pour autant dire que ça lui conférait un avantage et qu’il allait pulvériser les tests.   

Julien Gauthier« Pas tant, parce que je ne m’entraîne pas pour être un culturiste, mais plutôt un joueur de hockey. Je ne m’entraîne pas pour bien paraître sans chandail, j’ai surtout de grosses jambes », a lancé Gauthier en riant.

Le droitier des Foreurs s’est d’ailleurs surtout démarqué au saut en longueur (avec un départ immobile) et au saut vertical (sur place).

Après avoir sué aussi souvent dans la salle d’entraînement, Gauthier voulait tout de même en exposer les bénéfices.

« Ça démontre que tu es sérieux dans ce que tu fais et que tu es dédié à ta passion. Ça peut être un bon atout. Je ne suis pas le meilleur dans tous les tests, mais je voulais montrer ce que je pouvais faire », a reconnu l’auteur de 41 buts et 16 passes en 54 matchs en 2015-16.

Gauthier se laissait quand même une certaine liberté quand il a étalé ses attributs physiques devant les 30 équipes de la LNH.  

« C’est un gros événement, c’est là que tu montres ce dont tu es capable. Je m’entraîne depuis un bout et je me suis préparé pour ça, mais je ne veux pas m’imposer de pression supplémentaire. Ce n’est pas une compétition avec un prix au meilleur à la fin », a interprété Gauthier.

À ce propos, Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH avait rappelé, vendredi, que les résultats servaient avant tout à donner une idée du potentiel physique des candidats aux formations.

« Je suis plutôt léger présentement à 210 livres environ. Quand j’aurai autour de 22 ans, quand je serai un homme, je vais probablement me situer autour de 225. Mais avant que mon corps ne se développe, je ne dois pas prendre trop de poids parce qu’il faut être capable de suivre la cadence des joueurs plus petits », a précisé celui qui s’entraînera avec le préparateur physique des Sénateurs d’Ottawa.

Brown, qui pourrait très bien être repêché dans le top-10, constitue l’un des meilleurs exemples de cette affirmation.

« J’ai été parmi les plus gros toute ma vie et c’était suffisant. Mais là, j’essaie de faire le saut dans la LNH. Évidemment, il faut devenir fort pour jouer contre ces hommes », a admis Logan qui fait saliver plusieurs partisans du Canadien.

Prêt plus rapidement pour la LNH?

Même si Gauthier a vu sa cote perdre un peu de sa valeur dans les derniers mois, l’attaquant de puissance risque d’être capable de s’établir dans la LNH avant Brown en raison de cette différence physique.  

Sans que la question soit axée sur la comparaison avec Brown, Gauthier se dit prêt sans tarder.

« Ça pourrait être le cas. Bien sûr, ça exige une combinaison de quelques facteurs (pour que ça fonctionne), mais, physiquement, c’est le cas », a répondu Gauthier.

D’ici le repêchage (24 et 25 juin), vous ne serez pas surpris de savoir que le Québécois retournera se préparer pour la suite de sa carrière en se rendant au gymnase. Parions toutefois qu’il s’évitera le redoutable test wingate (30 secondes de vélo en puissance) qui malmène les joueurs année après année.

« Ce sont 30 secondes qui ont l’air de durer une heure! », a avoué Gauthier, avec le sourire du devoir accompli.

* Pour les intéressés, les résultats complets des différents tests physiques sont disponibles à cette adresse.