Les mots « talent exceptionnel » sortaient de la bouche de Steve Yzerman et des membres de l’état-major du Lightning de Tampa Bay lorsqu’ils ont sélectionné Jonathan Drouin au troisième rang de la cuvée 2013.

C’est pour mettre la main sur ce talent exceptionnel que les recruteurs du Lightning avaient décidé, comme l’Avalanche du Colorado (Nathan MacKinnon) et les Panthers de la Floride (Aleksander Barkov) avant eux, de lever le nez sur le défenseur Seth Jones qui était pourtant l’espoir numéro un de cette cuvée.

Les mots «talent exceptionnel » étaient toujours associés au petit attaquant rapide et doué quand il a été retourné à la LHJMQ. Idem quand il a été envoyé bien malgré lui dans la Ligue américaine pour y faire ses classes alors que les blessures ralentissaient son apprentissage dans la LNH.

En séries l’an dernier lorsque Jon Cooper se passait de Drouin, le talent exceptionnel n’était jamais remis en question. C’est le manque d’expérience, une certaine immaturité sur la glace et l’habitude de Cooper de jouer à sept défenseurs et 11 attaquants qui minaient les chances du Québécois.

Et vous savez quoi? Même pendant le purgatoire qui a suivi sa décision de s’évader de Syracuse et de quitter une Ligue américaine qu’il considérait comme une prison et non un tremplin vers la LNH, les membres de l’état-major du Lightning parlaient toujours du talent exceptionnel de l’ailier gauche âgé de 20 ans. Bon! Quelques qualificatifs pas très polis devançaient et suivaient les mots talent et exceptionnel lors des discussions avec les dirigeants du Lightning qui oscillaient entre colère et déception lorsqu’il était question de leur surdoué un brin trop rebelle. Peut-être même deux...

C’est d’ailleurs parce qu’il refusait de voir ce talent exceptionnel venir le hanter après une transaction conclue sous le coup de la colère et de la déception que Steve Yzerman a refusé de «donner» Drouin alors qu’il était offert à tous les clubs de la LNH pendant sa cavale.

Double victoire

Cette prudence rapporte gros à Yzerman et au Lightning qui parlent encore avec joie de Drouin et de son talent exceptionnel. Car en raison de la perte de Steven Stamkos qui s’est fait retirer un caillot sanguin sous la clavicule droite le 4 avril dernier, le talent exceptionnel de Drouin profite au Lightning.

Cette prudence rapporte aussi à Drouin.

Vendredi dernier, il a marqué le troisième but de son équipe pour confirmer une victoire de 3-1 qui avait permis au Lightning de prendre les devants 1-0 dans la série l’opposant aux Penguins. Lundi soir, dans une cause perdante, Drouin a marqué son deuxième but de la finale de l’Est, son troisième en 12 matchs de séries ce printemps. Il revendique aussi huit passes dont trois récoltées au cours de la seule quatrième partie de la série opposant le Lightning aux Red Wings en première ronde.

Du « talent exceptionnel » qui était au mieux confiné au sein d’un trio défensif et au pire sur la galerie de presse, Jonathan Drouin est maintenant un atout dont le Lightning, à commencer par l’entraîneur-chef Jon Cooper, ne peut se passer. Ses 11 points en 12 matchs et surtout son différentiel neutre contrastent avec son différentiel de moins-6 qui était la seule statistique associée à son nom en sept matchs de séries disputés l’an dernier.

« J’étais une source offensive au sein d’un trio essentiellement défensif. Cette année, je suis utilisé dans un rôle qui m’offre la chance de contribuer davantage », a commenté Drouin que j’ai croisé dans le vestiaire du Lightning vendredi dernier après l’entraînement matinal de son équipe.

Drouin a ensuite simplement souri lorsque je lui ai demandé s’il considérait avoir gagné la guerre des nerfs qui l’a opposée à son directeur général Steve Yzerman. Le Québécois qui vient de célébrer ses 21 ans fait bien d’avoir le triomphe humble et discret. Car Steve Yzerman est un DG dur, intransigeant, un homme de hockey qui n’acceptera jamais une mutinerie de la part d’un des joueurs. Surtout de la part d’un blanc bec de 20 ans. Peu importe son exceptionnel talent.

Mais il est clair qu’en évoluant au sein d’un trio piloté par Valtteri Filppula et complété par Ondrej Palat, Drouin occupe un rôle qui lui va bien mieux que celui de l’an dernier alors qu’il était dans l’ombre du géant Brian Boyle. De fait, quand on regarde ce trio, Drouin et Palat sont les valeurs offensives du trio alors que Filppula, un joueur de centre solide dans toutes les facettes du jeu, représente la police d’assurance défensive au sein du trio.

L’œuf ou la poule?

Plus que les statistiques, l’attitude démontrée par Drouin la glace, l’effort qu’il déploie, sa manière évidente de prendre les moyens nécessaires pour mousser ses chances de réussite offensive sautent aux yeux. En première période et aussi un peu en deuxième – en troisième, tous les joueurs du Lightning ont abandonné sur une banquise dominée par les Penguins – Drouin était le meilleur patineur du Lightning. Il était rapide. Il était impliqué. Il contestait les rondelles le long des bandes. Il bataillait pour les voler, pour les protéger ensuite. Il s’interposait en zone neutre. Drouin jouait au hockey au lieu de simplement récolter le fruit du travail des autres et de compléter grâce à sa touche magique, à son talent exceptionnel.

Comme si le petit gars qui est parti du club-école en claquant la porte du vestiaire du Crunch en janvier parce qu’il était fâché de ne pas pouvoir jouer avec les grands avait mûri. Avait compris.

Dans le camp Drouin, on assure que non. On assure que le petit gars a toujours affiché la même maturité. On assure que c’est simplement le rôle qu’il remplit aujourd’hui qui lui sied mieux. Que les résultats auraient été les mêmes l’an dernier en pareille circonstance.

Comme on ne saura jamais vraiment si c’est la poule ou l’œuf qui est venu en premier, bien malin qui peut dire si Drouin a appris du calvaire qu’il a grimpé cet hiver ou s’il est simplement mieux utilisé. Et il s’en trouvera toujours pour défendre sa décision de quitter son organisation en guise de protestation. Un geste que j’ai dénoncé l’hiver dernier et que je dénonce encore aujourd’hui.

Mais tout ce qui compte, c’est que le petit gars est aujourd’hui transformé et qu’il est arrivé pour de bon dans la LNH?

Sera-t-il toujours un Lightning?

L’avenir de Steven Stamkos en Floride aura certainement un impact direct sur celui de Drouin. Mais Drouin n’est plus à paria au sein de son organisation. De fait, il ne l’a sans doute jamais été. Sans quoi il ne serait pas avec le Lightning en ce moment.

Et même si Stamkos devait revenir au jeu lors en cours de finale de l’Est ou en finale de la coupe Stanley, il est clair que le Lightning n’écarterait pas Drouin du revers de la main simplement pour faire une place au capitaine. Je ne prétends pas que Drouin a déjà atteint le statut de Stamkos, d’un des membres des triplets, voire d’Alex Killorn. Mais maintenant que Drouin est plus qu’un simple « talent exceptionnel », il fait partie des solutions et non des problèmes.

Toute une progression!

Duel Vasilveskiy-Murray

Le hockey est une science bien inexacte. En fait, ce n’est pas une science du tout. Mais bon...

Lundi soir, le gardien Andrei Vasilveskiy a été le meilleur joueur des deux équipes sur la patinoire du Consol Energy Center. En relève à Ben Bishop, il a repoussé 38 des 41 tirs des Penguins. Avec plusieurs gros arrêts, dont son vol aux dépens de Sidney Crosby, il a confirmé les prétentions selon lesquelles il est peut-être le meilleur gardien auxiliaire de la LNH. Un futur solide numéro un.

Vasilevskiy a été bien meilleur que Matt Murray (deux buts accordés sur 19 tirs) qui a été un brin généreux sur le but accordé à Jonathan Drouin en fin de première période. Un but qui effaçait l’avance de 2-0 que lui avaient offerte ses coéquipiers. Mais Vasilveskiy a perdu.

C’était prévisible.

Les Penguins n’avaient pas perdu deux matchs de suite depuis les 12 et 15 janvier dernier (Caroline et Tampa Bay). Ils devaient offrir une bien performance que vendredi pour éviter de tomber 0-2 avant leur départ vers la Floride.

Ils l’ont fait.

Sidney Crosby qui n’avait pas marqué depuis le 4e match de la première ronde contre les Rangers allait bien débloquer un jour. Il l’a fait en surprenant Vasilevskiy 40 secondes seulement après le début de la prolongation. Evgeni Malkin a prolongé à six sa série de matchs sans récolter de point, mais si Crosby se met en marche et que les troisième et quatrième trios continuent de produire comme ils le font, le Lightning devra être bien meilleur qu’il ne l’a été hier pour contenir les Penguins.

En passant, Phil Kessel a enfilé son 6e but des séries. Avec ses six buts et 14 points en 13 matchs, Kessel partage le 4e rang des marqueurs de la LNH en séries avec Joe Pavelski (9 buts, 5 passes), trois points derrière le meneur Logan Couture (7 buts, 10 passes).

Kessel affiche maintenant 35 points en 35 matchs de séries dans la LNH.

Finalement sorti de sa cachette, le franc-tireur et ses compagnons de trio (Nick Bonino et Carl Hagelin) revendiquent 34 points depuis le début des séries. De fait, ils affichent une récolte combinée prodigieuse de 77 points (29 buts) lors des 28 matchs disputés depuis qu’ils ont été réunis le 13 mars dernier en raison d’une blessure subie par Evgeny Malkin.

Malgré la défaite, le Lightning n’est pas mal pris avec Vasilevskiy devant le filet.

Malgré la victoire, Matt Murray donne de plus en plus l’impression de Marc-André Fleury pourrait retrouver son filet. En revenant derrière le banc au terme du premier entracte, l’entraîneur-chef Mike Sullivan a lancé un « sois prêt » qui a été relevé par les caméras de la CBC. Sullivan n’avait pas à lancer cet avertissement au gardien sorelois. Il l’est déjà!

La série se poursuivra mercredi à Tampa Bay.