BUFFALO – Alors qu’il se préparait à entamer sa saison la plus importante, celle qui détermine son sort au repêchage de la LNH, Pascal Laberge a eu l’impression que le monde s’était écroulé autour de lui.

À 17 ans seulement, Laberge a été frappé de plein fouet par les injustices de la vie. Il a compris le privilège de jouir d’une santé acceptable quand son père a appris qu’il souffrait d’un cancer et que sa belle-mère est décédée deux mois après avoir reçu un diagnostic plus sévère.

Comme si ce n’était pas assez, la mère de Laberge doit se battre avec l’implacable sclérose en plaques.

Dans de telles circonstances, il aurait été étonnant que Laberge connaisse un début de saison fulgurant. Entouré par ses proches, sa famille de pension, les dirigeants des Tigres de Victoriaville et ses coéquipiers, il a appris à composer avec ces épreuves et il a retrouvé sa touche.

Laberge admet que le dévoilement de son histoire dans les médias (racontée en primeur par notre collègue Mikaël Filion) lui a permis de se libérer d’une imposante pression.

« C’est certain, parce que les recruteurs ne le savaient pas. Ils étaient dans les gradins à me regarder, à se dire que j’ai de la difficulté à jouer et que je ne suis pas au sommet mon jeu. Quand c’est sorti, j’ai vraiment senti qu’ils comprenaient que ce n’était pas une situation facile pour moi », a reconnu Laberge dans un entretien d’une grande franchise aux évaluations de la LNH à Buffalo.  

« J’étais content que ce soit raconté, je gardais ça en dedans depuis un certain temps. Je savais que je ne jouais pas du bon hockey, mais ma tête n’était pas là. Je suis juste heureux d’avoir eu du support de mon équipe et de ma famille de pension », s’est-il rappelé.

Cette information a été confirmée par Bruce Richardson qui était son entraîneur durant cette tempête personnelle.

« Oui, parce que ça allait moins bien en début de saison et les gens pouvaient le juger sans le savoir. Au moins, dans la LNH, les clubs s’informent et ils apprennent souvent des choses en arrière-scène que les partisans ne voient pas. Ça lui a enlevé une certaine pression et il a pu jouer plus aisément ensuite », a-t-il exprimé.

Puisque le hockey est devenu un baume, Laberge a raté une seule partie à la suite du décès de sa belle-mère.

« Les gars m’ont texté, ils ont dit qu’ils allaient gagner le match pour moi et ils l’ont fait », a souligné le droitier avec reconnaissance.

Richardson, qui l’a également dirigé dans le Midget AAA à Châteauguay, a joué un rôle majeur pour l’épauler et lui remonter le moral.  

« On est proche, on a vécu beaucoup de choses ensemble et on a créé un lien de confiance. Il savait que ce que je disais était pour son bien », a-t-il raconté au RDS.ca.

« Quand il est venu dans mon bureau et qu’il pleurait, je lui disais que si ça n’allait pas bien pour lui dans sa pension, ça allait juste empirer les choses et stresser sa famille. Au contraire, s’il était en contrôle, ils seraient moins inquiets et ils pourraient s’occuper de recouvrer la santé. Il a suivi ce conseil et il est passé à travers comme un homme », a souligné Richardson.

Preuve de son caractère, Laberge ne s’est jamais réfugié derrière son histoire pour justifier certaines choses.  

« Il a traversé des périodes très difficiles et c’est tout à son honneur que, si tu ne grattes pas son passé, tu ne t’en aperçois pas sur la patinoire », a vanté un recruteur d’une équipe de l’Association Est.

« On en a entendu parler et on considère le tout dans nos évaluations. D’ailleurs, on en a discuté entre dépisteurs de notre club », a avoué un dépisteur d’un club de l’Ouest.

Certes, Richardson a été impressionné par l’attaquant de six pieds un pouce et 174 livres.

« Quand il était à l’aréna, je ne l’ai jamais vu se servir de ça comme une excuse », a-t-il tenu à préciser.

Dans ce sens, Laberge a apprécié le fait que les dirigeants des équipes de la LNH lui ont accordé le bénéfice du doute pour un manque de constance dans ses prestations.

« Les équipes ne m’ont pas tant parlé de ça, ils savaient que j’ai vécu beaucoup d’adversité dans ma famille et que je n’avais pas toujours la tête au hockey. Dans les gros matchs, j’ai répondu présent », a témoigné Laberge avec pertinence.

Pascal LabergeParlant de ces grands rendez-vous, Laberge a gagné une multitude de points quand il a été choisi le joueur par excellence de l’équipe Orr au match des meilleurs espoirs.

Cette performance a favorisé son classement parmi les 30 joueurs les mieux cotés selon la plupart des prévisions publiées.

« Je pense que j’ai fait écarquiller les yeux de plusieurs directeurs généraux et recruteurs en jouant une super belle partie.  Depuis ce match, les équipes me parlent plus », a confirmé le sympathique athlète qui est rétabli d’une fracture à une main.

« Ce n’est pas nouveau. Dans le Midget AAA, je lui avais dit que je voulais qu’il devienne un joueur d’élite et que j’allais le traiter ainsi pour le faire progresser dans ce sens. Je l’ai vu jouer des grosses parties en séries et à la coupe Telus. Il a gagné en confiance à partir de là », a noté Richardson qui voit des allures de Tyler Seguin chez Laberge.  

Des rapports encourageants dans les circonstances

En se plaçant dans ses patins, personne n’aurait pu reprocher à Laberge de connaître une saison décevante. Malgré tout, il est parvenu à puiser dans ses ressources pour récolter 23 buts et 45 aides (68 points) en 56 rencontres et ce n’est pas passé inaperçu.

« C’est un très bon joueur offensif avec de belles qualités avec la rondelle. Cependant, d’un match à l’autre, tu ne sais pas toujours à quoi t’attendre de sa part. Par contre, ça me semble attribuable à son âge et c’est mieux de miser sur un jeune talentueux que sur un joueur que tu espères qu’il devienne talentueux », a décrit un deuxième recruteur de l’Ouest.

« Sa saison s’est un peu déroulée en montagnes russes autant sur la glace qu’à l’extérieur, mais il a vraiment élevé son jeu d’un cran en deuxième moitié de saison. On aime ses capacités avec la rondelle et à marquer. Par contre, on voudrait le voir démontrer un peu plus de hargne en utilisant davantage son physique », a évalué Dennis MacInnis, le directeur de la firme spécialisée ISS Hockey.

« Je crois que le meilleur est à venir dans son cas. Il est un attaquant talentueux, avec de la vitesse, un bon sens du hockey et une touche de marqueur. Je pense qu’il peut devenir un joueur spécial », a évoqué Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH, qui ne connaissait pas son histoire personnelle.

À l’heure du bilan, les classements indiquent que son nom devrait retentir au micro entre les échelons 25 à 45. Ce portrait s’explique par quelques lacunes à peaufiner.    

« Je vais être honnête, j’ai un peu de misère dans son cas. J’ai été le voir souvent et il est très bon avec la rondelle surtout profondément en zone offensive. Il est vraiment efficace, il s’arrange pour envoyer la rondelle au but. Par contre, sans la rondelle, il a beaucoup de choses à apprendre et il doit aussi devenir plus fort des jambes », a admis le premier recruteur de l’Ouest qui a été sondé.

« Il doit améliorer son côté défensif, mais il a démontré une belle progression là-dessus. Ça démontre qu’il a un désir de mieux faire dans cet aspect », a mentionné l’homme de confiance en sol québécois d’une équipe de l’Est.

Pascal LabergeComme il l’admet lui-même, Laberge devra s’attarder aux faiblesses de son arsenal. Ceci dit, il est convaincu qu’il n’aurait pas fait tout ce chemin s’il n’avait pas été échangé des Olympiques de Gatineau aux Tigres.

« Ç’a tout changé, je ne pense pas que je serais le même joueur de hockey si j’étais resté à Gatineau. Les Olympiques ne m’ont pas vraiment donné ma chance et ils n’avaient pas confiance en moi, on dirait. C’était le contraire quand je suis arrivé à Victo, ils m’ont placé dans des situations pour apprendre et je suis vraiment reconnaissant envers les Tigres », a jugé le jeune avec son franc-parler.

Si la connexion ne s’est jamais établie avec Benoit Groulx et les Olympiques, Laberge considère, avec le recul, qu’il a appris de son passage sous les ordres de cet entraîneur.

« On n’a pas eu de problème ensemble. C’est plus qu’il voulait gagner la coupe cette année-là, il avait beaucoup de bons joueurs à sa disposition et je suis celui qui a été sacrifié. J’ai quand même beaucoup appris de lui. C’est un entraîneur tough, il veut tirer le meilleur de chaque joueur. Ce n’est pas toujours plaisant, mais c’est pour le mieux », a analysé celui qui avait constitué le deuxième choix du repêchage LHJMQ.

Sans l’ombre d’un doute, Laberge respire plus le bonheur qu’il y a quelques mois. Sa sélection au repêchage viendra aussi ajouter une énorme dose de joie dans cette aventure éprouvante.

« Ce sera vraiment la cerise sur le sundae. Toute ma famille poussera un soupir de soulagement et moi aussi. Avoir traversé toutes ces épreuves à 17 ans m’a rendu plus mature », a confié Laberge avec justesse.

Dans les circonstances, on pourrait même aller jusqu’à dire qu’il sera plus heureux que le joueur qui sera choisi au premier rang. Par contre, rien ne lui fait plus plaisir que son père soit en santé et que sa mère demeure positive face à son sort.