MONTRÉAL – Pour Mathieu Perreault, Patrik Laine est parti juste à temps.

Au fil des années, les deux coéquipiers chez les Jets de Winnipeg avaient développé leurs petites habitudes. Dans l’avion de l’équipe, une partie de cartes n’attendait pas l’autre et entre deux matchs en Floride, en Caroline ou en Californie, ils étaient devenus des partenaires de golf assidus.

« On n’allait pas nécessairement souper ensemble sur la route. Avec notre différence d’âge, les conversations n’allaient pas toujours vers les mêmes intérêts. Lui jouait plus à Fortnite, moi je suis un peu trop vieux pour ces affaires-là. Mais quand venait le temps de partir une petite game de quelque chose, on était souvent ensemble », raconte Perreault.

Laine s’est mis au golf sur le tard, à son arrivée en Amérique du Nord. L’expérience de Perreault lui a longtemps permis de conserver un avantage compétitif, mais depuis quelques années, il s’apercevait que les qualités athlétiques naturelles de Laine contribuaient à rétrécir l’écart entre les deux joueurs.

« Il frappait la balle plus loin que moi déjà, ça c’est sûr. Il avait des bonnes mains autour des verts aussi, tu voyais qu’il avait un bon potentiel. Ça n’aurait pas été trop long qu’il m’aurait rattrapé », admet humblement le vétéran.

Même si sa domination sur les tertres n’est plus menacée, Perreault a certainement été attristé de voir partir son ami lorsque l’échange envoyant Laine aux Blue Jackets de Columbus s’est confirmé. La perte d’un coéquipier avec qui on s’était trouvé des affinités provoque toujours un pincement au cœur. Quand ce même coéquipier a le talent pour marquer 140 buts en quatre saisons, la douleur n'en est que plus vive.

La déception que Perreault pourrait ressentir est toutefois amoindrie par deux facteurs. Le premier, c’est que le départ de Laine n’est une surprise pour absolument personne. Le grand Finlandais avait ébruité depuis longtemps son mécontentement quant à sa situation personnelle chez les Jets. L’autre, c’est que le joueur qui s’en vient combler le vide laissé par le tireur d’élite n’est pas piqué des vers non plus.

« Je te dirais que dans la chambre, [le mécontentement de Laine] n’a jamais vraiment été un problème. C’est quelque chose dont son agent et l’équipe discutaient, mais nous, on n’a pas vraiment eu de discussions là-dessus dans le vestiaire. [...] C’est sûr que sa situation au niveau hockey ici à Winnipeg lui convenait un peu moins et il ne s’est pas gêné pour en parler, particulièrement cet été. Ça a été plate que ça finisse comme ça, mais rien n’arrive pour rien. On perd un excellent buteur, mais on se ramasse avec un gros joueur de centre solide. Côté hockey, je pense que ça a été un bon move pour les Jets. »

Perreault ne connaît pas Pierre-Luc Dubois personnellement. Les deux joueurs ne se sont jamais croisés dans les arénas du Québec durant la saison morte, mais Perreault a hâte de faire la rencontre de son compatriote. Depuis qu’il est arrivé au Manitoba, en 2014, le Drummondvillois a eu un seul coéquipier québécois, soit le Rimouskois Gabriel Bourque l’an dernier.

L’idée de pouvoir sortir plus souvent son français n’est toutefois pas ce qui excite principalement Perreault avec la venue de Dubois. Ce dernier a aussi l’avantage d’être un joueur plus que potable, un joueur qui offrira aux Jets une profondeur impressionnante à la position de centre. Un joueur, aussi, qui semble fait sur mesure pour le style de jeu de sa nouvelle formation.

« On ne joue pas souvent contre Columbus, juste deux fois par année, alors j’ai peut-être joué cinq ou six fois contre lui. Mais à chaque match, il avait la rondelle pendant toute la game. Il faisait la différence, il était dominant. Il rentrait dans les coins et il sortait toujours avec la rondelle. C’est une de ses forces et c’est aussi la façon dont Paul Maurice aime qu’on joue. Il aime les gars qui rentrent dans les coins, qui travaillent fort et qui se servent de leur corps. Je pense qu’il va vraiment bien rentrer dans le moule ici. »

Une frousse au ballottage

À Winnipeg, Dubois se greffera à un groupe tissé serré. Le noyau des Jets est constitué de neuf joueurs qui sont ensemble depuis au moins cinq ans. Arrivé comme joueur autonome en 2014, Perreault est l’un des membres les plus anciens de ce groupe de leaders. Il a toutefois eu bien peur d’en être éjecté en début de saison.

Pour des motifs administratifs, les Jets ont soumis le nom de Perreault au ballottage le 11 janvier. Le directeur général Kevin Cheveldayoff lui avait expliqué que son salaire dissuaderait probablement les autres équipes de la LNH de le réclamer. Paul Maurice lui avait assuré qu’il y avait encore une place pour lui dans son alignement si jamais ce scénario se concrétisait.

Néanmoins, les 24 heures pendant lesquelles son avenir était en suspens n’ont pas été agréables.

« J’étais un peu nerveux, honnêtement. C’est sûr que s’il y a une équipe qui te prend, c’est qu’elle a des bonnes intentions pour toi et ça peut être bon pour ta carrière. Mais en même temps, je désirais rester. Ma famille est ici, j’ai trois enfants qui sont inscrits à l’école. Le déménagement pour une courte saison comme ça, ça n’aurait pas été facile. J’étais content d’avoir passé, même si on s’en attendait quand même un peu. »

Maurice a tenu promesse en plaçant Perreault à l’aile gauche de son troisième trio. L’ancien du Titan d’Acadie-Bathurst y est accompagné d’Adam Lowry et Mason Appleton.  

« J’aime notre ligne, ce qu’on est capable de générer et l’énergie qu’on amène. On est souvent opposés aux meilleurs trios de l’autre côté, on a un rôle défensif important pour l’équipe. Jusqu’à présent, je suis bien satisfait du déroulement des choses. »

Les Jets connaissent un bon début de saison. Après dix parties, ils montrent une fiche de 6-3-1 et occupent le troisième rang au classement de la division toute canadienne. La veille de son entretien avec RDS, Perreault avait joué 11:36 dans une victoire de 3-2 contre les Flames de Calgary.

Pour certains, qui attendaient peut-être davantage les Flames, les Oilers ou les Canucks dans le top-3, le bon départ des Jets représente une certaine surprise.

« C’est à ça qu’on s’attendait, répond Perreault. Avec l’alignement qu’on a, on s’attend à être capable de rivaliser et de gagner à tous les soirs, donc ce n’est définitivement pas une surprise pour nous. Si tu regardes notre équipe, notre gardien a gagné le Vézina l’année passée. À l’attaque, notre top-6 est aussi bon que n’importe quel top-6 dans la Ligue. La question, c’est peut-être plus à la défense, mais je pense que nos défenseurs jusqu’à maintenant ont fait du super bon travail. On est excité et avec l’arrivée de Dubois, ça va ajouter encore plus de puissance à notre attaque. »