MONTRÉAL – « Malheureusement pour le domaine, il y a encore beaucoup de mensonges qui surviennent. » Cette révélation vient de Serge Payer, mais il n’est pas le seul agent à avoir abondé dans ce sens quand on a consulté quelques intervenants du milieu.
 
Ce domaine n’échappe donc pas encore à ce problème même si la représentation des athlètes est devenue de plus en plus professionnelle au fil des ans. Cette profession s’est éloignée du portrait présenté dans le documentaire Junior, diffusé en 2007, mais il reste vraisemblablement du chemin à parcourir.
 
« Je pense que ça existe (les mensonges ou les fausses promesses) dans tous les domaines de vente, il faut être réaliste. Que ce soit le hockey ou l’immobilier, il y a toutes sortes de gens en affaires. Certains agents sont très bons et loyaux tandis que d’autres disent un peu n’importe quoi pour vendre leur salade. On veut rester dans l’honnêteté et donner l’heure juste aux hockeyeurs qu’on représente », a ajouté Payer qui représente quelques joueurs dont William Bitten, Rémi Élie, Stepan Falkovsky, Andrew Peeke, Mat Robson, Marco Rossi et Mavrik Gauthier en tant que responsable du volet nord-américain de l’agence Unlimited Sports Management.
 
En devenant agent avec des visées bien plus modestes que certains confrères, Samuel Perreault voulait s’assurer de ne pas tomber dans ce piège.
 
« Mon but, c’est d’aider ces jeunes à devenir de bonnes personnes. Quand ils parlent avec moi, c’est toujours honnêteté et loyauté avant tout. C’est comme ça que je mène ma vie et je voulais offrir la chance à des joueurs d’être représenté par une personne qui n’est pas dans la game juste pour faire de l’argent », a expliqué cet officier des Forces armées canadiennes.
 
Perreault se fait même un devoir de ne jamais approcher un joueur qui a déjà un contrat avec un autre agent. À ce chapitre, il représente une exception dans la profession.
 
« Je n’ai jamais eu un agent qui a essayé de prendre l’un de mes joueurs et je ne ferais pas ça non plus. Je ne changerai pas mon approche uniquement parce qu’il y a un signe de piastre au bout de la ligne », a maintenu Perreault.
 
Changer d’agent en cours de carrière demeure un phénomène qui se produit régulièrement. On n’a qu’à penser à Max Pacioretty qui a renoncé aux services de Pat Brisson lors d’une période critique de sa carrière. Pour les agences plus petites, la perte d’un client devient encore plus douloureuse. Il faut donc trouver une manière de se distinguer et Paul Corbeil mise sur quelques éléments. En plus de sa proximité avec ses joueurs, il s’assure d’être un excellent vendeur pour ses joueurs et il se fie sur son parcours de juriste pour proposer des perspectives différentes à ses clients.
 
« Un directeur général me disait même à quel point j’avais du recul comparé à d’autres agents qui sont trop proches du problème », a raconté celui qui est habitué aux relations à long terme avec ses joueurs, mais qui a aussi déjà perdu Jonathan Marchessault.
 
Agent de longue date, Gilles Lupien a mené plusieurs batailles de front. Il prétend qu’il est l’un des rares à se lever pour défendre les jeunes joueurs.
 Allain Roy
« Ça fait 30 ans que je me bats pour la relève, mais je suis vu comme le tata de la patente », a-t-il lancé pour dénoncer le contexte actuel.
 
« Les autres agents ne se lèvent pas pour les protéger. Par contre, où il y a de l’argent à faire, comme avec les services avec de fiscalistes et d’assurances, tout le monde est là! », a-t-il ajouté.
 
Lupien en veut surtout aux agents influents qu’il ne croise pratiquement jamais dans les arénas selon ses dires. Payer ne se classe pas dans cette catégorie. D’ailleurs, il ne vise pas le haut du pavé.
 
« Notre mission n’est pas de devenir la plus grande agence au monde, mais d’avoir du plaisir en aidant les jeunes qui veulent connaître du succès au hockey et d’avoir une influence positive sur eux. Ce n’est pas pour rien qu’on a un programme de mentorat pour aider les joueurs sur la glace et à l’extérieur », a-t-il précisé.
 
Le défi imposé par Donald Trump  
 
Afin de ne pas être relégué à un rôle de spectateur, les agences doivent innover et suivre les nouvelles tendances. Cette profession exige donc une capacité d’adaptation et un défi de taille est survenu le 1er janvier 2018. Durant son premier mandat à la présidence américaine, Donald Trump a bouleversé bien des choses sur son passage et il n’a pas épargné ce milieu. Ainsi, les frais versés aux agences ne sont plus déductibles d’impôt aux États-Unis ce qui force les agents à se démarquer.
 
« Le sujet de conversation qui revient souvent maintenant, c’est ‘Je te paie, mais pourquoi ?’ Ce changement impose une pression différente sur notre profession parce que les joueurs veulent en avoir plus pour leur argent », a convenu Allain Roy, le président de RSG Hockey.
 
Voici l’un des facteurs qui pousse les agences à garnir davantage leur catalogue de services pour leurs athlètes. Chaque agence doit être à l’affût de ses compétiteurs pour ne pas s’éloigner du peloton.
 
« Oui, ça fait une différence que Trump ait changé ça. Mais, en fin de compte, si tu fournis un bon service à un joueur, il en est très reconnaissant. On a des jeunes qui nous appellent pour nous dire qu’ils n’ont pas encore reçu notre facture. C’est touchant, ils sont reconnaissants de notre aide », a commenté Payer.
 
Précisons que ces dépenses n’ont jamais été déductibles au Canada. Tout de même, on pourrait croire que les joueurs profiteraient de la situation pour se tourner vers les agences qui offrent la « totale » tant qu’à payer des montants considérables. Aux yeux de Corbeil, l’accessibilité vaut encore son pesant d’or.
 
« C’est comme un bureau de trois ou quatre avocats dans lequel tu peux entrer et t’asseoir avec ton avocat facilement. De l’autre côté, tu as le gros bureau de 200 avocats où tu ne pourras pas cogner à la porte le matin et rencontrer ton avocat. On est vraiment axés sur le service. Il y a d’excellents avocats dans les deux types de firmes et tu n’es pas mieux défendu dans le gros bureau », a soutenu Corbeil.
 
Un phénomène inverse dans quelques années?
 
Il n’y a rien qui anime autant les entrepreneurs que la croissance, mais ce n’est pas toujours évident de la gérer adéquatement. Dans ce monde particulier, les agences doivent bien doser leur évolution puisque les joueurs veulent être traités aux petits oignons.
 
Les agents consultés le savent et leurs intentions sont claires à ce sujet.
 
« Le message à mon équipe c’est ‘Oui, on grandit, mais on ne veut pas de quantité et plutôt de la qualité. Dans la prochaine année, on grandira avant tout par l’ajout de services », a indiqué Roy.
 
« La consolidation, c’est intéressant d’un côté sauf qu’il y a plusieurs exemples démontrant que ça n’a pas fonctionné avec de grandes agences. Il y a vraiment une masse critique à ne pas dépasser. Quand tu es un agent, tu es confortable avec un certain nombre de joueurs. Si tu franchis cette quantité, ça finit par poser problème. Il faut faire très attention de ce côté », a reconnu Roy.
 
La formule consacrée, c’est qu’il ne faut pas que « les joueurs se sentent comme un numéro ».
 
Quand on lui demande de se projeter vers l’avenir, Roy n’exclut pas la possibilité que ce courant vers la consolidation s’atténue et que les agences préfèrent réduire quelque peu leur taille.
 
« Comme dans la majorité des domaines, ça fonctionne par cycle et ça devrait revenir un peu vers le style boutique éventuellement. Maintenant, ça se dirige plus du côté monétaire. Les gars se disent ‘Si on pousse ensemble pour grandir, on va vendre la compagnie et encaisser’ », a constaté le président de RSG Hockey qui se situe dans le top-5 des agences pour les contrats actifs de joueurs de la LNH.