Par Nicolas Landry - Les statistiques peuvent laisser croire qu'il est un athlète sur son déclin, mais à Toronto, Jean-Sébastien Giguère s'en va rejoindre deux hommes qui, comme lui, sont convaincus du contraire.

Et c'est parce que le directeur général des Maple Leafs et son entraîneur des gardiens sont habités de cette certitude que Giguère, l'oiseau rare autour duquel les Ducks d'Anaheim ont été bâtis pour remporter la coupe Stanley il n'y a même pas trois ans, a accepté de jeter sa clause de non-échange aux poubelles et de quitter la chaleur de son nid pour joindre les rangs de l'une des pires formations de la Ligue nationale, l'équipe qui a accordé le plus de buts depuis le début de la saison.

"Je pense que c'était le temps, a confié le vétéran cerbère au RDS.ca quelques heures après que Brian Burke, l'architecte de l'équipe championne dont Giguère a fait partie, eut annoncé la transaction qui les réunit maintenant dans la Ville Reine, dimanche. J'ai adoré jouer à Anaheim. L'endroit et les partisans étaient vraiment fantastiques, mais j'étais dans une situation où j'avais besoin d'un changement, d'essayer quelque chose de nouveau. Je crois que Toronto est un bon fit pour moi."

Après s'être élevé au rang des meilleurs de sa profession pendant un séjour californien de neuf saisons qui a débuté au tournant des années 2000, Giguère était devenu un meuble qu'on ne prenait plus la peine d'épousseter à Anaheim. Coincé derrière un jeune de cinq ans son cadet qui vient tout juste de signer une prolongation de contrat de quatre saisons, il n'a été utilisé que pendant deux matchs et demi en janvier.

Le filet des Ducks ne lui appartenait plus et le message devenait chaque jour beaucoup moins subtil.

"Je suppose que c'est une situation que tout athlète est appelé à vivre à un moment où un autre dans sa carrière. Mais je trouvais qu'à 32 ans, c'était un peu précipité pour moi. J'ai encore une couple de bonnes saisons dans le corps et pour cette raison, je trouvais ça difficile."

"Je travaillais fort, mais je n'obtenais pas de bons résultats, poursuit celui qui a donné cinq buts à chacun de ses trois derniers départs et qui n'a pas gagné un match depuis le 8 décembre. Pour la première fois de ma carrière, chaque fois que je me retrouvais devant mon but, je sentais que j'avais un fusil sur la tempe. Je ne pouvais pas me permettre de perdre. Ce n'était vraiment pas évident, mais j'espère que cette situation a fait de moi un meilleur gardien."

Des visages connus sur une nouvelle planète

En Brian Burke et François Allaire, Giguère retrouvera deux alliés de taille à Toronto.

"J'ai beaucoup de respect pour Burkie, pour le travail qu'il accomplit et le genre d'équipes qu'il dirige. J'ai adoré jouer pour le club qu'il a bâti à Anaheim. Quand il est arrivé avec les Ducks, on comptait déjà sur un bon duo de gardiens et il a commencé à ajouter beaucoup de défenseurs avec les Niedermayer et Pronger. Comme il l'a expliqué, il aime construire ses équipes avec des gros défenseurs difficiles à affronter et c'est ce qu'il tente de faire à Toronto."

Burke n'a pas caché qu'Allaire, un spécialiste dont les enseignements ont poussé Giguère vers les sommets au milieu de la dernière décennie, a joué un rôle important dans ses démarches pour en faire l'acquisition.

"Je suis très excité à l'idée de retrouver François, se réjouit Giguère. J'ai une très bonne relation avec lui, on travaille bien ensemble. Sans aucun doute, ça a été un plus dans ma décision d'accepter la transaction."

Repêché par les Whalers de Hartford, Giguère a disputé une vingtaine de rencontres avec les Flames de Calgary avant d'avoir la chance de lancer sa carrière à Anaheim. Voilà donc un bail qu'il n'a pas baigné dans un milieu où le hockey est une partie importante de la culture et ses expériences précédentes n'ont rien de comparables avec ce qu'il s'apprête à vivre.

"L'expérience sera nouvelle, ça c'est certain. Mais en ayant accédé à la finale de la coupe Stanley à quelques reprises, je sais ce que c'est que d'être entouré de journalistes et de me retrouver dans un zoo, si je peux m'exprimer ainsi. C'était toujours pour de courtes périodes, mais je l'ai quand même vécu et je sais un peu à quoi m'attendre."

Un mentor pour le Monstre

Figure de proue de l'une des formations les plus menaçantes de l'Association de l'ouest au cours des dix dernières années, Giguère arrive à Toronto accompagné d'une solide réputation. Ses patrons savent qu'il commande le respect dans le vestiaire et son nouvel entraîneur compte sur lui pour être le grand frère du jeune Suédois Jonas Gustavsson, avec qui il partagera désormais le filet.

"L'une des choses les plus impressionnantes à propos de Jiggy, c'est le rôle important qu'il a joué dans le développement de ses adjoints à Anaheim, a fait remarquer Ron Wilson lors de sa rencontre avec les médias torontois. Ça prend beaucoup de caractère et de confiance en soi pour accorder autant d'attention à des gars qui pourraient un jour vous voler votre place."

"C'est sûr que je ne m'en vais pas là-bas pour coacher ou quoique ce soit. Ce n'est pas mon travail, répond à cela Giguère. Mais je vais essayer d'être un bon leader et si Gustavsson peut apprendre en me regardant travailler, tant mieux. C'est ce que j'ai fait avec Jonas, c'est ce que j'ai fait avec (Ilya) Bryzgalov."

Il y a des soirs où l'identité du gardien qui plantera ses patins dans la peinture bleue qui mène au but des Maple Leafs ne sera d'aucune importance. Pour faire l'acquisition de Giguère et du défenseur Dion Phaneuf, Brian Burke a sacrifié trois attaquants qui s'étaient chargé de près du tiers de la production offensive de l'équipe depuis le début de la saison.

Les gardiens seront bien protégés, mais qui marquera des buts à Toronto?

"Je n'ai pas vraiment eu le temps de penser à ça!", lance Giguère en riant.