Voici le 1er article d’une série sur le thème des coéquipiers. Chaque article permet, avec un angle différent, d’exposer les liens forts qui unissent des coéquipiers dans le sport. 

MONTRÉAL – Peu importe le niveau atteint, on a tous eu un coéquipier préféré. Un coéquipier qui aurait mérité qu’on lui rende un petit hommage. Pour Ian Laperrière, lui-même reconnu pour avoir été un coéquipier exemplaire, ce partenaire inspirant et marquant a été Luc Robitaille. 

À sa deuxième véritable saison dans la LNH, Laperrière avait été échangé des Blues de St. Louis aux Rangers de New York. Sur le banc, le jeune attaquant de 22 ans regardait autour de lui et il voyait qu’il était entouré de Robitaille, Mark Messier, Adam Graves, Pat Verbeek, Alex Kovalev, Ray Ferraro et compagnie. 

Déjà que c’était fort impressionnant, disons que ce n’était pas le contexte le plus favorable pour les perspectives de sa carrière. Mais, en quelques mois à peine, il a tissé un lien très fort avec Robitaille qui a été son cochambreur avec les Rangers. 

Laperrière a trouvé une oreille attentive, et surtout de précieux conseils, auprès de Robitaille et son aide a été particulièrement précieuse quand il a été échangé, de nouveau, aux Kings de Los Angeles. 

« On sait tous que Luc, c’est une coqueluche là-bas, je devrais même dire une légende! Il m’avait dit ‘Je te connais, sois toi-même et les fans des Kings vont t’adorer. J’avais suivi son conseil et il a eu raison. J’ai été là pendant neuf ans puis j’ai eu de belles années », s’est-il rappelé.

Laperrière est devenu, à son tour, un favori de cette foule californienne et il s’empresse de dire, en riant, que ce n’était pas pour les mêmes raisons. À cette époque plus robuste, on pourrait simplement dire que ce n’était pas la même colonne de statistiques qu'il garnissait allègrement. 

En tant que recrue avec les Blues, Lappy n’avait pas découvert autant d’atomes crochus avec un coéquipier. Il s’attendait à ce que ça clique naturellement avec Robitaille par leurs affinités québécoises, mais il avoue qu’il en avait douté un peu. 

« Je suis plus jeune que lui (ils ont huit ans de différence). Je le regardais à la télévision, il était comique et sympathique. Je me demandais ‘Est-ce le vrai Luc?’ Bien des gens font ça à la TV, mais quand tu les rencontres en personne, tu es vraiment déçu. Mais lui, dès ma première pratique avec les Rangers, il a été exactement le même et il n’a jamais changé », a confié celui qui agit désormais contre entraîneur-chef du club-école des Flyers. 

« Quand tu es avec Luc, tu te sens bien, il te fait sentir confortable. Que tu sois un petit bonhomme de 6 ans ou une personne de 60 ans, il a tout le temps pour les autres. J’étais un jeune de 22 ans, il n’était pas obligé de me donner du temps, mais il l’a fait », a-t-il ajouté. 

Cette remarque de Laperrière ouvre la porte à un sujet qui s’imposait. Même en tant que journaliste, quand on le côtoie, on sent qu’on peut avoir du plaisir en travaillant. 

« C’est drôle que tu dises ça, c’est la plus grosse leçon que j’ai retenue de lui. C’est un sport, mais c’est une business au final et des milliards sont impliqués. Mais il a toujours eu le gros sourire et c’est une chose qui est contagieuse que j’ai volée de lui », a admis l’ancien attaquant droitier. 

Sur une note plus légère, l’as marqueur lui avait refilé un autre conseil à retenir. 

« Ne sois jamais cheap avec les employés du service aux chambres, ça va être payant pour toi éventuellement. Bien de mes chums disent que je suis cheap, mais pas tant que ça », a rigolé Laperrière. 

Robitaille laissé de côté, les rôles s’inversent

Après deux saisons avec les Rangers, Robitaille est retourné avec les Kings où il a été réuni avec Laperrière. Les deux hommes ont été coéquipiers une troisième fois quand Robitaille est revenu terminer sa carrière à Los Angeles après son aventureuse victorieuse avec les Red Wings de Detroit. 

« Il n’a pas fait ça pour moi. Il m’aime beaucoup, mais ce n’était pas pour cette raison, a-t-il noté en riant. Comme les (Martin) Brodeur et (Claude) Giroux, c’est bizarre de les voir dans un chandail différent. C’était juste normal qu’il finisse sa carrière ici. » 

Ian LaperrièrePendant ce dernier droit de sa carrière, l’entraîneur Andy Murray l’avait contraint à un rôle de spectateur à quelques reprises. 

« Il a eu des temps un petit peu plus durs, ça n’allait pas super bien avec Murray et ç’avait vraiment frappé son ego. Mais il n’avait pas d’influence négative sur personne, il réglait ses problèmes lui-même », a évoqué Laperrière. 

À ce moment, ça donne l’impression que les rôles ont été inversés. 

« Ce serait à lui d’y répondre, mais j’étais là pour Luc et je n’étais pas le seul, il est tellement apprécié. On se sentait tous mal pour lui. Je me souviens qu’on était dans le lobby d’un hôtel à Columbus et je m’étais assis avec lui simplement pour l’écouter. Il y a des choses pires dans le monde, mais pour un joueur de hockey, ton ego prend un coup et tu as besoin d’en parler. Je pense qu’il a apprécié, on est encore de grands chums aujourd’hui », a commenté Laperrière. 

Sur la glace, Lappy n’a pas eu à défendre l’ancienne terreur offensive des Olympiques de Hull. 

« Ce n’était pas un gars détestable, mais les joueurs étaient rudes avec lui puisqu’il était l’un des meilleurs joueurs. Je ne me rappelle pas d’avoir eu à me battre pour lui, c’est sûrement arrivé une fois ou deux, mais il était tellement gentil que le monde ne voulait pas s'en prendre à lui j’imagine », a indiqué Laperrière. 

À l’extérieur de la glace, notre imagination nous laisse croire que les deux copains ont dû s’amuser passablement dans la trépidante ville de Los Angeles.  

« On est plutôt pareils, on est des nerds du hockey. C’est drôle, les gens me disent souvent ‘T’as joué à L.A. pendant 9 ans, ça devait être cool !’ Mais je n’ai pas trop la personnalité d’aller à Hollywood et dans les bars, puis Luc est pareil. Je sais que ça semble sexy de dire que t’as joué à Los Angeles avec les stars et tout ça, mais on avait des petites vies bien tranquilles », a assuré Laperrière. 

Lappy aime l'homme avant le joueur

Puisque Laperrière a le cœur à la bonne place, il a reproduit l’approche humaine de Robitaille avec les plus jeunes. 

« La manière dont Luc m’a accueilli et s’est occupé de moi, c’est sûr que j’ai essayé de faire ça à mon tour avec ceux qui arrivaient. Guillaume Latendresse me disait qu’Éric Bélanger l’avait aidé alors que j’avais pris soin d’Éric, il avait habité chez moi. C'est le fun quand tu peux voir que les gars s’inspirent un peu de ce qu’ils ont apprécié de toi. C’est parti de Luc et ç’a fait boule de neige. [...] Il a vraiment été un grand frère dans le fond », a exprimé Laperrière. 

Encore aujourd’hui, Laperrière sollicite Robitaille pour des conseils autant pour le hockey que dans la vie en général. 

« En 17 ans, j’ai joué avec beaucoup de coéquipiers, mais il y a seulement un petit groupe de joueurs avec lesquels tu restes en contact pour le reste de ta vie et Luc en fait partie », a cerné Laperrière. 

La statue de Luc RobitailleParfois, pour différentes raisons, on n’exprime pas notre amour à ceux qui sont essentiels dans notre vie. Mais Laperrière possède cette sincérité rafraîchissante. 

« Il sait à quel point je l’apprécie. Oui, tout le monde aime le joueur de hockey, c’est incroyable ce qu’il a accompli, mais c’est l’homme que j’apprécie. Il est humble dans tout son succès. Quand j’ai mérité le trophée Bill Masterton (en 2011), c’est lui qui me l’a remis. C’était la cerise sur le sundae et j’avais dit au micro que j’avais beaucoup appris de lui », a mentionné Laperrière qui n’est pas le seul à lui avoir exprimé sa gratitude. 

« Au Staples Center, il y a une grosse statue de Luc! Lui et Wayne Gretzky ont rendu le hockey populaire et les gens sont reconnaissants. Ils l’apprécient d’aplomb puisque la statue est plus grosse que celle de Wayne, Shaquille O’Neal et les autres », a conclu Laperrière.