MONTRÉAL – À l’école secondaire, avant et après plusieurs de ses cours de mathématiques, Patrick Lachance s’empressait de discuter de hockey avec son enseignant, Charles Marier. Le jeune élève qu’était Lachance n’aurait pas pu prévoir que ces conversations le mèneraient à un poste de recruteur avec les Flames de Calgary.

 

Certes, Lachance avait eu vent que son professeur était impliqué dans le monde du hockey, mais il était surtout attiré par l’occasion d’échanger sur sa passion avec un intervenant expérimenté.

 

Au fil des discussions, l’étudiant avait osé glisser le mot à son enseignant de penser à lui s’il avait besoin d’un candidat dans le département hockey. Ce jour a fini par se présenter quand Marier lui a confié un rôle de dépisteur à l’âge de 20 ans.  

 

« Je trouvais ça assez spécial d’avoir un prof comme lui. Avant même de devenir mon boss avec le Rocket (de l’Île-du-Prince-Édouard), il a été comme un mentor pour moi. Je trouvais ça vraiment trippant de parler de hockey dans un contexte scolaire », a raconté Lachance au RDS.ca.

 

« Je pense qu’il voyait que le hockey coulait dans mes veines », a déduit Lachance qui n’a jamais atteint la LHJMQ en tant que joueur.

 

« C’est vraiment un passionné. Il était au courant de tous les joueurs, il faisait des recherches sur internet et il ne travaillait même pas encore dans ce domaine. Il était capable de bien évaluer les jeunes. C’était intéressant de discuter avec lui, malgré notre différence d’âge. D’ailleurs, ce n’est pas une question d’âge, quand quelqu’un connaît ça, ça se voit. Je savais qu’il se rendrait loin », a confié Marier qui est encore impliqué dans le hockey junior à titre de recruteur pour les Foreurs de Val-d’Or.

 

Pour cette « recrue » au début de la vingtaine, le mandat confié par Marier était simple : se concentrer sur le niveau Midget Espoir avec un nombre raisonnable de parties à couvrir.

 

« Finalement, j’en ai fait le triple incluant du Midget, du Junior majeur et du Junior AAA. C’était naturel pour moi d’en faire plus qu’on me demandait », s’est souvenu Lachance qui venait de trouver le filon qui lui convenait.

 

En plus de poursuivre ses études et d’occuper un autre emploi, Lachance multipliait ses présences dans les arénas où il faisait baisser la moyenne d’âge des recruteurs.

 

« Au début, t’es perçu comme le petit nouveau et les autres se demandent si tu vas lâcher ou persévérer », a admis Lachance qui n’a pas été ébranlé par ce contexte.

 

Sans posséder la même prestance au départ, il s’est investi à fond dans sa nouvelle aventure et il a perçu ce contact régulier avec plusieurs « têtes grises » du hockey comme une expérience enrichissante. En dépit de quelques remises en question inévitables, il a persévéré et il a eu raison de le faire.

 

« Depuis une dizaine d’années, je ne me suis jamais vu ailleurs que dans des arénas à regarder du hockey. Si tu m’enlevais ça du jour au lendemain, je serais déboussolé. C’est la même chose pour d’autres personnes qui perdraient quelque chose de crucial dans leur vie », a évoqué Lachance.

 

L’an passé, alors qu’il occupait le poste de recruteur chef avec les Islanders de Charlottetown, Lachance s’est retrouvé dans la position inverse. C’était à son tour d’embaucher un jeune recruteur (Jessy Morin) et de le guider dans ce métier pour le moins particulier. 

 

« C’est drôle, j’ai l’impression que c’était hier qu’on me disait comment réagir dans certaines situations. Maintenant, je me retrouvais à faire la même chose avec lui. Il y a tous les types de personnalité dans ce milieu : des zen, des colériques, des très arrêtés sur leurs opinion et d’autres plus ouverts…. »

 

« C’est important d’apprendre à connaître des gens, de découvrir leur opinion et leur façon de voir le hockey. Tu ne penses pas toujours la même chose, mais au final, il faut absorber ça comme du bagage pertinent et façonner son identité. C’est un peu ce qui a pu m’arriver quand j’ai commencé. Je n’étais pas toujours d’accord, j’étais un peu plus frondeur, mais il faut que tu sois capable d’apprendre », a détaillé Lachance.

 

Stressant même quand on est prêt

 

Après avoir découvert les rouages du recrutement avec le Rocket pendant trois ans, Lachance s’est joint au Centre de soutien de recrutement de la LHJMQ pendant trois autres années. Son prochain arrêt s’est effectué avec les Remparts de Québec pour la même durée. Il est ensuite retourné à Charlottetown en tant que recruteur chef. C’est là que Jim Hulton, l’entraîneur et directeur général, a refilé son nom aux Flames qui cherchaient un nouveau recruteur pour la LHJMQ.

 

Il faut croire que sa progression a été remarquée. Humblement, il s’appuie sur ses connaissances de hockey, son éthique de travail et son ouverture d’esprit pour la justifier.

 

Même s’il avait fait ses classes pour accéder à la LNH, Lachance ne maquille pas la vérité, il reconnaît que le processus d’embauche avec les Flames a été particulièrement stressant. Tour à  tour, il a eu à convaincre Tod Button, le directeur du recrutement amateur, Fred Parker, l’assistant de Button ainsi que Brad Treliving, le directeur général, Don Maloney, le vice-président aux opérations hockey et Brad Pascall, l’adjoint du DG.

 

« Ils voulaient connaître mon histoire, ma façon de voir les choses au hockey et ma philosophie. Je suis content de ne pas m’être trompé sur ma perception. J’avais senti que ça cliquerait au point de vue hockey et ça s’est confirmé durant cette première saison », a raconté Lachance qui complètera cette année charnière avec le repêchage, les 22 et 23 juin, à Dallas.  

 

« Quand je parlais d’expériences enrichissantes, c’est quintuplé dans le pro. De pouvoir échanger avec tous ces gars, j’apprends à la vitesse grand V. »

 

Même si le milieu se rajeunit, Lachance se classe parmi les plus jeunes de sa profession. Par contre, il avait une ressource inestimable pour l’aider dans cette transition de taille.

 

« Un de mes très bons amis, c’est Raphaël Pouliot, qui en était à ses débuts avec Las Vegas l’an passé et il est plus jeune que moi de quelques années », a précisé Lachance, les yeux des Flames au Québec et dans les Maritimes.

 

Il a tout de même été frappé par la réalité durant un souper d’organisation dans le cadre du tournoi des recrues à Penticton en Colombie-Britannique. C’est la sensation que peut produire une première soirée à écouter et raconter des anecdotes de hockey en compagnie de Burke, Treliving, Button et compagnie.

 

Convaincre les Flames de piger plus souvent dans la LHJMQ

 

Maintenant qu’il a franchi cette étape dans son cheminement, Lachance doit s’assurer de devenir une voix qui a du poids dans les oreilles de ces hommes d’influence.

 

Le mandat n’a rien de facile car les Flames ne sont pas réputés pour piger souvent dans la LHJMQ. En fait, au cours des 10 derniers repêchage, Calgary n’a sélectionné que quatre joueurs de la LHJMQ, le deuxième plus bas total derrière les Capitals de Washington (3).

 

Depuis 1997, les Flames ont utilisé seulement deux choix de première ou deuxième ronde dans la LHJMQ (Émile Poirier en 1re ronde en 2013 et Mason McDonald en 2e ronde en 2014). C’est donc dire que Denis Gauthier (en 1995) était le dernier choix de première ronde des Flames dans la LHJMQ avant Poirier.

 

Lachance n’a pas besoin qu’on lui dresse ce portrait, il le sait mieux que quiconque.

 

« J’ai aimé leur approche dès le départ. Ils veulent avoir quelqu’un qui est capable de donner son opinion, qui n’a pas peur de le faire et qui n’est pas là juste pour acquiescer à ce que le groupe dit », a-t-il rétorqué.

 

« C’est vrai que Calgary n’a pas pigé abondamment dans la cour de la LHJMQ, mais je ne m’arrête pas à ça. Je veux donner l’heure juste sur les gars que je vois ici et je vais m’assurer d’avoir tous les éléments d’information en ma possession », a ajouté Lachance en utilisant son propre exemple pour justifier le tout.

 

En effet, en tant que recruteur en chef avec les Islanders de Charlottetown, il n’a sélectionné que deux espoirs du Québec au repêchage 2017 de la LHJMQ. Il aurait pu prêcher pour sa paroisse, mais il faut que les décisions soient justifiées.

 

Un accent techno qui est utile

 

Lachance n’a donc pas atteint la LNH avec le parcours habituel d’un ancien joueur de haut ou d’un entraîneur de carrière. Ses études l’ont plutôt mené à un travail de concepteur web. En plus de lui offrir une flexibilité quant aux horaires, cet emploi est devenu une corde de plus à son arc.

 

Il y a quelques années, au lieu de profiter de l’été au maximum comme il essaie habituellement de le faire, il s’est lancé dans un projet intéressant.

 

« J’ai déjà développé une plate-forme web pour me permettre d’avoir vraiment une vision poussée de chacune des 18 équipes LHJMQ. Ça comprenait les formations, les statistiques, les meilleurs espoirs, les Européens de chaque club, les joueurs de 20 ans et des projections. Je le partageais avec mes dirigeants que ce soit Philippe Boucher avec les Remparts ou Jim avec les Islanders. Je pense que c’était apprécié et que ça aidait à confirmer mon sérieux », a conclu Lachance qui navigue bien dans les statistiques avancées.

 

Marier est fier et nullement surpris par l’ascension de son ancien élève. Il le verrait d’ailleurs dans le rôle de directeur général dans la LHJMQ éventuellement. En découvrant Lachance, on déduit qu’il ne s’arrêterait pas là.