La plus grande rivalité du sport
Hockey samedi, 10 nov. 2012. 16:26 dimanche, 15 déc. 2024. 00:57
La présence des Nordiques a profondément marqué et influencé l'histoire du hockey au Québec. Certains des matchs de l'équipe demeurent solidement ancrés dans l'imaginaire collectif des amateurs de hockey de la Belle Province.
J'ai eu l'honneur de vivre de l'intérieur l'intense et belle rivalité avec le Canadien de Montréal. La première fois que les deux équipes ont croisé le fer lors d'une série a été le début d'une des plus grandes rivalités dans le monde du sport. À l'époque, on respectait poliment les Nordiques, mais quand on a éliminé le Canadien en 1982, la rivalité a pris son véritable envol.
Je me souviens comme si c'était hier de ce but de Dale Hunter au début de la prolongation du cinquième match de cette série de premier tour. Ce but a complètement figé la foule du Forum qui était en état de choc. Les spectateurs avaient du mal à croire ce qui venait de se passer sous leurs yeux.
Le niveau d'émotion et de nervosité était tellement élevé. Alors inutile de dire que l'ambiance était à son comble lors de cette partie ultime. Dans les rencontres d'équipe, on essayait de ne pas trop enflammer les gars parce qu'on savait qu'ils étaient prêts. Un journaliste avait même dit : « S'il fallait que les Nordiques gagnent... » Nous étions une jeune équipe et nous n'avions peur de rien, mais nous avions une confiance prudente. Nous avions finalement créé la commotion au Forum.
J'avais commencé la prolongation avec le trio de Dale Hunter, Réal Cloutier et Michel Goulet. Je n'ai pas été déçu, car il n'a fallu que quelques secondes pour faire basculer cet affrontement de notre côté avec le but vainqueur de Hunter. Je n'oublierai jamais ce que j'ai vécu.
Étrangement, sur les cinq joueurs du Canadien qui étaient sur la glace lors du but gagnant, quatre ont quitté l'équipe dans les mois qui ont suivi. Rod Langway, Brian Engblom, Doug Jarvis et Craig Laughlin ont tous été échangés. Je suis persuadé que ces départs avaient un lien direct avec leur présence sur la patinoire sur le but vainqueur en prolongation. Seul Bob Gainey avait échappé au ménage.
Cette première série entre les deux équipes québécoises avait monopolisé l'attention de toute la province et jeté les bases d'une rivalité d'une intensité encore difficile à expliquer. À l'époque il n'y avait pas de RDS, mais je vous assure que tous les bulletins de nouvelles des chaînes généralistes s'ouvraient toujours avec cette série. Tout le Québec était accroché et les journaux étaient noircis par le Canadien et les Nordiques. Il n'était pas rare de retrouver dans un journal une douzaine de pages consacrées à la série. C'était fou.
Comme Montréalais, j'ai ressenti un petit velours de battre le Canadien au Forum. Le Canadien était l'équipe de ma jeunesse et mes joueurs préférés étaient le Rocket, Henri Richard et Boom Boom. Les deux fois où j'ai éliminé le Canadien, c'était au Forum.
J'ai eu la chance de diriger quatre séries contre le Canadien, et à mes yeux, ces quatre séries étaient l'équivalent d'une finale de la coupe Stanley tellement l'émotion était élevée. Je me souviens qu'on avait du mal à transporter cette émotion dans les autres séries. Quelque part, c'était un peu notre coupe Stanley que d'éliminer le Canadien.
C'était facile de préparer les troupes contre le Canadien, mais c'était pas mal plus difficile de le faire contre Buffalo ou Hartford!
Les deux clubs avaient beaucoup de Québécois dans leur alignement. En plus, les directions étaient québécoises, de même que les propriétaires avec les brasseries Molson et O'Keefe. C'était prévisible que cette rivalité culmine ainsi.
Un vendredi pas très saint
La sixième partie de la série Canadien-Nordiques des séries de 1984 est restée gravée dans la mémoire de tous les amateurs de sport québécois. Cette rencontre a été marquée par deux mémorables bagarres générales qui font encore jaser 28 ans plus tard.
Ce genre d'événement était inévitable. Je savais qu'à un certain moment les choses allaient exploser et c'est arrivé un certain vendredi soir de la semaine pascale.
Une confrontation impliquant ces deux équipes suscitait un intérêt parfois démesuré. Même des journalistes de deux villes avaient failli échanger des coups sur la galerie de la presse. Les politiciens et les artistes avaient aussi embarqué dans le bateau et je n'ai pas oublié le tollé qu'avait soulevé l'interprétation de l'hymne national par Ginette Reno au Colisée. Je vous dis, tout le monde embarquait.
Quand Chris Nilan a frappé Randy Moller par derrière, ç'a été la goutte qui a fait déborder le vase et tout avait dégénéré en bataille générale en fin de deuxième période. Une deuxième bagarre avait marqué le retour sur la patinoire des deux clubs et je tiens responsable la LNH pour cela. Plutôt que d'informer les équipes durant l'entracte des joueurs qui étaient expulsés, on avait laissé tout le monde retourner sur la patinoire. C'est à ce moment que les gars ont su qui était chassé de la rencontre pour la première bataille. Quand le gardien Richard Sévigny a appris qu'il était expulsé, il s'était immédiatement rué sur Dale Hunter. Le cirque avait alors repris de plus belle.
Dale Hunter avait été chassé du match. Mario Tremblay avait fracturé le nez à Peter Stastny et Louis Sleigher avait atteint Jean Hamel d'un coup de point qui avait mis un terme à sa carrière.
Cette partie a marqué l'histoire du Québec et du monde du hockey.
Tous sports confondus, cette rivalité a été la plus grande et la plus belle. Près de 30 plus tard, on s'en souvient comme si c'était hier. Je suis content d'avoir été un des acteurs de cette rivalité, de l'avoir alimenté et de l'avoir vécu de l'intérieur. Je suis fier d'avoir dirigé cette équipe pendant sept ans, ce qui est rare dans le hockey moderne. J'en suis très fier.
On avait une avance de 2-0 quand la troisième période s'est amorcée pour finalement s'incliner 5-3. Il faut dire qu'on avait perdu au change à la suite des deux bagarres. Nos meilleurs joueurs avaient été chassés de la rencontre. Le Canadien, lui, pouvait encore compter sur Mats Naslund et Steve Shutt notamment.
Une autre victoire au Forum
La série de 1985 a été relevée. La série s'était rendue à la limite de sept parties et je crois sincèrement que nous avions une équipe supérieure au Canadien. Je me souviens que mes trois trios étaient établis et stables. Peter Stastny avait connu toute une saison avec 100 points et je pense que notre point faible se trouvait devant le filet.
Tous les détails de cette série ne me reviennent pas en mémoire, mais je n'ai pas oublié le but de Peter en prolongation du septième match à la suite d'une mise en jeu. Guy Carbonneau parle souvent de cette mise en jeu à la droite du gardien du Canadien et qui a mené au but de la victoire. Carbo préfère dire qu'il avait perdu la mise en jeu, plutôt que d'avouer que Peter l'avait gagné. Carbo n'a pas à s'en vouloir parce que Peter était un maître dans l'art de gagner les mises en jeu. Il était l'un des meilleurs des années 80.
L'animosité était à son comble entre les deux équipes et je pense qu'on se détestait vraiment. Il est vraiment difficile de répéter tout ce qui pouvait se dire dans le feu de l'action. Je me souviens que Mario Tremblay passait près de mon banc et me lançait plein d'insultes. Moi je lui répondais que je ne le comprenais pas avec son accent d'Alma! Une fois, il m'a invité sur la patinoire pour en découdre aux poings. C'était la même chose avec Carbonneau. C'était correct et tout le monde comprenait le contexte de cette rivalité.
Chris Nilan passait aussi près de mon banc et il me répétait qu'il ne me manquait qu'un gars comme lui dans mon équipe. Ironiquement, quelques années plus tard, je l'ai dirigé avec les Rangers de New York.
L'agressivité qui existait entre Mario et moi s'est transformée avec les années en amitié. Un jour, Mario s'est retrouvé dans le monde des médias et il est venu me voir pour faire une entrevue alors que j'étais encore à la barre des Nordiques. Nous nous sommes regardés et nous avons éclaté de rire. Même chose après une partie la veille du jour de l'an au Forum alors que j'avais croisé Mario et son épouse Colette dans le garage. J'étais avec ma femme. On s'était regardé et une fois de plus, nous avions éclaté de rire. On s'était salué et souhaité bonne année.
*propos recueillis par Robert Latendresse
J'ai eu l'honneur de vivre de l'intérieur l'intense et belle rivalité avec le Canadien de Montréal. La première fois que les deux équipes ont croisé le fer lors d'une série a été le début d'une des plus grandes rivalités dans le monde du sport. À l'époque, on respectait poliment les Nordiques, mais quand on a éliminé le Canadien en 1982, la rivalité a pris son véritable envol.
Je me souviens comme si c'était hier de ce but de Dale Hunter au début de la prolongation du cinquième match de cette série de premier tour. Ce but a complètement figé la foule du Forum qui était en état de choc. Les spectateurs avaient du mal à croire ce qui venait de se passer sous leurs yeux.
Le niveau d'émotion et de nervosité était tellement élevé. Alors inutile de dire que l'ambiance était à son comble lors de cette partie ultime. Dans les rencontres d'équipe, on essayait de ne pas trop enflammer les gars parce qu'on savait qu'ils étaient prêts. Un journaliste avait même dit : « S'il fallait que les Nordiques gagnent... » Nous étions une jeune équipe et nous n'avions peur de rien, mais nous avions une confiance prudente. Nous avions finalement créé la commotion au Forum.
J'avais commencé la prolongation avec le trio de Dale Hunter, Réal Cloutier et Michel Goulet. Je n'ai pas été déçu, car il n'a fallu que quelques secondes pour faire basculer cet affrontement de notre côté avec le but vainqueur de Hunter. Je n'oublierai jamais ce que j'ai vécu.
Étrangement, sur les cinq joueurs du Canadien qui étaient sur la glace lors du but gagnant, quatre ont quitté l'équipe dans les mois qui ont suivi. Rod Langway, Brian Engblom, Doug Jarvis et Craig Laughlin ont tous été échangés. Je suis persuadé que ces départs avaient un lien direct avec leur présence sur la patinoire sur le but vainqueur en prolongation. Seul Bob Gainey avait échappé au ménage.
Cette première série entre les deux équipes québécoises avait monopolisé l'attention de toute la province et jeté les bases d'une rivalité d'une intensité encore difficile à expliquer. À l'époque il n'y avait pas de RDS, mais je vous assure que tous les bulletins de nouvelles des chaînes généralistes s'ouvraient toujours avec cette série. Tout le Québec était accroché et les journaux étaient noircis par le Canadien et les Nordiques. Il n'était pas rare de retrouver dans un journal une douzaine de pages consacrées à la série. C'était fou.
Comme Montréalais, j'ai ressenti un petit velours de battre le Canadien au Forum. Le Canadien était l'équipe de ma jeunesse et mes joueurs préférés étaient le Rocket, Henri Richard et Boom Boom. Les deux fois où j'ai éliminé le Canadien, c'était au Forum.
J'ai eu la chance de diriger quatre séries contre le Canadien, et à mes yeux, ces quatre séries étaient l'équivalent d'une finale de la coupe Stanley tellement l'émotion était élevée. Je me souviens qu'on avait du mal à transporter cette émotion dans les autres séries. Quelque part, c'était un peu notre coupe Stanley que d'éliminer le Canadien.
C'était facile de préparer les troupes contre le Canadien, mais c'était pas mal plus difficile de le faire contre Buffalo ou Hartford!
Les deux clubs avaient beaucoup de Québécois dans leur alignement. En plus, les directions étaient québécoises, de même que les propriétaires avec les brasseries Molson et O'Keefe. C'était prévisible que cette rivalité culmine ainsi.
Un vendredi pas très saint
La sixième partie de la série Canadien-Nordiques des séries de 1984 est restée gravée dans la mémoire de tous les amateurs de sport québécois. Cette rencontre a été marquée par deux mémorables bagarres générales qui font encore jaser 28 ans plus tard.
Ce genre d'événement était inévitable. Je savais qu'à un certain moment les choses allaient exploser et c'est arrivé un certain vendredi soir de la semaine pascale.
Une confrontation impliquant ces deux équipes suscitait un intérêt parfois démesuré. Même des journalistes de deux villes avaient failli échanger des coups sur la galerie de la presse. Les politiciens et les artistes avaient aussi embarqué dans le bateau et je n'ai pas oublié le tollé qu'avait soulevé l'interprétation de l'hymne national par Ginette Reno au Colisée. Je vous dis, tout le monde embarquait.
Quand Chris Nilan a frappé Randy Moller par derrière, ç'a été la goutte qui a fait déborder le vase et tout avait dégénéré en bataille générale en fin de deuxième période. Une deuxième bagarre avait marqué le retour sur la patinoire des deux clubs et je tiens responsable la LNH pour cela. Plutôt que d'informer les équipes durant l'entracte des joueurs qui étaient expulsés, on avait laissé tout le monde retourner sur la patinoire. C'est à ce moment que les gars ont su qui était chassé de la rencontre pour la première bataille. Quand le gardien Richard Sévigny a appris qu'il était expulsé, il s'était immédiatement rué sur Dale Hunter. Le cirque avait alors repris de plus belle.
Dale Hunter avait été chassé du match. Mario Tremblay avait fracturé le nez à Peter Stastny et Louis Sleigher avait atteint Jean Hamel d'un coup de point qui avait mis un terme à sa carrière.
Cette partie a marqué l'histoire du Québec et du monde du hockey.
Tous sports confondus, cette rivalité a été la plus grande et la plus belle. Près de 30 plus tard, on s'en souvient comme si c'était hier. Je suis content d'avoir été un des acteurs de cette rivalité, de l'avoir alimenté et de l'avoir vécu de l'intérieur. Je suis fier d'avoir dirigé cette équipe pendant sept ans, ce qui est rare dans le hockey moderne. J'en suis très fier.
On avait une avance de 2-0 quand la troisième période s'est amorcée pour finalement s'incliner 5-3. Il faut dire qu'on avait perdu au change à la suite des deux bagarres. Nos meilleurs joueurs avaient été chassés de la rencontre. Le Canadien, lui, pouvait encore compter sur Mats Naslund et Steve Shutt notamment.
Une autre victoire au Forum
La série de 1985 a été relevée. La série s'était rendue à la limite de sept parties et je crois sincèrement que nous avions une équipe supérieure au Canadien. Je me souviens que mes trois trios étaient établis et stables. Peter Stastny avait connu toute une saison avec 100 points et je pense que notre point faible se trouvait devant le filet.
Tous les détails de cette série ne me reviennent pas en mémoire, mais je n'ai pas oublié le but de Peter en prolongation du septième match à la suite d'une mise en jeu. Guy Carbonneau parle souvent de cette mise en jeu à la droite du gardien du Canadien et qui a mené au but de la victoire. Carbo préfère dire qu'il avait perdu la mise en jeu, plutôt que d'avouer que Peter l'avait gagné. Carbo n'a pas à s'en vouloir parce que Peter était un maître dans l'art de gagner les mises en jeu. Il était l'un des meilleurs des années 80.
L'animosité était à son comble entre les deux équipes et je pense qu'on se détestait vraiment. Il est vraiment difficile de répéter tout ce qui pouvait se dire dans le feu de l'action. Je me souviens que Mario Tremblay passait près de mon banc et me lançait plein d'insultes. Moi je lui répondais que je ne le comprenais pas avec son accent d'Alma! Une fois, il m'a invité sur la patinoire pour en découdre aux poings. C'était la même chose avec Carbonneau. C'était correct et tout le monde comprenait le contexte de cette rivalité.
Chris Nilan passait aussi près de mon banc et il me répétait qu'il ne me manquait qu'un gars comme lui dans mon équipe. Ironiquement, quelques années plus tard, je l'ai dirigé avec les Rangers de New York.
L'agressivité qui existait entre Mario et moi s'est transformée avec les années en amitié. Un jour, Mario s'est retrouvé dans le monde des médias et il est venu me voir pour faire une entrevue alors que j'étais encore à la barre des Nordiques. Nous nous sommes regardés et nous avons éclaté de rire. Même chose après une partie la veille du jour de l'an au Forum alors que j'avais croisé Mario et son épouse Colette dans le garage. J'étais avec ma femme. On s'était regardé et une fois de plus, nous avions éclaté de rire. On s'était salué et souhaité bonne année.
*propos recueillis par Robert Latendresse