MONTRÉAL – La Suisse n’a jamais été aussi bien représentée à l’intérieur des cadres de la Ligue nationale de hockey. On y compte actuellement une quinzaine de joueurs actifs provenant de cette petite enclave européenne.

Les Helvètes sont notamment reconnus pour produire de bons quarts-arrières. On pense immédiatement au vétéran Mark Streit, qui possède près de 700 matchs d’expérience en Amérique du Nord, mais aussi au jeune Roman Josi, qui vient de connaître une saison de 55 points avec les Predators de Nashville. Avant longtemps, le nom de Mirco Müller pourrait appartenir à cette liste. 

On y apprend aussi à marquer des buts. Nino Niederreiter en a réussi 24 la saison dernière avec le Wild du Minnesota, le genre de production dont les Canucks de Vancouver s’attendront bientôt de la part de Sven Baertschi. Et à Montréal, on fonde beaucoup d’espoir sur le développement de Sven Andrighetto.

Beaucoup de talent, donc, mais parmi tout ce beau monde, personne n’est reconnu pour son appréciation particulière du jeu robuste. Il semble que la Suisse, en politique comme sur la glace, ne recherche pas la confrontation.

C’est ici que Timo Meier se démarque. Le natif de Herisau, une petite ville d’environ 15 000 habitants située à une heure de route à l’est de Zurich, va directement au but quand on lui demande de décrire le style de jeu qu’il préconise.

« Je suis un attaquant de puissance, clame-t-il. J’ai de bonnes habiletés, mais ce que j’aime avant tout, c’est lancer au but et jouer de façon physique. »

Meier, un solide ailier de 6 pieds 1 pouce et 210 livres, ne parle pas à travers son chapeau. Tous ceux qui l’ont vu marquer 44 buts et inscrire un total de 90 points la saison dernière avec les Mooseheads de Halifax frappent la description d’un sceau d’approbation.

« Il cadre parfaitement dans la définition du power forward, approuve sans hésiter Denis Fugère, un recruteur à l’emploi des Kings de Los Angeles depuis 2007. Il a un bon tir, un bon coup de patin et il est capable de se servir de ses épaules. Il n’a pas peur de se mettre le nez dans la cuisine. »

Le directeur général des Mooseheads, Cam Russell, a été un témoin privilégié de l’évolution de son jeune protégé depuis son arrivée en Nouvelle-Écosse en 2013. Caché dans l’ombre de Jonathan Drouin à sa saison recrue, Meier a mis du temps à sortir de sa coquille avec sa nouvelle équipe. Habitué de remplir le filet à chacune des étapes de sa jeune carrière, il a enfilé 17 buts et obtenu autant de mentions d’aide pour les champions de la division des Maritimes.

« Chaque soir, il me semblait qu’il était à quelques enjambées de terminer son match avec deux points », se souvient Russell. Meier possédait un sens du jeu évident et un talent certain, mais le portrait était incomplet.

 « Je me souviens que ses parents étaient venus lui rendre visite lors de sa première saison à Halifax. Son père m’avait alors dit qu’il était surpris que son fils ne joue pas un style aussi physique qu’à l’habitude, ajoute Russell. Peut-être qu’il n’était pas encore à l’aise avec le style de jeu nord-américain... »

Le DG a réellement réalisé le genre de joueur qu’il avait sous la main en octobre dernier dans un match contre les Islanders de Charlottetown. À la fin de la deuxième période, Nikolaj Ehlers est entré à toute vitesse en zone offensive où l’attendaient de pied ferme trois adversaires. Le défenseur David Henley, qui s’amenait en sens inverse, s’est baissé l’épaule et a fait virevolter la grande vedette des Mooseheads, qui s’est retrouvé cul par-dessus tête.

Henley fait 6 pieds 5 pouces. Il avait déjà livré trois combats avant d’enfiler l’uniforme ce soir-là. Mais avant qu’il n’ait eu le temps de se remettre du contact qu’il avait provoqué avec Ehlers, Meier s’était débarrassé de ses gants et lui avait mis le grappin dessus, décidé à le faire payer pour son geste.

« Il a été une force pour nous cette année, conclut Russell. C’est très difficile de lui soutirer la rondelle et s’il la veut, il vous renversera pour aller la chercher. »

Timo Meier« J’ai compris que je peux connaître de succès dans ce créneau, dit Meier, qui aime se comparer à Marian Hossa et Rick Nash. J’ai le gabarit pour le faire, j’ai la force pour le faire et j’ai la bonne mentalité pour le faire. J’ai toujours voulu jouer dans la LNH et c’est le style que je veux pratiquer. »

Une constance remarquable

Meier maintenait une moyenne d’environ un point par match quand il a livré le premier combat de sa carrière. Il a marqué quatre buts lors de ses sept parties suivantes, puis le 15 novembre, il a été blanchi lors d’une sortie au Cap-Breton. Aucune équipe n’a ensuite été capable de le tenir en échec pendant plus de trois mois.

Entre le 22 novembre et le 26 février, Meier a amassé au moins un point dans chacun des 27 matchs auxquels il a pris part. Il a accumulé 51 points au cours de cette séquence, 17 de plus que lors de toute sa saison recrue. Il a enfilé sept matchs de deux buts, complété un tour du chapeau et connu un match de quatre buts. Et lorsque, au beau milieu de tout ça, il a momentanément migré à l’Ouest pour représenter son pays au Championnat du monde junior, il a récolté six points en autant de matchs.

Au final, Meier a été écarté de la feuille de pointage dans onze matchs du calendrier régulier, dont cinq dans le premier mois de la saison.

« Ce qui m’a le plus marqué, c’est qu’il n’a pas connu de mauvais match et encore moins de léthargie, note Cam Russell. Il n’a pas vécu une seule période creuse pendant toute la saison. Ce n’est pas rien! Il nous arrive tous de traverser une journée où on aimerait être ailleurs qu’au bureau. Le fait qu’il ait pu être aussi constant à l’âge de 18 ans représente tout un exploit. »   

Après Nathan MacKinnon, Drouin et Ehlers, Meier pourrait bientôt devenir le quatrième joueur des Mooseheads à être sélectionné dans le top-10 du repêchage de la LNH au cours des trois dernières années. La Centrale de recrutement le classe au dixième rang sur sa liste des plus prometteurs patineurs d’âge junior évoluant en Amérique du Nord, ce qui fait de lui le plus bel espoir de la LHJMQ.

« Je n’ai pas assez vu les autres jeunes avec qui il est en compétition pour juger de ses chances, mais ce que je sais, c’est que l’équipe qui le repêchera mettra la main sur tout un joueur. Il peut tout faire sur la glace et en plus, c’est un méchant bon gars », vante son patron.

MacKinnon n’est jamais retourné à Halifax après avoir enfilé la casquette de l’Avalanche du Colorado. Drouin et Ehlers, quant à eux, ont dû continuer de parfaire leur éducation avec des joueurs de leur âge avant de graduer. Le premier a connu une saison en dents de scie avec le Lightning de Tampa Bay. L’autre devrait faire sa place chez les Jets de Winnipeg l’an prochain.

Peu d’observateurs doutent que Meier jouera un jour dans la LNH. Dan Marr, le directeur de la Centrale, croit qu’il sera l’un des premiers de la prochaine cuvée à y arriver. « Il va jouer pro », tranche sans hésiter un recruteur interrogé à ce sujet. Gordie Dwyer, qui a dû trouver une façon de le contrer pendant les deux saisons qu’il a dirigé les Islanders de Charlottetown, le croit assurément destiné à une place dans le top-6 ou le top-9 des attaquants d’une équipe de la grande ligue.

Quant au principal intéressé, il ne laisse pas de doute sur son objectif. 

« Je sais que la marche est haute, mais je vais me préparer pour faire en sorte que lorsque je sauterai sur la glace pour le début du camp d’entraînement, je serai prêt à faire l’équipe. »