La technologie au service des espoirs
LNH lundi, 13 mars 2017. 09:30 dimanche, 15 déc. 2024. 14:41MONTRÉAL – Au lendemain d’un match à Shawinigan, Samuel Girard sort son téléphone pour regarder attentivement une vidéo. Pendant ce temps, à Milwaukee, Alexandre Carrier fait la même chose, bien enfoncé dans le confort de son divan, avec sa tablette.
Mais détrompez-vous, ils ne visionnent pas les vidéos virales sur YouTube ou du moins, pas cette fois.
Les deux espoirs des Predators de Nashville profitent plutôt du fascinant système utilisé par l’organisation et son directeur du développement, Scott Nichol (662 matchs dans la LNH) et son adjoint Wade Redden (1023 matchs dans la LNH).
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Depuis quelques années, les Preds ont recours à cette technologie pour favoriser la progression de leurs jeunes joueurs. Plusieurs fois par saison, les différents espoirs sous la supervision de Nichol reçoivent des séquences vidéos qui décortiquent leurs bons et moins bons coups sur la patinoire.
Voici un exemple concret : l’action se déroule dans la zone neutre et Girard ajuste sa trajectoire pour contrer l’adversaire qui prépare une attaque. La séquence vidéo s’immobilise et ce commentaire apparaît : « Bon positionnement de ta part, si tu parviens à récupérer cette rondelle, tu auras du temps et de l’espace pour compléter un jeu. »
Peu importe où ils sont, Girard, Carrier et les autres membres de la relève des Preds peuvent donc se connecter sur leur profil respectif pour voir et revoir des conseils et des commentaires - comme celui-ci - fournis par Nichol et Redden.
« Là, ne fais pas ça ou bien tu es trop loin de l’attaquant, ou tu aurais dû lancer sur cette séquence... Ils nous aident sur des petits détails qui te permettent de grandir en tant que joueurs. Ils me donnent des trucs et soulèvent des points négatifs pour que je puisse m’améliorer », a énuméré Girard durant un généreux entretien, mercredi dernier.
« En fin de compte, c’est juste de l’apprentissage, donc même s’il y a des critiques, tu dois les accueillir positivement et t’améliorer pour la prochaine fois », a également présenté Carrier dans une conversation fort intéressante.
L’utilisation de la vidéo de manière aussi spécifique et concrète charme les joueurs de cette génération.
« Les jeunes sont tellement visuels maintenant. Ils veulent revoir leurs présences et quelques équipes n’ont pas assez de temps pour le faire avec chaque joueur. Ceci dit, on ne va pas bombarder les jeunes avec une tonne de vidéos, on ne veut pas que leur intérêt diminue », a commenté Nichol à la sortie d’une séance sur glace avec des espoirs à Milwaukee.
« Ça permet de voir les choses d’un autre angle. Dans le feu de l’action, tu penses parfois que tu n’as pas beaucoup de temps pour choisir la meilleure option. Mais, quand tu revois la séquence, tu te rends compte que tu aurais pu faire un autre jeu. C’est aussi bénéfique pour la confiance de voir des extraits positifs », a exprimé Carrier qui évolue avec le club-école, les Admirals de Milwaukee dans la Ligue américaine de hockey.
Le processus fonctionne également dans le sens inverse.
« Quand je trouve que j’ai mal joué dans un match, je peux contacter Scott et lui demander de m’envoyer les extraits de mes présences », a-t-il ajouté.
L’approche des Preds pourrait soulever quelques questions. Par exemple, est-ce que les vidéos et les conseils envoyés aux joueurs interfèrent avec les enseignements vidéos effectués par les équipes de chaque patineur.
« On n’enseignerait jamais aux jeunes des choses reliées au système de jeu. Ce volet demeure la responsabilité des entraîneurs. Dans notre cas, on s’attarde sur les détails de leur jeu en se fiant sur le type de joueur qu’on prévoit qu’ils vont devenir. Parfois, ce sont des habiletés individuelles qui peuvent parfois être délaissées durant la saison régulière. On veut développer leurs habiletés et leurs habitudes de professionnels. Comme ça, ils sont moins perdus quand ils arrivent à notre camp d’entraînement », a détaillé Nichol.
Un petit coup au derrière parfois?
Le système élaboré par les Preds ne s’arrête pas à sa vocation éducative.
« Ça leur procure des enseignements et ça favorise la communication. Si un jeune a une question, on peut aller manger et regarder une séquence. Du même coup, on peut en profiter pour parler de comment ça va pour lui, de l’école, de ses amis, sa famille, sa copine et encore plus », a précisé Nichol, qui est le père de trois enfants.
Dans l’ensemble, l’ancien attaquant et Redden essaient de présenter aux joueurs le bon côté des choses.
« Ce sont toujours de bons commentaires et il essaie, la plupart du temps, d’être positif. C’est rare qu’il va te dire que tu as été pourri », a confié Carrier en souriant.
« Mais si tu te traînes les pieds pendant la game alors qu’il a fait 10 heures d’auto pour venir te voir, il va te dire sa façon de penser », a poursuivi le choix de quatrième ronde en 2015.
Girard, lui non plus, n’a pas vraiment subi les foudres de Nichol, mais il sait déjà quand il a connu une sortie inférieure à ses attentes.
« Si j’en joue une mauvaise, je suis le premier à le savoir. Mon père connaît aussi la game et il me dit la vérité, c’est ce que j’aime de lui », a noté le défenseur repêché en deuxième ronde par les Preds en 2016.
Bien sûr, Nichol doit parfois adopter une approche plus sévère et l’initiative ne vient pas toujours uniquement de lui.
« Ça nous arrive de recevoir un appel de l’entraîneur qui nous demande de botter le derrière à un joueur. L’an passé, Benoit Groulx dirigeait Alex et Yakov Trenin avec les Olympiques à Gatineau. Il m’avait appelé pour me demander de botter le derrière du jeune. Ça veut dire beaucoup quand ça vient de moi surtout que ça ne vient pas de la même voix que d’habitude. On a une bonne relation avec les entraîneurs dans ce sens. On est là pour aider les joueurs à devenir meilleurs », a admis celui qui a évolué pour les Predators, les Sabres, les Flames, les Blackhawks, les Sharks et les Blues.
Un monde de différence, sauf que...
Nichol et Redden ont chacun entamé leur carrière dans la LNH il y a 20 ans. La technologie a fait énormément de chemin depuis ce temps. C’est encore plus vrai lorsqu’on remonte jusqu’aux années 1980. Girard et Carrier ont grandi dans cette ère technologique, mais ils réalisent les avantages qui sont à leur portée.
« C’est sûr que ça change la réalité. Je pense que c’est une bonne chose et c’est pour ça que le hockey s’est autant développé », a opiné Girard.
« Il faut en profiter et chaque joueur peut le faire. On est plus chanceux que les joueurs pouvaient l’être il y a 20 ou 30 ans », a reconnu Carrier qui a devancé les prévisions en jouant ses deux premiers matchs dans la LNH en 2016-2017.
Pour avoir vécu les deux époques, Nichol remarque surtout l’ouverture accordée à la relève.
« Oh oui, c’était tellement différent. Avec le contexte du plafond salarial, on veut que nos jeunes soient prêts à jouer rapidement alors que c’était plus difficile de percer auparavant », a ciblé l’homme de 42 ans.
La technologie fait sa part, sauf que les responsables du développement poussent encore leur influence plus loin avec des séances sur la patinoire durant lesquelles des exercices d’habiletés sont au rendez-vous.
« Cette saison, ils sont déjà chacun venus deux fois. C’est bon, ils n’habitent pas proche. C’est le fun de voir que les gars de développement sont intéressés à leurs joueurs, il y en a qui ne viennent jamais.
« Il y a une bonne relève qui s’en vient à Nashville. Sérieusement, ils font un bon travail. On l’entend que c’est l’une des bonnes organisations pour prendre soin de ses joueurs », a souligné Girard.
En raison de son succès, les Predators préfèrent garder quelques secrets sur leur application de développement. C’est compréhensible avec tous les efforts investis pour se démarquer de leurs rivaux.
« On consacre beaucoup d’énergie pour les aider et on voit qu’ils progressent bien. Notre organisation est en santé grâce à ce développement », a conclu Nichol.