TORONTO - Nicklas Lidstrom, Chris Pronger et Phil Housley obtiendront lundi leur place dans la grande histoire du hockey en effectuant leur entrée au Temple de la renommée.

Comme Sergei Fedorov et les trois autres intronisés, la joueuse américaine Angela Ruggiero de même que Bill Hay et Peter Karmanos à titre de bâtisseurs, Lidstrom, Pronger et Housley méritent leur place au Temple. Leurs statistiques et exploits multipliés au cours de leurs longues carrières en témoignent d’ailleurs avec éloquence.

Ces trois défenseurs se sont toutefois hissés au sommet du hockey de façons bien différentes. De fait, en utilisant le titre d’un célèbre Western du réalisateur Sergio Leone à la fin des années 1960, on pourrait associer les noms de Lidstrom, Pronger et Housley aux titres de bon, de brute et de truand de la cuvée 2015.

Qualifié par ses pairs, autant ses coéquipiers que ceux qui l’ont affronté, de hockeyeur parfait, Nicklas Lidstrom et le titre de bon de la cuvée 2015 vont de soi. Gentilhomme sur la patinoire du tout début à la toute fin de sa carrière de 20 saisons dans la LNH, une carrière qu’il a amorcée et terminée dans l’uniforme des Red Wings de Detroit, Lidstrom a su s’imposer par son talent et son intelligence plutôt que par son implication physique. Bien que l’accrochage, les coups de bâtons et les assauts étaient à l’honneur dans la LNH au cours de sa carrière, le défenseur suédois a multiplié ses titres de meilleur arrière de la Ligue en jouant simplement au hockey. Mais quel joueur de hockey il était.

« Le mot parfait est le seul mot qui me vient en tête lorsqu’on me demande de parler de Nick », a indiqué son ancien coéquipier et adversaire Ray Ferraro. Aujourd’hui analyste à TSN, Ferraro assure que Lidstrom a redéfini les paramètres d’efficacité pour un défenseur. « Quand les joueurs allaient dans un coin de patinoire pour s’emparer d’une rondelle libre ou pour échapper à Nick, ils n’avaient pas à craindre de solides coups d’épaule. Encore moins un coup de coude ou un coup de bâton. Ce n’était pas son genre. Ils avaient simplement à craindre de perdre leurs batailles. Des batailles que Nick gagnait toujours en utilisant habilement son corps et surtout son bâton pour sortir du coin avec la rondelle et amorcer sur le champ une relance », a ajouté Ferraro croisé lors d’une récente visite à Montréal.

« J’ai grandi dans l’organisation des Red Wings avec Nicklas comme coéquipier et co-chambreur. Il avait toutes les qualités, mais je crois qu’il a toujours été le meilleur joueur pour t’offrir des passes parfaites pour décocher des tirs sur réception », a indiqué Sergeï Fedorov lors de la rencontre des intronisés avec leurs fans samedi après-midi au Temple de la renommée.

« La plus grande qualité de Nicklas à mes yeux était de toujours être au bon endroit sur la glace. Il ne distribuait pas de mises en échec, mais il était toujours dans la course de ses adversaires et c’était très ardu de le contourner sans perdre la rondelle. La coordination entre ses yeux et ses mains était également phénoménale », a témoigné Phil Housley.

« Sa compréhension du jeu et sa capacité d’anticipation se sont toujours comparées à mes yeux à celles de Wayne Gretzky et Mario Lemieux qui étaient dans une classe à part. Je crois que c’est une qualité inégalable », a ajouté Chris Pronger.

« Je suis née en Californie, mais j’ai grandi au Michigan en suivant les matchs des Wings à la télé. J’ai toujours regardé les matchs pour apprendre des meilleurs. Nick était le meilleur professeur qui soit. C’était un véritable plaisir de le voir évoluer sur la glace et de prendre des notes », a ajouté l’Olympienne américaine Angela Ruggiero.

Nicklas Lidstrom a soulevé la coupe Stanley à quatre reprises. Ses trois premières conquêtes (97-98-02) l’ont grandement satisfait, mais il a répondu à un partisan des Wings, samedi, que le fait d’avoir soulevé la coupe à titre de capitaine en 2008 l’avait plus ému encore. Il a aussi remporté des médailles d’or pour sa Suède natale aux Jeux olympiques de Turin en 2006 et au Championnat du monde de 1991.

En plus de ses 264 buts marqués, de ses 1142 points récoltés en 1564 matchs de saisons régulières qu’il a complétés avec un différentiel de plus-450, Nicklas Lidstrom a reçu le trophée Norris à sept reprises, soit le même nombre que l’illustre Doug Harvey. Seul Bobby Orr avec huit conquêtes du Norris les a devancés.

Pronger : la brute

Si le titre du bon va à merveille à Nicklas Lidstrom, celui de brute va comme un gant à Chris Pronger. Défenseur format géant, Pronger s’est servi de l’intimidation pour régner dans la LNH. Si Lidstrom était un doux, voire un ange, sur la glace, Pronger était un monstre. Que ce soit avec ses épaules, ses coudes, son bâton dont il se servait très (trop) souvent comme d’une arme, Pronger aurait pu écoper des pénalités à chacune de ses présences sur la patinoire. « Il aurait même dû », a imagé à plusieurs reprises Denis Gauthier qui était à sa façon un défenseur robuste dans la LNH avant de devenir analyste à RDS.

Pronger a amassé 698 points en 1167 matchs dans la LNH. C’est peu en comparaison aux deux défenseurs qui l’accompagnent aux portes du Temple. Il affiche toutefois 1590 minutes de pénalités en carrière, ce qui est énorme en comparaison aux 514 et 822 minutes de pénalités passées au cachot par Lidstrom et Housley qui ont pourtant disputé 397 et 328 matchs de plus que lui.

Derrière son rôle de brute, Chris Pronger cachait aussi un joueur de hockey. Que ce soit à Harford où il a amorcé sa carrière - il a été le deuxième choix au repêchage de la cuvée 1993 derrière Alexandre Daigle que les Sénateurs d’Ottawa avaient sélectionné au tout premier rang au Colisée de Québec - à Saint Louis où il s’est retrouvé dans le cadre d’une transaction qui a envoyé Brendan Shanahan avec les Whalers, Edmonton, Anaheim où il a gagné la coupe Stanley en 2007 ou Philadelphie, Pronger a toujours fait de l’équipe pour laquelle il jouait un meilleur club de hockey.

En 2000 à Saint Louis, il a obtenu les trophées Hart et Norris. Un double honneur que seul Bobby Orr avait récolté avant lui. Un double honneur qui n’a pas été récolté depuis.

S’il n’a soulevé la coupe Stanley qu’à une reprise - il avait d’ailleurs été suspendu pour une rencontre en grande finale contre les Sénateurs d’Ottawa en raison d’un coup de coude à la tête de Dean McAmmond - Chris Pronger a propulsé les Oilers d’Edmonton en grande finale en 2006. Une finale perdue en sept matchs aux mains des Hurricanes de la Caroline. Mais une finale que les Oilers n’auraient jamais atteindre, n’eut été la tenue de Pronger. En 2010, à Philadelphie, Pronger a aidé les Flyers à atteindre la grande finale après avoir éliminé le Canadien en finale de l’Est.

« Chris était un dur de dur », a commenté Nicklas Lidstrom en parlant de Pronger.

« Tout ce que je peux dire de Chris, c’est que j’étais heureux d’être un centre quand je jouais contre lui. Ça me donnait l’occasion d’entrer en zone adverse de l’autre côté. Malgré mes précautions, il m’a souvent frappé très solidement, car il était aussi un très bon patineur », a ajouté Sergeï Fedorov.

« Même si l’aspect physique n’est pas aussi prédominant dans le hockey féminin que dans la LNH, j’ai toujours voulu afficher une dose d’intimidation dans mon jeu. Je ne crois pas que Chris ait été égalé au cours de sa carrière à ce chapitre », a mentionné Angela Ruggiero en regardant Pronger avec admiration.

Chris Pronger était tellement attendu au Temple de la renommée que les bonzes ont modifié les règles pour accélérer son entrée. Victime d’une blessure à un œil et des conséquences d’une commotion cérébrale associée à cette blessure qui a officieusement mis un terme à sa carrière en 2012, Pronger est toujours sous contrat alors qu’un joueur doit avoir quitté le hockey depuis trois ans pour être admissible au scrutin d’entrée au Temple de la renommée. Les Coyotes de Phoenix lui versent un salaire de 575 000 $ cette année. Ils le verseront encore l’an prochain, car les Coyotes ont besoin de ce contrat et du montant de 4 941 429 $ qu’il occupe sur la masse annuelle de l’équipe pour les aider à respecter le plancher salarial.

« Je n’ai jamais reçu de chandail. Je ne sais même pas quel numéro j’ai obtenu. Vos suggestions sont bienvenues », a ironisé Pronger qui est aujourd’hui à l’emploi de la LNH, loin, très loin d’un retour au jeu.

Housley : le truand

Contrairement à Lidstrom, Pronger et Fedorov qui font leur entrée au Temple dès leur première année d’admissibilité, Phil Housley a dû patienter longtemps. Retraité depuis 2004, il était admissible en 2007.

Au moment de sa retraite, Phil Housley était l’Américain le plus prolifique de la LNH avec ses 338 buts et 1232 points récoltés en 1495 matchs dans la LNH. Depuis, il a été rejoint et dépassé par Brett Hull et Mike Modano. Mais il est toujours - et le sera peut-être toujours - le défenseur américain comptant le plus de points dans l’histoire de la LNH.

En plus de cet exploit, Housley a toujours été associé au fait qu’il a fait le saut dans la LNH à 18 ans seulement, passant du vestiaire de son équipe de l’école secondaire du Minnesota à celui des Sabres de Buffalo en 1982.

Pourquoi alors avoir attendu aussi longtemps? Parce que Housley ne s’est pas fait que des amis au fil de sa carrière de 21 saisons dans la LNH et dans les huit villes où il a évolué.

« J’ai appris au fil des dernières années à atténuer la portée de mes commentaires. Je crois que j’ai beaucoup appris de mon épouse (Karin Housley) qui est sénatrice chez nous au Minnesota », a d’ailleurs expliqué Housley à un partisan lors du forum de samedi au Temple de la renommée.

Si l’attitude affichée par Housley avec les journalistes a retardé son entrée, il était impossible qu’elle le garde à l’extérieur plus longtemps. Malgré sa petite stature (5’10’’) Housley a fait sa marque dans la LNH grâce à un coup de patin et un talent offensif qu’il savait mettre en valeur à cinq contre cinq, mais plus encore en avantages numériques.