PEBBLE BEACH – C’était si facile de lire la frustration dans le visage crispé de Gary Bettman quand il parlait, lundi, de la surprise causée par l’étalement public des agissements déplorables de Bill Peters. Oui, la LNH a été éclaboussée par cette histoire, mais il y a une mince consolation dans le sens que la LNH avait déjà entamé un travail pour améliorer la culture de ce sport.

Le point de départ de ce virage remonte à novembre 2017 lorsque la LNH a embauché Kim Davis à titre de vice-présidente exécutive pour l’impact social, les affaires légales et les occasions de croissance.

 

Davis est une femme de tête, réfléchie et directe à la fois. Depuis son embauche, elle a rencontré des dirigeants d’une vingtaine d’équipes pour exposer sa vision. Son but consiste à mener la LNH à suivre l’évolution de la société par rapport à l’inclusion et la diversité.

 

Cette gestionnaire méticuleuse développait, semaine après semaine, un plan pour instaurer des fondations solides pour déployer ce changement de mentalité. C’était avant les secousses sismiques provoquées dans son mandat par les histoires à propos de Peters, Mike Babcock et Marc Crawford.

 

Elle ne nie pas l’onde de choc qui a été ressentie, mais elle préfère voir le tout comme un puissant élément déclencheur.

 

« Au fil de mes expériences de travail, j’ai constaté que, parfois, des événements marquants surviennent et poussent une organisation à accélérer ses efforts. Ça permet de se rallier davantage à une cause. Je vois cela positivement », a raconté celle qui s’est assise avec les journalistes pendant une trentaine de minutes pour partager ses réflexions.

 

L’idée devient d’utiliser cette gestion de crise pour créer un mouvement bénéfique. Pour y parvenir, il importe de saisir les motifs qui mènent aux dénonciations.

 

« On le voit dans différentes industries, la génération précédente d’individus a enduré des choses donc elle croit que les plus jeunes en feront de même. Mais les temps changent et, quand tu brises ce cycle, ça prend des meneurs comme Gary qui mettent leur pied à terre en disant que ce ne sera plus toléré », a évoqué Davis.

 

Cette femme d’influence a été moins mielleuse lorsque le sujet du racisme a été évoqué. La question demeure de savoir si la LNH compose avec un problème de racisme.

 

« Je crois que la société en a un. Ce serait minimiser de résumer le tout à un problème lié au hockey, ça nous empêcherait de comprendre qu’on constitue un microcosme de la société. Est-ce qu’il y a des incidents racistes? Bien sûr, mais c’est inapproprié et faux de dire que la culture du hockey est raciste », a proposé Davis.

 

S'inspirer ailleurs que du côté des autres sports

 

Par la force des choses, les sports professionnels majeurs sont souvent comparés sur différents aspects. La NFL a été particulièrement ébranlée par les enjeux raciaux et on a voulu savoir si elle croit que la LNH fait mieux à ce sujet. Sa réponse a été savoureuse et empreinte de franchise.

 

« Je n’en connais pas assez, de l’intérieur, sur les dossiers de la NFL et j’essaie d’éviter de comparer un sport à un autre. Cela dit, je pense que notre plus grande opportunité est de s’inspirer des meilleures pratiques à l’extérieur du milieu sportif. Je ne pense pas que le milieu sportif ait été à l’avant-garde sur ces enjeux », a-t-elle lancé sans pouvoir s’empêcher de sourire pour démontrer le rattrapage à effectuer.

 

« Les mesures, à l’extérieur du sport, sont là. Certains disent que ça ne s’applique pas pour cette raison, mais c’est faux », a argué celle qui vient implanter les meilleures concepts qui ont fait leurs preuves dans la société et dans les entreprises.

 

La vérité, c’est que la LNH est surtout considérée comme un circuit conservateur qui vit parfois sur sa propre planète. La bonne nouvelle, c’est que Davis assure qu’elle a reçu un accueil très encourageant au lieu d’une forme de résistance.

 

« Je suis on ne peut plus franche et je ne peux rien dire d’autre que non. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de résistants, mais ce n’est pas ce que j’ai vécu jusqu’à présent. Ils ont démontré un beau respect pour mon passé et mon expertise », a mentionné Davis.

 

Malgré l’ajout de cette experte dans le domaine et en dépit des moyens financiers considérables de la LNH, ça ne veut pas dire qu’une garantie existe quant aux résultats.

 

« On doit s’assurer d’impliquer les gens pour qu’ils écoutent et apprennent. Tu peux avoir les meilleurs programmes au monde, tu peux dépenser tout l’argent du monde, mais si tu ne captes pas l’attention des gens, tu ne peux pas changer la culture. Voilà pourquoi, 30 ans plus tard, on discute encore de ces enjeux sur l’inclusion et la diversité », a reconnu celle qui veut ancrer des principes et des pratiques dans l’ADN du hockey.

 

Elle n’est pas du style à voir la vie en rose. Évidemment, dans un monde idéal, les changements seraient perceptibles à court terme, sauf ça relève de l’utopie.

 

« Un changement de culture ne se voit pas en six mois, neuf mois et peut-être même pas en deux ans. Mais on voit déjà un début prometteur dans le sens que des gens sentent qu’ils seront écoutés et qu’ils peuvent parler. Ils font leur coming out. On ne peut pas sous-estimer le pouvoir de ça, c’est une étape très importante vers un objectif plus grand. Le travail que l’on accomplit aujourd’hui va dicter le portrait du sport dans 20 ans », a indiqué la femme originaire de Chicago.

 

Des mesures concrètes s'en viennent

 

Les équipes de la LNH semblent disposer à écouter son discours, mais elles veulent avant tout du concret. Dans ce cas-ci, il s’agit de dénicher les ressources et élaborer les méthodes pour réussir cette transition. Davis et son comité travaillent donc à bâtir un éventail de ressources à fournir aux 31 marchés – et bientôt 32 – du circuit Bettman.

 

Le concret peut s’exercer d’une multitude de façons. D’ailleurs, quelques équipes semblent avoir réfléchi à une avenue inspirante. En effet, pour afficher une plus grande diversité, il faudra dénicher une relève talentueuse venant de plusieurs communautés et nationalités.

 

« J’ai eu des conversations extrêmement intéressantes avec quelques propriétaires qui comprennent qu’ils devront utiliser leur organisation pour favoriser l’ascension de jeunes pas uniquement blancs. Dans les prochaines années, on va voir plusieurs de ces programmes qui seront testés dans différents marchés. Ces propriétaires veulent inciter des jeunes de diverses races à commencer le hockey dès l’âge de quatre ans. Ils veulent aider dans ce sens et c’est initié par eux », a révélé Davis.

 

L’inclusion et la diversité doivent également se transposer dans la sphère des dirigeants des équipes de la LNH. Quelques formations – comme le Canadien et le club de Seattle - ont commencé à emboîter le pas, mais de manière très graduelle.

 

Là encore, ça passe par le concret.

 

« On essaie d’élaborer des programmes permettant d’accueillir des étudiants représentatifs de cette diversité au sein de quelques équipes », a pointé Davis en notant que Seattle s’impose déjà comme un superbe exemple à ce chapitre.

 

Difficile de prédire la puissance de la vague de dénonciations qui déferlera sur la LNH dans les prochains mois, mais le mouvement aura permis d’instiguer une évolution nécessaire et attendue. Bettman pourra apaiser sa colère ainsi.