Le 8 février dernier, la haute direction des Rangers de New York a fait preuve d’une grande transparence en annonçant ses couleurs en vue de la date limite des transactions du 26 février et des mois qui suivront. Par le biais d’une lettre publiée sur les réseaux sociaux, le président des Rangers, Glen Sather et le directeur général, Jeff Gorton, ont fait part de leur volonté d’ajouter des jeunes joueurs à la formation « qui seront à la fois rapides, talentueux et qui font preuve de caractère ».

« Ça veut donc dire que certains visages familiers quitteront, des gars que nous apprécions et que nous respectons. Notre promesse pour vous, c’est que nos plans seront influencés par un engagement : celui de bâtir les fondations des prochains aspirants à la Coupe Stanley »

Si cette grande transparence a été perçue positivement par plusieurs observateurs, il en est tout autrement sur le plan hockey. Mon collègue Marc Denis avait d’ailleurs émis des réserves sur l’approche adoptée par les Rangers.

Exactement deux semaines après le communiqué controversé, les Rangers sont de passage à Montréal, pour y affronter le Canadien. L’entraîneur-chef Alain Vigneault, toujours sympathique et généreux avec les représentants des médias, l’a été tout autant, mais le climat était plus tendu qu’à l’habitude. Pourquoi? Parce que depuis deux semaines, lui et ses joueurs doivent affronter les médias pour commenter ce dossier.

« La situation sera apaisée quand le 26 février sera passé! », lance l’entraîneur avec un sourire au visage.

S’il sourit, ce n’est certainement pas parce qu’il trouve la situation amusante. Quelques jours avant cette sortie publique des Rangers, l’entraîneur-chef Alain Vigneault a été désigné pour informer le groupe de joueurs de cette décision. Il a confirmé que l’incompréhension régnait chez les joueurs lors de cette rencontre. Pourquoi abandonner sur un groupe qui se retrouve à seulement trois points d’une place en séries (six au moment d’écrire ces lignes)? Le rôle de l’entraîneur est d’unir ses joueurs et de leur dresser des objectifs. Ce rôle est devenu beaucoup plus complexe, par la force des choses.

« Pour qu'une équipe ait du succès, il doit y avoir un seul agenda, celui de l'équipe. La minute où tu dis qu'on essaie de reconstruire et que tout le monde est disponible, ça fait plusieurs agendas. Ça rend le fait de travailler ensemble vers le même objectif très difficile, parce qu'il n'y a plus un seul objectif, il y en a plusieurs. »

Voilà le danger dans cette situation explosive. Les dirigeants évoquent leurs objectifs de façon claire, l’entraîneur tente de garder son groupe uni et pendant ce temps, chaque individu du groupe se laisse affecter par des rumeurs de transaction, en plus de penser à son avenir, dans le but d’avoir un contrat en poche la saison prochaine.

David Desharnais est l’un des joueurs qui n’a pas de contrat assuré pour l’an prochain et l’une de ses réponses ce matin décrit bien la situation : « C’est un cliché, mais nous sommes des professionnels et nous devons faire notre travail, sinon nous allons nous faire humilier sur la patinoire. Tu joues pour toi, pour ta carrière, il y a toujours des équipes qui regardent. »

Gagner la coupe Stanley à tout prix

Alain Vigneault a été consulté par ses patrons avant qu’ils prennent officiellement leur décision. Leur question était simple : Pouvons-nous gagner la coupe Stanley avec ce groupe de joueurs ?

« Comme entraîneur, on m'a demandé ce que je pensais des chances de cette formation de gagner la coupe Stanley. J'ai répondu que je ne l'avais pas gagnée avec de meilleures équipes, mais je suis convaincu qu'on pouvait faire les séries. »

« Tu joues pour ta carrière »

Sather et Gorton ont pris leur entraîneur au mot. S’ils ne pouvaient pas gagner la coupe Stanley avec ce groupe, à quoi bon lutter simplement pour une place en séries? Par contre, il est permis de douter qu’Alain Vigneault était en accord avec la décision, il a rappelé à quel point tout est possible lorsqu’on obtient son laissez-passer pour les séries de fin de saison.

« La saison dernière, les Predators de Nashville ont été la 16e équipe à obtenir leur place et ils ont atteint la finale. Ce que j’ai dit à mon propriétaire et mon président, c’est que j’essaie de gagner tous les matchs. Avec la dynamique de la situation, ça devient plus difficile. »

Si l’entraîneur donne l’impression qu’il n’a pas abandonné, malgré les circonstances malheureuses, le vétéran Marc Staal abonde dans le même sens.

« Ça peut sembler ridicule, mais si nous gagnons quelques matchs, nous serons au plus fort de la course. »

Effectivement, les Rangers sont encore loin d’être éliminés avec 22 matchs à disputer à leur saison régulière.

L’avenir nous dira si l’organisation des Rangers a pris une bonne décision en ce qui concerne les prochaines années sur le plan sportif, mais pour le moment, les joueurs et l’entraîneur semblent vivre une situation déstabilisante. Un peu comme dans un film d’action, dans lequel une bombe explose et où un son aigu se fait entendre… ils tentent de se relever et d’avancer malgré le fait que tout le monde a abandonné, sauf eux en réalité.