Lindros : une place amplement méritée
LNH dimanche, 13 nov. 2016. 20:43 mercredi, 11 déc. 2024. 13:48TORONTO - John LeClair, qui a connu ses années de gloire à la gauche d’Eric Lindros, a une réponse toute prête à lancer à tout amateur de hockey qui oserait contester l’intronisation de son ancien capitaine au Temple de la renommée.
« Je lui répondrais bien simplement qu’il est fou », m’a lancé LeClair croisé dimanche après-midi lors de l’entracte du match des anciens organisé dans le cadre du week-end du Temple de la renommée.
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Plus nuancé, mais tout aussi convaincant, Mikael Renberg, le troisième membre du célèbre trio, a esquissé une moue de désapprobation lorsque je lui ai posé la même question. « Je dirais à ce partisan qu’il est dans le champ. »
Pour une première fois depuis le départ fracassant de Lindros de Philadelphie en 2000, la « Legion of Doom » était réunie au Centre Air Canada dimanche après-midi. Ce trio qui faisait frémir ses adversaires il y a 20 ans a contribué à la victoire de 8-7 de l’équipe Lindros aux dépens des anciens Maple Leafs de Borje Salming.
LeClair a marqué un but en temps réglementaire. Renberg a marqué en tirs de barrage tout comme Lindros qui, à titre de capitaine honoraire, a obtenu deux tirs pour mousser les chances de victoire de son club. Le « Big E » a démontré ses habiletés naturelles en déjouant Jean-Sébastien Giguère avec un tir du revers qu’il a logé dans la lucarne droite avant de surprendre le gardien québécois avec un tir vif entre les jambières.
« Je ne crois pas que j’avais le droit d’y aller à deux reprises, mais en revenant vers le banc après mon premier but, Dale Hawerchuk m’a dit de vite y retourner. Je n’allais certainement pas dire non. C’était vraiment plaisant de retrouver John et Mikael. Plaisant de retrouver tous ces joueurs et d’avoir encore autant de plaisir à jouer au hockey », a commenté Lindros après la rencontre.
« Il a encore de très bonnes mains », a reconnu Jean-Sébastien Giguère en retraitant au vestiaire. « Les années ont passé, mais il est encore un joueur dominant. On a senti le niveau de jeu de son équipe grimpé lorsqu’il est revenu du vestiaire en équipement après avoir reçu son veston du temple lors de la cérémonie d’avant-match », a ajouté le gardien québécois.
Biron et Brisebois approuvent
En raison de la controverse qui a suivi Eric Lindros tout au long de sa carrière, du fait qu’il n’a pas atteint les 1000 matchs dans la LNH et qu’il n’ait pas soulevé la coupe Stanley, plusieurs amateurs de hockey contestent l’intronisation de Lindros.
Une réaction que Patrice Brisebois n’arrive pas à accepter. « Ça m’attriste de voir que des amateurs refusent de reconnaître la réelle valeur de Lindros. C’est vrai qu’il n’a pas de coupe. C’est vrai qu’il n’a pas atteint le plateau des 1000 parties, mais dans les années 1990, Lindros était le joueur le plus dominant de la LNH. Ses chiffres parlent d’eux-mêmes. Il a plus d’un point par partie dans la LNH. En une présence, il pouvait changer le cours d’un match. Que ce soit avec une mise en échec, avec un jeu parfait qui permettait à LeClair ou Renberg de marquer ou avec un but qu’il marquait lui-même. Eric Linros était l’attaquant de puissance par excellence. C’est juste dommage que les blessures aient miné sa carrière. Imagine une seconde ce qu’il aurait pu accomplir sans toutes ces commotions dont il n’a jamais vraiment pu se remettre », a indiqué Brisebois.
L’ancien défenseur du Canadien a souvent été impressionné, voire intimidé, par Lindros lorsque les deux joueurs se croisaient sur la patinoire. Mais Patrice Brisebois assure avoir été plus impressionné encore par le Eric Lindros âgé de 16 ans qui est débarqué à Kitchener au camp d’entraînement d’Équipe Canada Junior en 1989.
« Comme tout le monde, j’avais entendu parler de lui. Mais quand je l’ai vu dans le vestiaire, j’ai fait un maudit saut : comment un jeune de 16 ans pouvait déjà être aussi grand, aussi gros, aussi fort. C’était un ado dans un corps d’homme. Et une fois sur la glace, ça revolait : Beding! Bedang! Il tassait tout le monde et prenait le contrôle du jeu. Quand tu regardes tout ce que Lindros a fait au cours de sa carrière, dans les juniors, dans la LNH, sur la scène internationale, tu ne peux pas contester sa place au Temple de la renommée du hockey. Cette place, il la mérite amplement », a conclu Patrice Brisebois.
Originaire de Québec et grand partisan des Nordiques pendant sa jeunesse, Martin Biron en a voulu à Eric Lindros quand il a tourné le donc à son club préféré en 1991.
« Mais ça ne m’empêche pas de reconnaître qu’il a été tout un joueur de hockey et d’approuver pleinement sa sélection au Temple de la renommée », m’a lancé Martin Biron qui défendait la cage d’Équipe Lindros lors du match des anciens, dimanche, à Toronto.
« C’est un spécimen rare Eric Lindros, a ajouté Biron. Un spécimen sur le plan physique, mais aussi celui de la puissance de ces tirs et de son coup de patin. Quand il frappait quelqu’un, tu sentais l’aréna vibrer. Quand il passait en deuxième vitesse, tu entendais et sentais la glace craquer. Je pense que le mot le plus simple et le plus adéquat pour décrire Lindros est : dominant. »
Ce joueur dominant était aussi un mastodonte sur la patinoire. L’un des plus imposants avec lesquels Martin Biron a eu à composer au cours de sa carrière.
« Je me souviens de mon premier match contre lui. J’avais essayé de le frapper avec mon bouclier à quelques reprises. C’était ma façon de me venger pour sa décision de refuser de jouer à Québec », lance Biron en riant. Ça n’a pas donné grand-chose. Et après avoir été victime de quelques buts, j’ai décidé de m’en tenir au hockey. J’ai joué contre des gros gars pendant ma carrière. Zdeno Chara est peut-être le plus gros de tous. Mais au nombre de fois que j’ai eu le gros chiffre 88 dans le visage, je peux t’assurer que même si Chara et quelques autres étaient plus gros que Lindros, ils n’arrivaient pas à prendre autant de place que lui devant moi. »
Statistiques éloquentes
S’il est vrai que les blessures ont contraint Eric Lindros à ne disputer que 760 matchs, il a su en profiter pour marquer 372 buts et récolter 865 points pour une moyenne de 1,15 point par partie.
Avec les Flyers, Lindros a marqué 290 buts et ajouté 369 passes en 486 parties. Ces 659 points lui ont donné une moyenne de 1,36 point par match disputé avec les Flyers. C’est énorme.
À ces statistiques éloquentes accumulées dans la LNH, il faut ajouter la production de Lindros en matchs internationaux. Aux championnats du monde junior ou senior, en Coupe Canada, aux Jeux olympiques, Lindros a toujours été un centre dominant. Un jeune centre âgé de 18 ans à peine qui appelait ses coéquipiers « monsieur » lorsqu’il s’est retrouvé avec Équipe Canada en 1991 en compagnie des Mario Lemieux, Wayne Gretzky et autres vedettes de la LNH de même qu’avec des vétérans au sein de l’équipe canadienne qui est débarquée aux Jeux olympiques de 1992 à Albertville.
Bien qu’ils aient profité du talent indéniable de leur joueur de centre, John LeClair et Mikael Renberg ont aussi comblé Eric Lindros à leur façon.
« Johny marquait des buts de n’importe où sur la patinoire. Quand je voyais que j’avais deux joueurs sur moi, je savais qu’il était libre et qu’il saurait en profiter si j’arrivais à lui remettre la rondelle. Mikael avait une intensité contagieuse. Je me souviens d’une partie à Tampa Bay. Nous ne disputions pas un grand match, mais on menait 2-1. En rentrant au vestiaire, Mikael a cassé son bâton et a lancé de gros jurons en Suédois. Je lui ai dit qu’on était quand même en avant 2-1. Il m’a répondu que le score ne changeait rien au fait qu’on jouait trop mal à son goût. Je l’ai aimé sur-le-champ », de raconter Lindros.
La « Legion of Doom » ne ferait plus frémir personne dans la LNH. Mais les retrouvailles d’hier ont ravivé de beaux, ou moins beaux, souvenirs chez les amateurs assis dans les gradins et les joueurs qui partageaient la patinoire avec eux.
« Je suis impressionné de voir Eric patiner. Il le fait deux fois par semaine, semble-t-il alors que je le fais deux fois par année. J’ai peine à suivre le rythme. Mais malgré toutes les années qui se sont écoulées depuis nos belles années avec les Flyers, j’avais l’impression de savoir où Eric et John étaient sur la glace. Nous nous complétions tellement bien dans le temps que je peux comprendre que cette complicité soit revenue… malgré ma piètre forme physique. Cela dit, c’était facile de jouer avec Eric. Il était un joueur complet. C’est le plus beau commentaire que je puisse faire. Il était fort bien sûr. Rapide aussi. Il avait un bon tir, mais il était aussi très solide défensivement et savait s’imposer. Il donnait le ton, on suivait », a conclu l’ancien complice de Lindros qui a fait le voyage à Toronto pour l’occasion.
Eric Lindros donnera le ton encore ce soir. Il sera le premier à faire son entrée au Temple de la renommée. Sergei Makarov, Pat Quinn et Rogatien Vachon le suivront.