MONTRÉAL – On le voit toujours sourire et s’amuser comme un enfant sur la patinoire, mais Jean-Sébastien Aubin et Dany Sabourin, deux témoins privilégiés de l’ascension de Marc-André Fleury, souhaitent surtout qu’on retienne son immense sens de la compétition. Sans cette force, il aurait pu craquer bien avant de se hisser au troisième rang de l’histoire de la LNH pour les victoires. 

« Les gens vont voir son nombre de victoires et ils vont penser ‘Ah, il est bon et ça fait longtemps qu’il est là.’ Mais il a connu des moments moins faciles et ça remonte jusqu’à la Ligue américaine, mais il travaillait toujours fort. Il a eu à bûcher et je sais que, comme bien des gars, ses étés sont très exigeants », a souligné Dany Sabourin qui a été son partenaire durant deux saisons dans la LAH (2004-2005 et 2005-2006) et deux saisons dans la LNH (2007-2008 et 2008-2009).

Doit-on rappeler que Fleury a déjà été tassé au profit de Matt Murray avec les Penguins et que les Golden Knights de Las Vegas avaient l’intention de le laisser dans un rôle de second violon derrière Robin Lehner? 

ContentId(3.1388346):Sur son 33 : Marc-André Fleury se hisse parmi les plus grands (L'Antichambre)
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« C’est incroyable ce que Marc-André accomplit. Il y a à peine quelques mois, ils voulaient le mettre dehors... Il a été capable de reprendre son poste et il est en feu depuis. Je ne sais pas si ça l’a fouetté ou piqué dans son orgueil même s’il n’était pas mauvais avant ça », a réagi Aubin qui a été le premier partenaire de Fleury dans la LNH en 2003-2004. 

« Je l’ai vu quelques fois durant ses dernières années à Pittsburgh. On avait parlé quand ça n’allait pas bien et quand l’équipe s’était tournée vers Murray. C’est certain qu’il ne trouvait pas ça drôle, mais sa personnalité ne changeait pas. Il restait prêt à faire tout ce qu’il faut pour son équipe. C’est remarquable et c’est pour ça qu’il bat des records et qu’il a eu une si belle carrière », a ajouté Aubin qui organise des camps pour des gardiens à Pittsburgh. 

Sabourin abonde dans le même sens. Douze ans après son départ de l’organisation des Penguins, il demeure fasciné par l’esprit compétitif du gardien sorelois. 

Dany Sabourin« C’est un compétiteur, il est vraiment exigeant envers lui-même. Oui, on le voit toujours avec un sourire, en train d’avoir du plaisir. Mais, en même temps, quand ça va moins bien, il ne sera pas content, il va foncer, il va se fâcher, mais la switch revient au positif tellement vite. Il est capable de beaucoup s’amuser tout en visant très haut », a noté Sabourin qui riait en confirmant que ça lui arrive de se fâcher. 

Aubin et Sabourin ont regardé Fleury composer avec les épreuves professionnelles lancées en sa direction. Au lieu de se faire déculotter par ces balles courbes, il a riposté avec des circuits. 

« Il a toujours traversé ça avec classe en trouvant une façon de revenir au sommet. Quand ça n’allait pas bien et que les gens commençaient à dire des choses à son sujet, il a été capable de mettre ça de côté. Plusieurs gardiens, qui auraient vécu les mêmes choses, seraient disparus du portrait. Ça n’a jamais été son cas », a exposé Aubin. 

Puisque si la profession de gardien exige une excellente technique, elle requiert avant tout une force mentale de haut niveau.

« Ça se joue beaucoup dans la tête et les gens te jouent dans la tête aussi! Il aurait pu avoir plus de support surtout à Pittsburgh. Quand le coach (Mike Sullivan) a commencé à tripper sur Murray, je trouve que c’était déplorable et pratiquement personne a dit quelque chose ici. J’espère que les gens vont retenir ça : sa spécialité, ce n’est pas d’être rapide et de faire des arrêts spectaculaires, c’est d’avoir surmonté toutes ces épreuves », a proposé Aubin. 

À force de parler de la résilience de Fleury, Sabourin a tenu à ajouter un élément à l’équation gagnante. 

« L’histoire de Marc-André, c’est aussi un travail d’équipe avec sa famille et sa femme Véronique. J’ai de très beaux souvenirs parce que ma fille avait un an à Wilkes-Barre. Marc-André et Véronique sont les premiers à être venus la garder. Véro invitait souvent les femmes des autres joueurs pour souper autant là-bas qu’à Pittsburgh », a noté Sabourin à propos de celle qui a sans doute remonté le moral de son conjoint plus d'une fois. 

Pas toujours respecté à la hauteur de son talent

Jean-Sébastien AubinSi sa réputation de gentilhomme a fait le tour de la LNH depuis longtemps, on peut comprendre Aubin de ne pas avoir sauté au ciel quand Fleury a été repêché en juin 2003. 

« Je me suis dit ‘Tu me niaises!’ Ce n’était pas évident sur le coup. Pas que j’avais une carrière incroyable, mais ça n’allait pas si mal. J’ai compris quand il est arrivé au camp d’entraînement, c’était évident qu’il allait jouer à long terme, les Penguins venaient de trouver le remplaçant de Tom Barrasso (qui a aidé l’équipe à soulever la coupe Stanley en 1991 et 1992) », s’est rappelé Aubin sans que ça n’affecte leur relation. 

« Ce serait difficile de détester une bonne personne comme lui », a convenu Aubin qui a ensuite porté l’uniforme des Maple Leafs de Toronto et des Kings de Los Angeles. 

À son année recrue, Fleury n’était pas timide, mais il ne pouvait pas se permettre de jouer des tours à ses coéquipiers comme il adore le faire. Il se souvient d’un jeune de 18 ans qui ne laissait pas ébranler par un but. 

« Je ne dis pas qu’il ne se fâchait pas, mais il se concentrait sur la suite. C’était très impressionnant de voir ça à 18 ans. D’habitude, les gardiens, à cet âge-là, surtout à cette époque, n’avaient pas cette maturité », a mentionné Aubin avec un argument qui a convaincu les Penguins de lui confier passablement d’action. 

Quelques années plus tard, Sabourin a eu la chance de voir Fleury taquiner ses coéquipiers.  

« J’ai été son compagnon de chambre pendant deux ans. Donc, sur la route, j’étais le premier à voir ce qu’il faisait parce que j’étais avec lui. Je me souviens qu’il avait été impliqué dans un coup à Kristopher Letang, celui de coudre l’extrémité de ses manches de veston et de ses pantalons », a confié Sabourin qui agit, depuis décembre, comme entraîneur au développement des gardiens pour le club-école des Sharks de San Jose. 

Sabourin aime raconter une autre histoire au sujet de Fleury. Au printemps 2018, le gardien québécois a atteint la finale de la coupe Stanley avec les Golden Knights de Las Vegas face aux Capitals de Washington. 

« J’avais assisté à deux matchs et j’avais pu aller le voir dans le vestiaire. C’était comme si on s’était vus la veille avec les gros câlins et tout. Il n’avait pas changé, il était aussi humble qu’auparavant si pas plus. Après quelques minutes, il a commencé à me demander ce que j’avais pensé de tel but qu’il venait d’accorder... Je me suis assuré de changer de sujet rapidement, mais ça en dit long sur lui et ça le décrit tellement bien », a raconté Sabourin. 

Ce respect envers les autres caractérise Fleury tout autant que ses exploits dans la LNH. Par contre, son parcours démontre qu’il n’a pas toujours obtenu le respect qu’il méritait. 

« Je trouve que Marc-André n’a pas été traité à la hauteur de son talent. [...] Des fois, on ne s’en rend pas compte, mais quand tu prends le temps de regarder tous les noms qu’il a devancés, c’est toute une carrière tabarouette! », a conclu Aubin en pensant aux Luongo, Belfour, Lundqvist, Joseph, Sawchuk, Plante, Esposito et compagnie. 

Le style de Fleury est si athlétique et unique que Sabourin et Aubin ne peuvent pas enseigner tout ce qu’il fait aux jeunes gardiens. Par contre, difficile de trouver un plus bel exemple pour la relève grâce à son attitude exemplaire, le plaisir qu’il dégage et la compétition qui l’anime encore autant à 36 ans.