MONTRÉAL – Maveric Lamoureux fixe l’entrevue à 15 h. Parmi ses obligations au préalable : un rendez-vous chez le chiro. Laquelle, parmi toutes les blessures qui ont ennuyé le grand défenseur cette saison, le tenaille encore?

Aucune, nous rassurera-t-il plus tard. À quelques semaines du plus grand jour de sa jeune carrière, Lamoureux jure qu’il est en pleine forme. Mais il ne cache pas que la dernière année a été éprouvante physiquement.

Un coup à l’épaule au camp d’entraînement ne l’a pas lâché de l’année. Il l’a forcé à jouer avec une attelle jusqu’en séries et lui a fait rater presque tout le mois de février. À son retour au jeu, dans un match contre Rouyn-Noranda, un double-échec dans le dos l’a laissé avec deux côtes fracturées. Il a joué en dépit de la douleur pendant deux semaines avant de recevoir le bon diagnostic. « J’avais de la misère à respirer, mais je pensais que c’était musculaire », lâche-t-il tout bonnement aujourd’hui.

Une grosse année d'apprentissage pour Lamoureux

« Personne n’était au courant de tous ces détails, confie-t-il au bout du fil. Je gardais ça privé, je ne pouvais rien dire. Il y avait juste le monde à l’interne qui le savait. Des fois, il y en a qui se demandent : "Crime, comment ça il est autant mauvais aujourd’hui?". Des fois, c’est à cause d’une blessure, mais tu ne peux pas le dire. »

Maintenant qu’il est fané et composté, ce bouquet de bobos vient donner encore plus de lustre à une saison dont Lamoureux peut être fier. Douzième choix au repêchage de la LHJMQ en 2020, l’ancien des Élites de Jonquière a confirmé son positionnement comme l’un des meilleurs défenseurs de son groupe d’âge. La Centrale de recrutement de la LNH le voit comme le septième plus bel espoir à sa position parmi ceux qui sont issus d’un circuit nord-américain. Cette prise de position a alimenté les débats au Québec, où Tristan Luneau des Olympiques de Gatineau avait longtemps été considéré dans une classe à part.

Les listes et les conversations qu’elles ont suscitées sont un autre obstacle que Lamoureux a dû surmonter au cours de la dernière année. Elles ont tantôt gonflé son égo, tantôt miné sa confiance. Qu’elles aient été flatteuses ou plus dures à son endroit, il admet avec le recul qu’il y accordait beaucoup trop d’importance. Avant qu’il ne réalise dans quel piège il s’était fait prendre, la qualité de son jeu en a souffert.

« Le danger pour tout joueur qui est à son année de repêchage, même un défenseur, c’est se dire qu’il doit faire des points pour être choisi le plus haut possible, rappelle Mathieu Turcotte, l’entraîneur qui était responsable des défenseurs la saison dernière chez les Voltigeurs. C’est quand même beaucoup de pression et par moments, ça pouvait jouer sur sa prise de décision. Je lui ai dit une couple de fois d’arrêter des jeux qui ne sont pas là, qu’il n’était pas Tristan Luneau. C’était en joke, mais il comprenait le message. »

Lamoureux se souvient de la date exacte où il en a eu assez de jouer derrière un masque. À la mi-décembre, après une défaite à Charlottetown, il a fait sortir le méchant dans une discussion à cœur ouvert avec son agent.

« J’étais rendu au point où je réalisais que je ne jouais pas mon hockey. Je n’étais plus moi-même, le grand gars avec un gros sourire qui a du fun, qui est dans la face des autres, qui joue physique et qui s’amuse. Quand je jouais, j’étais stressé, je pensais beaucoup trop. "Si je fais cette passe-là, est-ce que je vais faire une erreur? Si je fais ça, est-ce que c’est bon ou non?". Ça me nuisait, ça me prenait beaucoup d’énergie. J’étais à boutte. »

Deux précieux complices

Une fois le côté mental réglé, le plus facile restait à faire. Parce que le talent est là et le travail nécessaire pour le développer, Maveric Lamoureux ne s’en est jamais défilé.

« Il y a beaucoup de gens qui vont dire que je suis rendu où je suis ou que j’ai autant de chance au repêchage juste parce que je suis grand, a-t-il entendu. Mais c’est aucunement le cas. Si j’étais sloppy, si je n’étais pas travaillant, si je ne voulais pas m’améliorer à chaque jour, il n’y a aucune chance que je serais rendu ici aujourd’hui. »

« Il y en a qui disent qu’ils veulent faire des joueurs de hockey. Maveric, il parle avec ses actions », témoigne Turcotte.

Il y a deux ans et demi, Lamoureux a commencé à travailler avec Paul Boutilier, un ancien défenseur de la LNH qui roule sa bosse depuis une trentaine d’années comme entraîneur et qui s’est spécialisé avec le temps dans l’enseignement de son ancienne position. Quand il s’est joint aux Voltigeurs, il a trouvé en Turcotte le complice parfait pour le superviser dans ce que ce dernier a baptisé le « programme Thomas Chabot » en l’honneur du plus célèbre client de Boutilier.

Deux matins par semaine, l’élève retrouvait donc le maître sur un vélo stationnaire pour une séance de 15 minutes d’entraînement à haute intensité. Le duo faisait aussi du temps supplémentaire sur la patinoire avec des bonnes vieilles « pucks oranges », des rondelles plus lourdes utilisées pour améliorer le lancer. Lamoureux effectuait quatre séries de 25 tirs qui devaient être décochés en moins de 35 secondes.

« On voit de moins en moins de gars comme ça, mais c’est le genre, mettons que je lui dis qu’il reste quatre répétitions à faire, il va me demander pour en faire une cinquième, dévoile Turcotte. Si je dis qu’il reste dix secondes de repos avant le prochain tour, il va partir tout seul après cinq secondes. Il va toujours trouver des façons d’en faire plus et il n’y a pas une fois où j’ai dû le pousser. »

L’influence de Boutilier sur Lamoureux ne se calcule pas seulement en watts ou en milles à l’heure. Des nombreuses heures passées à décortiquer de la vidéo avec son mentor, la jeune éponge a accumulé un paquet de notes sur les subtilités de sa position. « La position de mon bâton, comment prendre le bon angle sur les gars, couper le jeu plus rapidement dans la zone... », énumère-t-il avec admiration. Aujourd’hui encore, même si l’habitude est bien ancrée dans son cerveau, Lamoureux inscrit les chiffres de 1 à 5 à l’extrémité de son bâton en souvenir des conseils qu’il a reçus pour constamment compter et situer ses adversaires dans le cours du jeu.

« Il m’a aidé avec tellement d’aspects du hockey que je ne comprenais pas avant de parler avec lui », résume-t-il avec reconnaissance.

Et Turcotte, qui suivra la suite à distance puisqu’il a été embauché comme entraîneur du programme M18 AAA du Séminaire St-Francois, est de ceux qui croient que les bénéfices n’ont pas fini de déteindre sur le jeu de son ancien protégé.

« Il est capable de voir des jeux que d’autres ne voient pas. Il ne devrait pas toujours les essayer! Mais il les voit, ces jeux-là, alors que ce n’est pas le cas de la plupart des gars de son âge. C’est un désavantage quand tu ne peux pas analyser à quel moment les faire. Mais quand ça va rentrer en ligne avec le reste, il va faire des choses que les gens vont se demander comment il a pu faire ça. »

*Erratum : une version précédente de l'article faisait mention d'une blessure à un genou subie par Lamoureux au mois de mars. Cette blessure est survenue en 2021 et non au cours de la dernière saison. Nous nous excusons pour la confusion que notre erreur a pu causer.