MONTRÉAL – Membre du Temple de la renommée et auteur de 1277 points en 22 saisons dans le hockey professionnel, Dave Keon se classe parmi les Québécois qui ont accompli de magnifiques carrières. Pourtant, même à 76 ans, il est encore perçu comme un Ontarien à l’extérieur de sa région natale de l’Abitibi.

Puisqu’il a joué son hockey junior à Toronto, qu’il a enchaîné avec 15 saisons dans l’uniforme des Maple Leafs et qu’il s’exprime en anglais, Keon n’est jamais parvenu à se faire connaître du grand public québécois.

Heureusement pour lui, le Panthéon des sports du Québec n’est pas tombé dans ce piège en lui ouvrant ses portes lors de son 26e gala d’intronisation, mercredi dernier.

Encore droit comme les arbres qui décorent les paysages abitibiens, Keon devient un peu plus émotif quand il parle de cet honneur qui le comble à cette période de sa vie.

« Je suis honoré, c’est très excitant pour moi. J’étais plutôt surpris et heureux quand j’ai reçu l’appel », a reconnu le gentilhomme qui a d’ailleurs mérité le trophée Lady Bing – qui récompense cette valeur - à deux occasions.

Habile patineur, Keon a vécu les derniers glorieux moments des Maple Leafs ayant soulevé la coupe Stanley à quatre occasions avec l’organisation torontoise. Il était un important membre de leur conquête de 1967 qui a signifié le début d’une grande noirceur.

Il avait même été élu récipiendaire du prestigieux trophée Conn Smythe pour avoir neutralisé Jean Béliveau lors de cette finale.

Keon a également eu à en découdre avec Henri Richard très souvent et il ne reculait pas devant cette mission.

Dave Keon et Ken Dryden« Je me retrouvais contre lui la plupart du temps. C’est vrai qu’il était tough, mais c’était ça le défi quand on affrontait le Canadien qui était l’équipe la plus dominante de l’époque », a-t-il admis.

En réfléchissant aux plus grands moments de son parcours, Keon a ciblé le fait qu’il a pu s’illustrer de 1960 à 1982 sur la scène professionnelle comme sa principale fierté.

« C’est probablement que j’ai pu jouer pendant 22 ans. À ma première année, les gens ne pensaient même pas que j’allais durer un an et j’ai continué pendant encore 21 saisons », a témoigné l’ancien attaquant gaucher.

Humble, Keon ne s’accorde aucun mérite pour expliquer comment il a pu traverser les époques sur la patinoire.

« Je n’ai jamais subi une blessure grave. J’ai été chanceux de pouvoir éviter ça », a confié celui qui a connu 11 saisons de plus de 20 buts sur ses 15 campagnes dans la LNH.

En se fiant sur sa condition physique qui donne espoir pour les vieux jours, on aurait pu croire que Keon était en avance sur son époque pour les méthodes d’entraînement.

« Non », s’est-il empressé de dire en riant pour laisser comprendre qu’il a bien profité de la vie comme ses coéquipiers.

« Mais, pour moi, quand la saison prenait fin, je décrochais du hockey », a expliqué l’homme qui accumule encore les rondes de golf et les heures sur son vélo.

Keon est installé en Floride depuis plus de 30 ans, mais il demeure fier de ses origines. Véritable terreau fertile, l’Abitibi a produit de nombreux hockeyeurs de talent comme Jacques Laperrière, Pete Martin, Réjean Houle, Dale Tallon, Pierre Turgeon et Éric Desjardins.

Les partisans du Canadien auraient-ils été aussi patients ?

Keon ne peut pas s’empêcher de lâcher un long soupir quand on lui fait remarquer que les Leafs en ont arraché au cours des dernières décennies.

« C’est décevant, vraiment. C’est l’une des équipes fondatrices de la LNH. Ils ont vraiment éprouvé plusieurs ennuis. Avec le plafond salarial, je ne crois pas qu’on puisse acheter une équipe. Quelques fois, ils sont parvenus à ajouter des joueurs et l’équipe a pu présenter un niveau intéressant. Mais, ultimement, je pense qu’il faut réussir à repêcher les bons joueurs et les développer », a relaté le capitaine des Leafs de 1969 à 1975. Dave Keon, Serge Savard et Ken Dryden

Après avoir vécu un profond froid avec les Leafs pendant de nombreuses années à la suite de disputes contractuelles qui l’ont forcé à jouer dans l’Association mondiale de hockey, Keon s’est réconcilié avec l’organisation.

Keon n’en voulait pas aux partisans des Leafs et il a toujours été impressionné par leur patience.

« J’ai souvent dit aux gens que si ce marasme sur la glace s’était produit à Montréal, il n’y aurait plus personne aux matchs. Ils sont demeurés loyaux », a-t-il convenu.

Retraité du hockey et de l’immobilier en Floride, Keon espère que l’équipe retrouvera ses lettres de noblesse et il a bien hâte de voir Auston Matthews à l’œuvre pour juger s’il peut orchestrer cette renaissance.