OTTAWA – Une carrière dans la LNH permet parfois d’assister à une évolution fascinante d’athlètes et Jean-Gabriel Pageau se classe assurément dans cette catégorie à un point que le départ du Franco-Ontarien de 27 ans a été un dur coup à encaisser pour ses anciens coéquipiers.

 

Certes, les Sénateurs d’Ottawa ont perdu plusieurs piliers à commencer par Erik Karlsson, mais la perte de Pageau a été avalée de travers. C’est que le polyvalent droitier démontre son efficacité de nombreuses manières surtout depuis qu’il est devenu une inspiration pour ceux qui l’entourent.

 

Durant la journée spéciale de la date limite des transactions à RDS, son ancien entraîneur Guy Boucher n’a pas tardé à insister sur son rôle immense à Ottawa. L’analyste a pu le constater au quotidien pendant ses trois saisons à le diriger.

 

« C’est une influence qui a été grandissante. À sa première année, c’est clair que tu remarques son éthique de travail. Il a un plus petit gabarit, mais qui s’implique tellement à un point que je ne l’ai jamais vu reculer devant de l’adversité ou le côté physique du hockey. Je voyais un jeune qui était un bon joueur de hockey en voie de devenir une inspiration. Au fil du temps, on le voyait prendre de plus en plus de place », a vanté Boucher qui a trouvé quelques minutes avec plaisir pour discuter de Pageau avec le RDS.ca. 

 

La preuve par excellence de son impact demeure son aisance quand ça se corse.

 

« Quand on arrivait dans les moments cruciaux, il était toujours là. Tu pouvais toujours, toujours compter sur lui! Je pense aux séries, aux matchs importants, aux fins de période, aux prolongations... Il trouvait constamment une façon de contribuer et ça, c’est la marque des joueurs qui ont de l’influence. En trois ans, je n’ai jamais vu un moment qu’il n’avait pas une influence sur son entourage », a maintenu son ancien pilote.

 

Ce n’est pas pour rien que Boucher s’est tourné vers lui pour une tonne de missions importantes et diversifiées. 

 

« Ce qui est vraiment particulier dans son cas, c’est son enthousiasme par rapport au rôle et au boulot que tu vas lui confier. Et ça, ce n’est pas donné à beaucoup de joueurs pour être franc.

 

« Quand tu arrives dans la LNH, tu es habitué d’avoir été le meilleur joueur de ton équipe, mais tu ne peux pas placer tout le monde sur le premier trio ou la première unité du jeu de puissance. Jean-Gabriel avait cette grande force mentale et émotionnelle si bien qu'il était capable d’accepter avec enthousiasme tout ce qu’on lui demandait. C’est très rare et c’est là que ça inspirait tout le monde. Oui, tu le voyais faire sur la glace, mais c’était bien au-delà de ça. Pour la culture de l’équipe, c’était vraiment un élément central », a décrit Boucher avec franchise.

 

À ses yeux, Pageau décollera sous peu avec les Islanders. Après tout, il n’y a rien de surprenant aux équipes qui connaissent une baisse de régime à la suite d’une activité considérable à la date limite des transactions.

 

« Je l’ai déjà dit, les équipes qui font de grosses transactions sont habituellement celles qui ont le plus de misère au début. Évidemment, les nouveaux joueurs changent la chimie d’une équipe et les autres doivent se tasser dans un nouveau rôle. Tu regardes Pittsburgh et Tampa Bay, c’est un peu plus difficile aussi de leur côté. C’est encore plus vrai après l’arrivée de joueurs d’impact. Mais, en fin de saison et en séries, c’est clair que ces joueurs deviennent de grands atouts », a soupesé Boucher.

 

Alors que le jeu se resserre, les vertus de Pageau devraient s’amplifier.  

 

« Là où je pense que Jean-Gabriel a toujours fait sa marque, c’est par le fait qu’il est non seulement capable de jouer contre les meilleurs trios adverses, mais d’enrayer leur impact. En séries, ça te permet de donner un peu plus de liberté à tes joueurs de talent comme (Mathew) Barzal qui n’aura pas besoin de jouer contre la meilleure ligne. En plus, il est aussi capable de marquer des buts et produire offensivement, c’est un atout extrêmement précieux pour n’importe quelle équipe », a prévu Boucher.  

 

« Il s’insère parfaitement dans la mentalité des Islanders. À moyen terme et à long terme, c’est toute une acquisition pour eux », a-t-il ajouté sans s’inquiéter outre mesure des cinq revers du club depuis son acquisition.

 

Depuis son embauche à RDS, Boucher a prouvé plus d’une fois qu’il excellait pour raconter des anecdotes savoureuses. Dans le cas de Pageau, il ne pouvait ignorer une mésaventure coûteuse.  

 

« L’histoire la plus marquante n’est pas très plaisante. Une fois qu’on a échangé Karlsson (en septembre 2018), il s’était déchiré le tendon d’Achille quelque chose comme 15 minutes plus tard. Ça, ce n’était pas prévu! On s’attendait au départ d’Erik, mais pas à cette blessure. Vraiment, ce fut la douche froide, on savait qu’on n’avait plus de centre numéro un après », s’est rappelé l’ancien de l’Université McGill. 

 

Sans pouvoir relever une anecdote plus amusante sur-le-champ, il a dévoilé un aspect sous-estimé de la personnalité de Pageau.   

 

« Oui, il y a ses quatre buts contre les Rangers en séries et ses buts en prolongation, mais c’est plus son attitude de tous les jours que je retiens. Dans les moments de pression, on le voyait si souvent être capable d’avoir le sourire et avoir le mot pour faire rire. C’est difficile parce que les gars ont besoin d’une concentration extrême dans les moments cruciaux. Il avait toujours le mot ou la petite blague pour enlever de la pression sur les autres. Un gars qui est capable d’aller à la guerre et il se vire sur un dix cents pour faire rire tout le monde ensuite. Ce n’est pas donné à tous les athlètes », a conclu Boucher.

 

Pas besoin de l'avis de personne pour acquérir Pageau

 

Derick Brassard a été le coéquipier de Pageau pendant deux saisons avec les Sens, mais les Islanders n’ont pas eu à lui demander son avis pour boucler l’échange.

 

« Non, on ne m’a pas consulté. Mais juste par sa façon de jouer, tu n’as pas besoin de demander à personne. On est chanceux de l’avoir. Vous le voyez, la compétition à travers la LNH, surtout dans notre division, est très haute. On a gagné 17 matchs de suite (15-0-2 pour être exact) et on est dans la course pour les séries avec cinq, six équipes. D’avoir un joueur comme lui pour finir la saison, c’est certain que ça va nous aider », a commenté Brassard.

 

À l’autre extrémité du vestiaire des visiteurs au Centre Canadian Tire, Barzal était heureux de miser sur la polyvalence du numéro 44 avec lequel il a beaucoup ri lors des Championnats du monde.  

 

« Je l’adore, il a beaucoup d’énergie et ça se transpose sur la glace. Notre équipe a besoin d’un joueur comme lui. Dans notre formation, il y a beaucoup de bons joueurs, mais son addition en fait un de plus et ça nous procure plus de profondeur. Il joue bien défensivement et peut marquer 25 buts dans une saison », a souligné Barzal.

 

Anthony Duclair faisait partie des meilleurs amis de Pageau chez les Sens et il n’oubliera pas son influence sur sa carrière.

 

« Je le connais depuis le junior donc ça fait un bout, on est des amis. Il est tellement un leader, une bonne personne et évidemment un très bon joueur de hockey. Il a vraiment été très important pour moi quand j’ai commencé à jouer en infériorité numérique, je lui donne beaucoup de crédit », a exprimé Duclair qui le voit devenir un meneur chez les Islanders.

 

Pageau est du style à prendre les choses à cœur et c’est tout à son honneur. Il a avoué qu’il avait vomi avant la transaction puisque c’était un moment intense de son parcours. Après huit saisons avec Ottawa, il revivait une transaction, une première pour lui depuis que les Olympiques de Gatineau l’avaient échangé aux Saguenéens de Chicoutimi en janvier 2012.

 

« Ça fait longtemps, mais ce sont les mêmes petits papillons que j’ai dans le ventre. C’est un stress, mais un bon stress. Je suis content de ma nouvelle équipe. Ils m’ont offert un nouveau contrat, ils me font confiance », a maintenu Pageau avec des mots bien pesés.